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tés. Le 7 juin, le journal de M. Delescluze, secrétaire-général de la Solidarité républicaine, disait : «Bientôt la Montagne aura l'occasion de parler au peuple, au nom de la Constitution violée... que tous les démocrates socialistes s'apprêtent à payer leur dette à la patrie et à l'humanité. » Le 9, le 10 juin, les clubs surexcités redoublaient de violence. Dans un banquet des socialistes du Bas-Rhin, on portait un toast au choléra, qui a emporté le maréchal Bugeaud, et on déclarait la patrie en danger.

Une active correspondance existait entre les démagogues de Rome et les socialistes français: « Nous attendons, écrivait-on, quelque fait de Paris qui change d'un seul coup la tournure de nos affaires (1). » Ainsi, par une tactique habile, tandis qu'à Paris on se faisait un prétexte de l'expédition d'Italie pour faire éclater un mouvement insurrectionnel, à Rome on ne prolongeait, par l'oppression et la dictature, une résistance sans espoir et sans but, qu'en promettant le secours d'une insurrection parisienne.

Le 10 juin, une commission de la société des Droits de l'homme décide la permanence pour le 11, et cinq membres sont chargés de se rendre chez divers représentants de la Montagne, « afin de savoir quelle sera leur conduite si la mise en accusation n'est pas votée. »

C'est ainsi qu'un pouvoir occulte avait conduit l'opinion démocratique avancée jusqu'à cet appel aux armes lancé, le 11 juin, du haut de la tribune, atténué le 12, mais accepté sans rétractation par la presse socialiste. Les chefs parlementaires du socialisme ne s'appartenaient plus : il leur fallait marcher en avant ou tomber.

A la suite du vote du 12 juin, la Montagne se rendit dans les bureaux de la Démocratie pacifique. Là se trouvaient aussi les membres de la commission des vingt-cinq et du comité de la presse, ainsi que quelques délégués du Luxembourg. MM. LedruRollin, Considérant et Félix Pyat rédigèrent une proclamation au nom de la Montagne, et on convint d'y apposer les noms des

(1) Recueil de pièces du procès d'octobre, c. 990, 1060.

signataires d'une adresse à la démocratie allemande, insérée dans les journaux de la veille. Cette pièce était conçue en ces

termes :

AU PEUPLE FRANÇAIS.

Le peuple seul est souverain.

Les délégués du peuple, quels qu'ils soient, le président de la République, les ministres, les représentants eux-mêmes, ne reçoivent et ne conservent leur mandat qu'à la condition d'obéir à la Constitution.

Quand ils la violent, leur mandat est brisé.

La Constitution dispose: « Article 54. Le président de la République >> veille à la défense de l'État; mais il ne peut entreprendre aucune guerre sans >> le consentement de l'Assemblée nationale. »

Article 5 du préambule : « La République française respecte les nationalités étrangères comme elle entend faire respecter la sienne; n'entreprend >> aucune guerre dans des vues de conquêtes, et n'emploie jamais ses forces > contre la liberté d'aucun peuple. >>

Or, le président de la République a déclaré la guerre à Rome sans le consentement de l'Assemblée nationale.

Bien plus, au mépris du décret de l'Assemblée, du 7 mai, il a continué de faire verser le sang français.

Enfin, il a employé les forces de la France contre la liberté du peuple romaia.

Cette double violation de la Constitution est éclatante comme la lumière du soleil.

Les représentants du peuple soussignés ont fait appel à la conscience de leurs collègues en leur proposant la mise en accusation du pouvoir exécutif.

La majorité de l'Assemblée a rejeté l'acte d'accusation; elle s'était déjà rendae complice du crime par son vote du 11, sur les affaires d'Italie.

Dans cette conjoncture, que doit faire la minorité?

Après avoir protesté à la tribune, elle n'a plus qu'à rappeler au peuple, à la garde nationale, à l'armée, que l'article 110 confie le dépôt de la Constitution et des droits qu'elle consacre à la garde et au patriotisme de tous les Français.

Peuple, le moment est suprême! Tous ces actes révèlent un grand système de conspiration monarchique contre la République. La haine de la démocratie, mal dissimulée sur les bords de la Seine, éclate en toute liberté sur les bords du Tibre.

Dans cette lutte engagée entre les peuples et les rois, le pouvoir s'est rangé du côté des rois contre les peuples.

Soldats, vous comptiez arracher l'Italie aux Autrichiens; on vous condamne à seconder les Autrichiens dans l'asservissement de l'Italie.

Au moment où la Prusse, la Russie et l'Autriche menacent vos frontières de l'Est, on veut faire de vous les auxiliaires des ennemis de la France.

Gardes nationaux, vous êtes les défenseurs de l'ordre et de la liberté. La liberté et l'ordre, c'est la Constitution, c'est la République.

Rallions-nous donc tous aux cris de Vive la Constitution! Vive la République !

Avril (de l'Isère), Anstett (du Bas-Rhin), Arnaud (du Var), Bac (de la Haute-Vienne), Baune (de la Loire), Benoît (du Rhône), Bertholon (de l'Isère), Brives (de l'Hérault), Bruys (de Saône-et-Loire), Breymand (de la Haute-Loire), Beyer (du Bas-Rhin), Bandsept (du Bas-Rhin), Boch (du Bas-Rhin), Baudin (de l'Ain), Bard (de Saône-et-Loire), Boysset (de Saône-et-Loire), Boichot (de la Seine), Aristide Bouvet (de l'Ain), Burgard (du Haut-Rhin), Cholat (de l'Isère), Commissaire (du Bas-Rhin), Considérant (de la Seine), Cantagrel (de Loir-et-Cher), Cassal (du Haut-Rhin), Crestin (du Jura), Chouvy (de la HauteLoire), Chevelon (de la Haute-Loire), Combier (de l'Ardèche), Clément (de l'Isère), Delbetz (de la Dordogne), Detours (de Tarn-et-Garonne), Deville (des Hautes-Pyrénées), James Demontry (de la Côte-d'Or), Doutre (du Rhône), Dulac (de la Dordogne), Duché (de la Loire), Delavallade (de la Creuse), Derriey (du Jura), Marc Dufraisse (de la Dordogne), Duputz (du Gers), Dussoubs (de la Haute-Vienne), Daniel Lamazière (de la Haute-Vienne), Ennery (du Bas-Rhin), Fargin-Fayolle (de l'Allier), Fond (du Rhône), Faure (du Rhône), Fawtier (du Haut-Rhin), Frémond (de l'Ain), Gambon (de la Nièvre), Gastier (de la Nièvre), Gilland (de Seine-et-Marne), Gendrier (de Saône-et-Loire), Greppo (du Rhône), Heitzmann (de Saône-et-Loire), Hofer (du Haut-Rhin), Jannot (de Saône-etLoire), Jehl (du Bas-Rhin), Joigneaux (de la Côte-d'Or), Jollivet (de la Dordogne), Koenig (du Bas-Rhin), Kopp (du Bas-Rhin), Labrousse (du Lot), Laclaudure (de la Haute-Vienne), Lafon (du Lot), Lamarque (de la Dordogne), Lamennais (de la Seine), Landolphe (de Saône-et-Loire), Lasteyras (du Puyde-Dôme), Lavergne (du Tarn), Ledru-Rollin (de la Seine), Louriou (du Cher), Madet (de l'Allier), Malardier (de la Nièvre), Martin-Bernard (de la Loire), F. Mathé (de l'Allier), Mathieu (de la Drôme), Menand (de Saône-et-Loire), Michel de Bourges (du Cher), Michot (du Loiret), Mie (de la Dordogne), Miot (de la Nièvre), Monnier (de la Haute-Loire), Morellet (du Rhône), Mornais Muhlembeck (du Haut-Rhin), Nadaud (de la Creuse), Pelletier (du Rhône), Perdiguier (de la Seine), Pflieger (du Haut-Rhin), Pilhes (de l'Ariége), Ponstande (de l'Ariége), Félix Pyat (du Cher), Racouchot (de Saône-et-Loire), Rantian (de l'Allier), Rattier (de la Seine), Richard (du Cantal), Richardet (du Jura), Rigaudie (de la Dordogne), Robert (de l'Yonne), Rochot (de la Nièvre), Rolland (de Saône-et-Loire), Ronjat (de l'Isère), Roselli Mollet (de l'Ain), Rouaix (de l'Ariége), Rouet (de la Nièvre), Rougeot (de Saône-etLoire), Roussel (de l'Ain), Saint-Féréol (de la Haute-Loire), Salmon (de la Meurthe), Sartin (de l'Allier), Savatier-Laroche (de l'Yonne), Savoye (du Haut-Rhin), Signard (de la Haute-Saône), Sommier (du Jura), Suchet (du Var), Terrier (de l'Allier), Testelin (du Nord), Vauthier (du Cher), Vignes (de l'Ariége), Viguier (du Cher), Bruckner (du Haut-Rhin), Pierre Lefranc (des Pyrénées-Orientales).

A la suite de cette proclamation devait paraître, le lendemain,

cette autre pièce qui révélait l'accord des forces diverses de la démocratie socialiste :

AU PEUPLE.

Le président de la République et les ministres sont hors la Constitution.

La partie de l'Assemblée qui s'est rendue leur complice par son vote s'est mise hors la Constitution.

La garde nationale se lève!

Les ateliers se ferment!

Que nos frères de l'armée se souviennent qu'ils sont citoyens, et que, comme tels, le premier de leurs devoirs est de défendre la Constitution.

Que le peuple entier soit debout!

VIVE LA RÉPUBLIQUE!
VIVE LA CONSTITUTION!

Le Comité de la presse républicaine.
Le Comité démocratique-socialiste.
Les délégués du Luxembourg.
Le Comité des Écoles, etc.

On s'occupait en même temps des moyens matériels. Une commission de délégués de la 5o légion, présidée par un capitaine de la 5e batterie d'artillerie, organisait les préparatifs et les convocations d'une manifestation pour le lendemain 13. Sous prétextè d'une réunion électorale, cette commission attendait les ordres que devaient lui transmettre les représentants de la Montagne. Un appel à la garde nationale sortait, le 13 au matin, de cette commission dite exécutive permanente. On y engageait toutes les légions à se réunir à onze heures, au Château-d'Eau, en face de la mairie du 5e arrondissement. On se rendrait là, en tenue, sans aucune arme, et on se transporterait à l'Assemblée, afin de lui rappeler le respect du à la Constitution, dont la défense est confiée au patriotisme de tous les citoyens. C'était là, on le voit, la reproduction exacte de la manifestation pacifique du 15 mai 1848. Et cependant on savait que l'Assemblée législative ne devait pas avoir de séance le 13.

Si l'on ajoutait à ces dispositions de la démocratie militante les éléments nouveaux de trouble matériel, les graciés de Cher

bourg et de Brest accourus récemment dans Paris avec des sentiments hostiles dont ils avaient fait parade sur leur passage, des clubistes de province convoqués depuis quelques jours dans le grand centre insurrectionnel, on pouvait craindre, le 12 juin, que le lendemain ne fût une de ces journées funestes, fatales tout à la fois à l'ordre et à la liberté.

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