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que tous les cantons pourraient être divisés en quatre circonscriptions; c'est, en effet, le décret rendu par la Constituante, à l'oc casion de l'élection présidentielle du 10 décembre, qui formait la dérogation la plus grave au principe de l'élection au chef-lieu de canton; c'est de ce jour-là que ce principe avait cessé d'être la règle pour devenir l'exception, car depuis lors, les trois quarts environ des électeurs n'avaient pas voté au chef-lieu. La Législative, en augmentant le nombre des circonscriptions, ne faisait que marcher dans la voie frayée par la Constituante.

M. le général Bedeau s'attira les applaudissements de la Montagne, en se ralliant à l'opinion de M. Cavaignac (5 décembre).

Les réfutations successives de MM. Lacaze, Gaslonde et Ferdinand Barrot eurent enfin le mérite de lever les scrupules de M. le général Bedeau qui renonça à son opposition. 442 voix contre 206 adoptèrent le projet pour la deuxième délibération; restait l'épreuve de la troisième. Cette dernière discussion, qui eut pour résultat l'adoption définitive du projet, ne fut remarquable que par l'attitude nouvelle d'un représentant de la Montagne, M. Miot. Cet orateur ayant accusé la majorité de n'avoir que de la haine pour les enfants du peuple et de pousser à la révolte en retirant le travail, le président dut le rappeler trois fois à l'ordre et lui infliger la censure. Il fallut aller jusqu'à lui interdire la parole et encore M. Miot s'apprêtait-il à résister au règlement, lorsque M. Dupin se couvrit. Alors seulement l'orateur révolté descendit de la tribune. Ce dernier scandale signala la dernière discussion politique de l'année.

CHAPITRE XXI.

DERNIER INVENTAIRE LÉGISLATIF.

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QUESTIONS ADMINISTRATIVES. - Coalitions industrielles; système de M. Morin (de la Drôme), rapport de M. de Vatimesni! sur la proposition Doutre, etc.; conséquences de la liberté absolue; rejet de l'amendement Morin; MM. Heurtier et Bastiat, répression et laisser-faire, l'Angleterre; M. Sainte-Beuve, les socialistes sans le savoir; amendement Wolowski et Valette, coalitions injustes et abusives, rejet; amendement Chauffour, le jury, rejet; MM. Boysset et Nadaud, exploitation de l'homme par l'homme, insuffisance des salaires ; les prud'homames; autre amendement Wolowski, rejet; adoption du projet. Proposition Miot modifiant l'article 474 du code pénal, rejet. - Projet modifiant l'article 472 du code d'instruction criminelle, relatif au mode d'exécution des arrêts rendus par contumace, adoption. Proposition BravardVeyrières sur les concordats amiables, adoption. Proposition Morellet, etc., relative à la création de chambres industrielles, rejet. Caisses de retraite, sociétés de secours mutuels; intervention de l'État, rapport de M. Benoît d'Azy, retenues obligatoires ou versements facultatifs; c'est le socialisme, M. Pelletier et M. Raudot; projet nouveau du gouvernement, ajournement. Subvention aux associations, proposition Faure, etc., expérience à tenter; M. Nadaud, les parasites de l'industrie, l'infâme capital, rejet. Naturalisation et séjour des étrangers, proposition Vatimesnil et Lefebvre-Duruflé amendement Bourzat, souveraineté de l'Assemblée; droit électoral, amendement Mauguin, adoption; les droits acquis; vote d'adoption.

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Questions financières. Plan financier de M. Passy, plan nouveau M. A. Fould, budgets divers, création d'impôts; autre plan de M. L. Faucher; douzièmes provisoires; théories financières de la gauche, M. Huguenin, les recettes avaut les dépenses, le milliard d'indemnité. Situation de la Banque de France, traité avec l'État, adoption; M. Benjamin Delessert, M. L. Faucher, interpellations, cours forcé, maximun d'émission; projet élevaut le maximum, assignats et banqueroute, adoption. — Impôt des boissons, agitation politique, discussion, adoption, réserves faites, enquête.

Chemins de fer. — Ajournements, ligne de Paris à Marseille ; sections de Châ

lons-sur-Saône à Lyon et de Tonnerre à Dijon, demande de crédits; compagnie nouvelle pour le chemin de Paris à Avignon, projet; Marseille à Avignon, projet de subvention et de garautie, adoption.

Dernier inventaire législatif.

Il reste, pour compléter la longue série des travaux législatifs, à indiquer les dernières études administratives et financières qui occupèrent l'attention de l'Assemblée. Parmi les projets de loi, les propositions, les discussions de nature si diverse et quelquefois si confuse, parmi les rapports souvent remarquables, parmi les votes définitifs ou provisoires, nous ne choisirons que ceux dont le sujet commande un intérêt véritable.

Questions administratives. Dans cette série se présente d'abord une importante proposition de MM. Doutre, Pelletier, Benoît (du Rhône), etc., tendant à modifier les articles 414, 415 et 416 du Code pénal, relatifs aux coalitions industrielles. Cette proposition fut discutée le 16 novembre. M. Morin (de la Drôme), pré ́senta et développa un nouveau système, tendant à supprimer le délit de coalition, et à punir simplement d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 fr. à 3,000 fr.: 4o ceux qui auraient opéré ou tenté d'opérer la hausse ou la baisse des salaires par des menaces violentes ou autres voies d'intimidation collectives ou individuelles; 20 ceux qui, par les mêmes moyens, auraient porté ou tenté de porter atteinte aux autres conditions du travail, ou en auraient causé le ralentissement ou la suspension dans les ateliers. Un troisième article portait que, dans les cas prévus par les deux articles précédents, les chefs ou noteurs seraient punis d'un an à trois ans de prison et pourraient, en outre, à l'expiration de leur peine, être placés sous la surveil lance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus. C'était là un moyen terme entre le principe de la liberté absolue soutenu par M. Doutre et le principe de la répression qui formait la base du projet de la commission. Mais le rapporteur, M.de Vatimesnil, n'eut pas de peine à prouver que ce prétendu moyen terme n'aurait pour effet que d'assurer l'impunité aux coalitions, tout en diminuant les pénalités édictées par le Code pénal contre les au

teurs de menaces ou de violences. Or, qui ne sait combien les coalitions sont préjudiciables tout à la fois à l'industrie, aux patrons, aux ouvriers et à la paix publique? M. de Vatimesnil en cita de nombreux exemples, empruntés à l'histoire industrielle de l'Angleterre depuis 1825; on put juger par ce tableau des conséquences désastreuses qu'entraîne le régime de la liberté absolue. L'amendement de M. Morin fut repoussé (17 novembre).

M. Heurtier, défenseur du système d'égalité dans la répression adopté par la commission, n'hésitait pas à affirmer que le principe de la libre coalition aurait pour résultat de jeter la plus fàcheuse perturbation dans les ateliers, de porter une déplorable atteinte à la production, d'empirer la condition des travailleurs. en provoquant des grèves sans fin, d'offrir en quelque sorte une prime d'impunité au désordre et à la compromission, de la tranquillité publique. Mais, s'écriait M. Bastiat, économiste distingué, partisan de la liberté des coalitions, cette Angleterre que vous nous citez comme un exemple frappant des inconvénients du principe que nous voulons faire prévaloir, pourquoi s'est-elle décidée, à en finir avec le système de la répression? Pourquoi ce parlement, siattaché à ses anciennes lois qu'il se refuse à les abroger, quelque absurdes qu'elles puissent être, par cela seul qu'elles ont un parfum d'antiquité, pourquoi ce parlement a-t-il pris le parti d'abolir les trente-sept statuts qui formaient le Code répressif des coa-. litions? C'est parce qu'il reconnaissait l'injustice des restrictions et l'impossibilité de résoudre, autrement que par le principe de la liberté absolue, les incessantes difficultés qui s'élevaient entre les ouvriers et les maîtres de l'industrie.

Avez-vous donc oublié, répondaient les partisans de la répression, les crises de tout genre, les pertes cruelles éprouvées depuis 1825 par la production anglaise et par les travailleurs eux-mêmes? L'épreuve est faite et il n'y a plus d'illusions possibles.

Une autre objection était formulée par M. Sainte-Beuve. L'honorable membre disait à la commission : « Vous faites du socialisme sans le savoir. Le socialisme, ajoutait-il, c'est une atteinte, portée à la liberté; donc, toutes dispositions restrictives de la liberté sont entachées de socialisme, » Mais, à ce compte, le Code pénal de 1810, auquel se référait le travail de la commission, eût

été une émanation du socialisme; la réglementation de la liberté de la presse, socialisme; la punition des crimes et délits, encore et toujours socialisme. M. de Vatimesnil le fit remarquer avec raison, ce n'est pas la répression des coalitions qui porte atteinte à la liberté du travail, ce sont les coalitions ellesmêmes. La loi n'empêche pas les ouvriers de produire leurs légitimes réclamations; elle ne les condamne point à subir ce que M. Sainte-Beuve appelait une iniquité dans la fixation du salaire; les ouvriers ont le droit de débattre librement avec leurs patrons les conditions de leur travail; ils peuvent même envoyer des délégués aux maîtres ou entrepreneurs pour s'entendre amiablement avec eux; ils ont, en outre, des protecteurs naturels et des arbitres impartiaux dans le conseil des prud'hommes. Il y a plus; rien ne s'oppose à ce qu'ils s'abstiennent individuellement d'aller à l'atelier et de refuser leurs bras, lorsqu'ils croient de leur intérêt de s'abstenir, la loi ne le leur défend pas. Ce qu'elle défend, ce qu'elle punit justement, c'est le concert préalable, ce sont les coalitions. C'est qu'en effet, à part même les dangers qui en résultent pour la paix, les désordres qu'elles causent dans la production, les pertes et la misère qu'elles font peser sur les ouvriers, les coalitions affectent gravement la liberté du travail. On sait ce qui arrive en pareil cas la minorité commande, la majorité obéit. Ce sont quelques meneurs qui s'arrogent le droit de stipuler pour les intérêts de tous et qui ordonnent la grève; bon gré, mal gré, tout le monde est forcé de se soumettre à l'arrêt. S'il est, parmi les travailleurs condamnés à l'inaction, des pères de famille qui, sous le coup de nécessités impérieuses, préféreraient ne point déserter l'atelier, l'esprit de solidarité les entraîne pour la plupart, au risque de cruelles privations; s'il en est qui osent ne point céder à la pression des exhortations et de l'exemple, les menaces ne se font point attendre; puis arrivent les mauvais traitements. Pour démontrer que le principe de la répression peut être quelquefois un obstacle à de justes réclamations, M. Sainte-Beuve avait rappelé la fameuse grève des charpentiers, qui tombèrent en 1846 sous l'action de la loi; et qui, néanmoins, finirent par avoir gain de cause auprès de leurs patrons; ce fait ne prouvait pás que les charpentiers eussent ea raison de se coaliser; mais

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