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native ou de combattre énergiquement ces ruineuses réformes, ou de désorganiser les services et de se heurter contre d'insurmontables difficultés par des réductions de dépenses irréalisables. Enfin, on prolongerait d'autant l'existence de l'Assemblée. Si on ne pouvait dire que ce plan fût loyal, au moins était-il habile. Mais déjà, peut-être, le pays commençait à s'éclairer sur la moralité de ces calculs.

Et d'ailleurs, qui attaquait-on aujourd'hui ? Le budget ou le ministère ? Le budget! Mais n'était-il pas l'œuvre du Cabinet précédent, dont M. Trouvé-Chauvel était ministre des Finances. Ce qui avait paru irréprochable, proposé par l'administration des républicains de la veille, devenait inacceptable depuis que l'administration nouvelle en avait reçu l'héritage. Et encore, à qui convenait-il aujourd'hui de déclamer contre les lourds budgets? Les charges qui pesaient sur la France n'étaient-elles pas le fruit de dix mois de désordres. Diminuer indéfiniment les recettes, accroître démesurément les dépenses, tel avait été le système financier de ces mêmes politiques qui parlaient aujourd'hui d'équilibre financier.

Comment se faisait-il qu'on persistât à indiquer comme faciles des économies assez larges pour équilibrer le budget, tandis qu'on ne pouvait en formuler aucune. Pressait-on les réformateurs de sortir du vague, et de préciser quelque réforme pratique, il devenait impossible d'en tirer une réponse. On les voyait alors se rejeter sur ces expédients si chers aux utopistes, la réduction, par exemple, ou même la suppression de l'effectif militaire. On citait, à ce sujet, ce qui se passait de l'autre côté de la Manche. On parlait avec éloge de M. Cobden et de ses utopies prêchées dans les meetings. M. Cobden, disait-on, n'hésitait pas à demander que les dépenses militaires et navales de l'Angleterre fussent ramenées à ce qu'elles étaient en 1855, ce qui procurerait une économie annuelle de 250 millions. On se gardait bien d'ajouter qu'au moment même où M. Cobden prêchait ces séduisantes réformes, l'Angleterre augmentait ses dépenses navales. Telles furent les objections présentées contre la proposition de M. Billault. Cependant il fallait revenir sur le vote annulé par suite de la confusion des deux mots examiner et établir. M. Gent, au nom

de ses collègues, vint, le 24 janvier, déclarer que la proposition des quatre-vingts membres n'avait d'autre but que de faire nommer une commission chargée d'examiner le budget de 1849. Réduit à ces termes, le vote de la veille ne portait plus que sur le comité des finances; la prérogative du Pouvoir exécutif demeurait intacte.

Le rapport sur la proposition de M. Billault avait à décider sur la question d'urgence. L'organe de la commission, M. Dezeimeris, oubliant, sans doute, la question à résoudre, conclut à l'adoption de la proposition. C'était démasquer trop clairement le but de la proposition, et montrer, par cette précipitation malheureuse, qu'on ne pensait, au fond, qu'à renverser un ministère. A cet excès de zèle de la commission s'ajoutait une autre imprudence, à savoir, une accusation éloquente contre les dilapidations du budget monarchique. Était-ce bien à ceux-là même dont l'administration avait surchargé d'un déficit immense la fortune publique, de calomnier les prospérités de temps meilleurs? L'Assemblée vota seulement l'urgence, et cela sur la demande même de M. le ministre des Finances. Quant au fond, la proposition, conformément au règlement; fut renvoyée dans les bureaux pour un nouveau rapport.

C'est là qu'en était arrivé le conflit dans la Chambre, quand des événements d'une gravité singulière en amenèrent la solution.

CHAPITRE III.

TRAVAUX SÉRIEUX. ADMINISTRATION.

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LOIS ADMINISTRATIVES. Loi relative au travail dans les prisons. Suppression imprudente. Les droits du travail libre. - Rapport de M. Rouher, Système du Gouvernement et de la commission, intervention du ministère de la Guerre, MM. Baraguay-d'Hilliers et de Lamoricière, adoption du projet, ses imperfections. - Question des coalitions, proposition de M. Morin, tentative de conciliation entre les patrons et les ouvriers, avortement de la proposition. L'enseignement public et M. Carnot, nouveau plan d'institutions primaires, commissions nommées par M. de Falloux, conflit élevé par MM. Repellin et Barthélemy-Saint-Hilaire, M. Dupont (de Bussac), décret sur les lois organiques, ordre du jour motivé, l'Assemblée refuse d'infliger un blâme au ministère. Organisation de l'assistance dans la ville de Paris, adoption du projet du Gouvernement. t.- Modification de l'art. 1781 du Code civil. — Mariage civil, publicité du contrat. - Projet de loi sur les chambres consultatives d'agriculture, M. Tourret. — Retrait du projet de loi sur l'école d'administration, projet nouveau, l'ancien projet repris par M. Bourbean.

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L'Assemblée s'occupa, dans les premiers jours de l'année, d'une loi relative au travail dans les prisons, si imprudemment aboli par le Gouvernement provisoire. L'immoralité engendrée par le désœuvrement ne permettait pas de laisser subsister plus longtemps le décret dicté par le Luxembourg. La disposition essentielle de la loi nouvelle portait que les produits fabriqués par les détenus des maisons centrales, de force et de correction, ne pourraient pas être livrés sur le marché en concurrence avec ceux du travail libre. La conséquence de cette innovation serait d'appliquer désormais les détenus à la confection des effets d'habillement et de chaussure à leur propre usage, à celle des effets de même nature destinés à la troupe, aux hospices et aux bureaux

de bienfaisance. Les produits du travail des prisonniers seraient, autant que possible, consommés par l'État. Mais l'application de cette nouvelle législation serait graduelle et subordonnée à l'expiration des contrats qui, pour quelques années encore, liaient l'administration envers un certain nombre d'entrepreneurs.

Tel était le projet sur lequel s'ouvrit, le 4 janvier, la discussion générale. Les différents points de vue de la question furent exposés avec une remarquable lucidité par le rapporteur de la commission, M. Rouher.

L'organisation du travail dans les prisons excitait, depuis longtemps, de vives réclamations de la part de l'industrie libre, lorsqu'éclata la Révolution de Février; le Gouvernement provisoire, voulant venir en aide aux ateliers qui se fermaient de tous côtés, suspendit, par un décret du 24 mars 1848, le travail des détenus; le 28 août, le Gouvernement proposa un décret qui tendait à rétablir le travail, en laissant aux préfets le soin de déterminer la nature et les tarifs des fabrications qui pourraient être exécutées dans les prisons, et en leur donnant, en outre, la faculté d'interdire la mise en vente, dans certaines villes, des objets manufacturés.

La commission à laquelle ce projet fut renvoyé, tout en reconnaissant la nécessité de rétablir le travail dans les prisons, soit comme moyen de discipline et de moralisation, soit comme moyen d'alléger les charges de l'État, fut cependant d'avis de repousser l'expédient proposé par le Gouvernement, parce qu'il lui semblait impropre à combattre le mal auquel on voulait remédier; on ne ferait, suivant elle, que déplacer la difficulté : car l'entrepreneur, ne pouvant exercer une industrie acclimatée dans le pays, organiserait une concurrence à celle d'un département plus éloigné, et, en réalité, plus digne de protection, puisque ce département ne profiterait pas des débouchés que procure le voisinage d'une maison centrale.

Mais la commission ne se borna pas à rejeter la solution qui était proposée; elle en formula une autre qui lui parut de nature à concilier des éléments en apparence inconciliables; le moyen proposé consistait à faire consommer par l'État, et principalement par les armées de terre et de mer, les produits fabriqués dans les

maisons de force et de correction. Sans doute, par cette combinaison, la lutte cesserait entre le travail libre et le travail des prisons, le produit confectionné par le détenu ne pouvant plus être mis en vente à côté d'un article similaire confectionné par l'ouvrier libre et venir en déprécier la valeur.

Le point important était de savoir si ce nouveau système pouvait s'harmoniser avec notre organisation administrative. La commission s'entendit, à ce sujet, avec les ministres de la Guerre et de la Marine, et elle se convainquit de la possibilité de réserver aux condamnés la confection des vêtements et des chaussures destinés aux armées. Ce système présenterait, en outre, l'avantage de supprimer les compagnies hors-rang, chargées, jusqu'alors, de confectionner ces différents objets, ce qui permettrait, en rendant au service les soldats qui les composent, de diminuer l'effectif, et, par suite, le budget militaire.

Après la lecture du consciencieux rapport de M. Rouher, la discussion s'engagea (5 janvier) entre M. le ministre de la Guerre et M. le général Baraguay-d'Hilliers, qui soutint la nécessité des compagnies hors-rang pour la confection de beaucoup d'objets autres que des vêtements. La solution proposée par la commission présentait donc quelques difficultés, et M. de Lamoricière ne parvint pas à les résoudre. Aussi, M. le ministre de l'Intérieur, tout en déclarant que la pensée de faire consommer par l'État les produits du travail des détenus, était susceptible d'être appliquée dans certaines limites, s'éleva contre ce que le projet de la commission présentait d'impératif,

En résumé, deux systèmes se trouvaient en présence.

Le premier, proposé par le Gouvernement, tendait à mettre entre les mains des préfets des pouvoirs suffisants pour empêcher les conflits entre le travail des détenus et le travail libre. Ainsi, on ne permettrait pas, dans les villes où il existe une industrie qui fait vivre une partie de la population, d'introduire cette industrie dans la maison centrale. On fixerait le salaire des détenus de telle façon qu'il ne fût pas assez abaissé pour faire une concurrence dangereuse au salaire des ouvriers libres; enfin, on interdirait la vente, dans certaines villes, des produits qui pourraient se présenter en rivalité avec les produits de l'industrie locale.

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