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cheuse qu'elle se rencontrait chez un membre du Gouvernement. La politique n'a-t-elle pas ses exigences devant lesquelles doivent se taire les plus honorables sympathies? On vit dars l'attitude de M. Dufaure au symptôme nouveau de ces défiances qui, déjà, s'étaient produites pendant la discussion sur la prorogation. Seulement, cette fois, c'était dans la majorité que se trouvaient les soupçons et les dissentiments. Au reste, ces appréhensions sincères ou calculées tombèrent bientôt devant les faits. Une tournée faite par M. le président de la République dans les départements de l'Ouest, eut surtout pour effet de rassurer l'opinion publique. Dans ce voyage représenté à l'avance comme le prélude d'une violation prochaine de la Constitution, le président de la République s'attacha à donner à chaque pas le démenti le plus éclatant aux bruits dont l'opinion publique s'était émue. L'inauguration du chemin de fer de Tours à Angers fut un des premiers résultats de ce voyage. Le président de la République saisit cette occasion pour protester en ces termes énergiques contre toute pensée de coup d'État :

J'ai trop bien connu le malheur pour ne pas être à l'abri des entraînements de la prospérité. Je ne suis pas venu au milieu de vous avec une arrière-peusée, mais pour me montrer tel que je suis, et non tel que la calomnie veut me faire. On a prétendu, on prétend encore aujourd'hui à Paris que le Gouvernement médite quelque entreprise semblable au 18 brumaire. Mais sommes-nous donc dans les mêmes circonstances? Les armées étrangères ont-elles envahi notre territoire? La France est-elle déchirée par la guerre civile? Y a-t-il 80,000 familles en émigration? Y a-t-il 300,000 familles mises hors la loi par la loi des suspects? Enfin, la loi est-elle sans vigueur et l'autorité sans force? Non. Nous ne sommes pas dans des conditions qui nécessitent de si héroïques remèdes. A mes yeux, la France peut être comparée à un vais seau qui, après avoir été ballotté par les tempêtes, a trouvé enfin une rade, plus ou moins bonne, mais enfin où il a jeté l'ancre. Eh bien! dans ce cas, il faut radouber le navire, refaire son lest, rétablir ses mâts et sa voilure, avant de se hasarder encore dans la pleine mer.

.....

Les coups d'Etat n'ont aucun prétexte : les insurrections n'ont aucune chance de succès. n

Après avoir tenu un tel langage, le président de la Républi que devait se croire à l'abri de toute allusion à des soupçons si hautement repoussés. Il n'en fut rien : le premier adjoint de la

mairie du Havre, M. Bertin, adressa au prince des insinuations d'un goût contestable et des conseils qui ressemblaient à des leçons. Le président riposta par un laconique discours dans lequel on remarqua cette phrase: « En dehors de l'ordre et de la stabilité, il ne peut y avoir de prospérité publique. »

Les populations, en revanche, accueillaient le président avec un empressement sympathique. Partout le cri de: Vive le président! était accompagné de celui de Vive Napoléon! Quelquefois même, comme à Epernay, le cri de: Vive l'Empereur! se faisait entendre. Étail-ce un vou, ou n'était-ce pas là plutôt un patriotique souvenir? Le président, après sa tournée dans l'Ouest, s'était dirigé sur les départements de l'Est : il y inaugura le chemin de fer de Paris à Epernay, et revint à Paris pour l'inauguration du chemin de fer de Paris à Lyon (16 septembre).

Pendant ces solennités pacifiques, la session des conseils généraux s'était ouverte. M. le ministre de l'Intérieur avait provoqué des observations sur le projet de loi qui, d'après l'art. 78 de la Constitution, devait déterminer: 1° la composition; 2o les attributions des conseils généraux, cantonaux et municipaux; 3° le mode de nomination des maires et des adjoints. L'organisation des institutions municipales, cantonales et départementales, conduirait nécessairement à revoir la législation qui régit les conseils de préfecture et qui définit les attributions des préfets et des souspréfets elle mènerait peut-être à examiner les griefs articulés contre les abus incontestables de la centralisation. On ne demandait donc aux conseils généraux rien moins que d'apprécier, au point de vue des institutions nouvelles du pays, tout l'ensemble des lois qui forment en France la législation des administrations locales et qui statuent sur tous les intérêts qu'elles embrassent, y compris les rapports de ces administrations avec l'État. Cette question de la centralisation, fut donc agitée dans quelques assemblées. Dans l'une d'elles, on proposa qu'une insurrection à Paris, qu'une atteinte portée par l'émeute à la Constitution, équivalussent à une convocation des conseils généraux. La décentralisation administrative fut surtout indiquée comme remède.

La révision immédiate de la Constitution était la motion mise par les impatients à l'ordre du jour de la plupart des conseils gé

néraux. Six conseils seulement, contre soixante-dix-huit, demandèrent plus ou moins clairement que, sans tenir compte des prescriptions et des délais de la Constitution, le pacte de 1848 fùt soumis à une révision immédiate.

La question du rétablissement ou du maintien des anciens impôts abrogés par l'Assemblée constituante fut également agitée. Un certain nombre de conseils déclina jusqu'à la responsabilité d'un avis sur les moyens qu'on pouvait encore employer pour combattre le déficit. Toutefois, beaucoup se prononcèrent contre la suppression de l'impôt des boissons. Cette taxe ne trouva de partisans que dans quelques départements vinicoles. Quant au projet d'impôt sur le revenu proposé par M. Passy, il ne trouva pas un seul défenseur. (Voyez aux documents historiques les vœux exprimés par chacun des conseils généraux, Appendice, p. 75.)

En dehors de ces pacifiques débats, rien ne fût venu troubler le calme des esprits, pas même les excentriques dissertations d'un club politique qui se déguisa pendant quelques jours sous le nom de Congrès de la paix, si le président de la République n'avait pas cru devoir faire acte de politique personnelle. Ce fut à propos de l'Italie (1). Le conseil d'Etat venait de blâmer la conduite de M. de Lesseps et l'armée française assurait à Rome le repos public si nécessaire à la réorganisation politique du pays, lorsque parut une lettre adressée par le président à M. le colonel Edgar Ney (8 septembre). Cette lettre étrange, écrite à un point de vue dit libéral, semblait accuser le Gouvernement pontifical restauré de proscription et de tyrannie. On y indiquait impérativement, ou plutôt on paraissait vouloir imposer au saint-père une politique définie, et jusqu'à l'adoption du code Napoléon. Quelques-uns ne virent là qu'une boutade et que la recherche d'une facile popula rité d'autres prononcèrent le mot de légèreté; beaucoup applau dirent à ce langage vigoureux ou tranchant. Un symptôme instructiffut l'approbation d'une grande partie de l'opposition qui vit là un désaveu de l'attitude jusqu'alors gardée par le Gouvernement dans l'intervention italienne. Les esprits pratiques purent se demander quel effet sérieux aurait cette pièce. Était-il parfaitement conforme

(1) Voyez pour plus de détails le chapitre Italie.

à l'esprit de la Constitution que le président de la République engageât l'action du pays dans les questions les plus graves, par un simple billet à l'un de ses officiers d'ordonnance? Qu'en penserait l'Assemblée nationale, et la majorité serait-elle disposée à soutenir cette politique? N'y aurait-il pas là une cause suffisante de modification dans les éléments de la majorité? Enfin, qu'en penseraient les grandes puissances européennes? Était-on assuré d'avance de leur approbation? Dans le cas contraire, jusqu'où s'avancerait-on pour soutenir cette première démarche ? Le seul résultat sérieux de cette manifestation personnelle, fut une crise ministérielle heureusement arrêtée par la sagesse du président, et par l'attitude conciliante de M. de Falloux, qui consentit à rester dans le cabinet.

Ainsi s'annonçait une nouvelle campagne pour la reprise de la session. Difficultés ministérielles, politique française à Rome, ces deux questions allaient défrayer les orages parlementaires. La comparution, fixée au 10 octobre, de 28 accusés du 13 juin devant la haute Cour siégeant à Versailles, coïnciderait d'une manière fâcheuse avec le renouvellement des débats législatifs. Déjà des manifestations regrettables annonçaient une sourde irritation dans les partis extrêmes les ultrà-républicains célébraient, le 22 septembre, l'anniversaire de 1792 et des troubles graves, mais promptement réprimés, éclataient à Cholet.

Telle était la situation quand cessa l'interrègne parlementaire.

CHAPITRE XX.

LE GOUVERNEMENT PERSONNEL.

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Reprise des travaux législatifs, réélection du bureau. Questions brûlantes, expédition d'Italie, douaire de madame la duchesse d'Orléans, transportation en Algérie des détenus de juin, abrogation des lois d'exil. Proposition double de M. Napoléon Bonaparte, autre proposition de M. Creton, M. Berryer et le drapeau du droit, rejet de la proposition; le douaire, demande de communication du contrat de mariage, engagement sacré, MM. Passy, Lagrange, Lefranc, amendement de M. Mauguin, adoption du projet. · Crédits de l'expédition romaine, rapport de M. Thiers, lettre du président, motu proprio du saint-père, attitude des partis; discussion, M. de Tocqueville, MM. Mathieu (de la Drôme), Thuriot de la Rosière, M. Cavaignac, explications confuses; M. Victor Hugo, conversion définitive, doctrines étranges; M. de Montalembert, critique sanglante, éloquente discussion; adoption des crédits; union persistante de la majorité. Le parti socialiste, discordes intestines, la Haute-Cour de Versailles, déclaration des réfugiés de Londres, M. Considérant; les adhérents libres, M. Antony Thouret, citoyens et messieurs; le vrai peuple à l'Assemblée; les mille et une banques de M. Pelletier; plaidoiries devant la Haute-Cour, légitimité de l'insurrection, M. de Royer et M. Michel (de Bourges); arrêt de la HauteCour.Nouveau ministère du 31 octobre, message, politique personnelle, la responsabilité présidentielle, attitude de la majorité; le cabinet de l'action, institution de la magistrature, conflit de prérogatives, proposition de M. Desmousseaux de Givré; M. Carlier à la préfecture de police, ligue sociale contre le socialisme; circulaire aux préfets, enquête départementale, mutations; fête de l'industrie, annonce de réformes, amnistie, nouveau projet de déportation; révocation de M. Pierre Bonaparte, les missions des représentants; circulaire aux colonels de gendarmerie; les instituteurs primaires, le Conseiller du peuple; ordonnance concernant les certificats d'éindes. Scandales parlementaires; duels nombreux; refus d'allouer des frais de représentation au vice-président de la République; M. Raspail et les ministres banquiers, calomnies sans preuves, MM. Dupin et le duc de Montebello, réprobation énergique; les blessés de février, les gardes municipaux, 41. Ségur-d'Aguesseau, tumulte; l'athéisme à l'Assemblée, M. Na

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