Slike stranica
PDF
ePub

imposante et énergique sur la frontière, avait empêché les soldats de l'Autriche de franchir le Tessin et d'envahir le Piémont.

A cette force, destinée à agir contre l'anarchie du dedans et contre les ennemis du dehors, s'ajoutait une organisation vigoureuse de l'administration générale.

M. Carlier, précédemment chargé au ministère de l'intérieur d'importantes fonctions dans la direction de la police générale, était installé comme chef de la police municipale, avec extension d'attributions en ce qui concernait la partie politique, jusqu'à ce jour réservée au cabinet particulier du préfet.

Le programme du nouveau cabinet, porté à la tribune par M. Odilon Barrot, ressembla à tous les programmes des administrations régulières. Il est vrai que depuis longtemps le pays était déshabitué du langage des politiques calmes et normales Rétablir la sécurité, rendre par là à l'industrie, au commerce et à l'agriculture la liberté et la fécondité des transactions; en un mot, constituer l'ordre matériel et l'ordre moral, telles étaient les loyales intentions exprimées par M. Barrot. Rude tâche sans doute! Que de ruines, en effet, ne s'était-il pas fait en France ! Que de maux à réparer depuis le banquet de Février! Le ministre du 23 février 1848 se retrouvait au pouvoir dix mois après, non plus cette fois pour réformer, mais pour reconstruire.

Le premier engagement entre le nouveau ministère et l'opposition eut lieu à propos d'une ordonnance qui investissait le général Changarnier du double commandement des Gardes nationales du département de la Seine et des troupes de ligne comprises dans la 1re division militaire. M. Ledru-Rollin adressa, à ce sujet, des interpellations au cabinet. L'orateur démontra aisément l'irrégularité d'une ordonnance semblable, et alla jusqu'à dire qu'un pereil arrangement détruisait la responsabilité du ministre et violait la Constitution.

Le ministre interpellé répondit que, quant à la responsabilité, le fait même de la délégation maintenait sous la responsabilité du cabinet les actes du délégué. Sans doute le général Changarnier était investi de pouvoirs extraordinaires. Il était contraire, nonseulement à la loi de 1831 sur la Garde nationale, mais aux principes de la prudence et de la saine politique des temps

réguliers, que le même officier réunît le commandement des troupes et celui de la Garde nationale, et eût sous la main une armée à sa disposition, sous la seule condition de prévenir dans les vingt-quatre heures le ministre de la guerre des dispositions qu'il jugerait convenable de prendre. Mais M. LedruRollin pouvait-il affirmer que, cinq mois après la plus terrible. guerre civile, lorsque 60,000 hommes bivouaquaient encore dans Paris, la situation de la capitale pût être considérée comme régulière? Cette armée toujours prête contre la révolte, il lui fallait un chef, et l'unité de commandement exigeait que ce chef fût en même temps chef de la Garde nationale. Nécessité n'est pas légalité. Telle fut la réponse de M. Odilon Barrot, réponse plus embarrassée peut-être et moins claire qu'il ne l'eût fallu.

La discussion se prolongea entre M. Ledru-Rollin et le ministre de l'Intérieur, M. de Maleville. Un ordre du jour motivé impliquant un blâme contre le Gouvernement fut proposé par MM. Degousée et Ducoux. La Chambre préféra l'ordre du jour pur et simple. Ce fut là le premier succès de la nouvelle administration (26 décembre 1848).

Le cabinet subit, après quelques jours de durée, deux modifications significatives. M. Bixio fut remplacé par M. Buffet au ministère de l'Agriculture et du Commerce; M. Léon de Maleville quitta le ministère de l'Intérieur, auquel fut appelé M. Léon Faucher, qui céda à M. Lacrosse le ministère des Travaux publics (30 décembre). La retraite de M. Bixio ne pouvait étonner. Son nom avait été une tentative de conciliation : démocrate sincère, mais trop engagé avec les partis extrêmes, M. Bixio ne pouvait rester dans un cabinet conservateur et réparateur. La retraite de M. de Maleville avait plus de gravité. On s'accordait à l'attribuer à une lettre qui lui aurait été adressée par M. Louis Bonaparte. Dans cette lettre, disait-on, M. le Président de la République aurait réclamé du ministre de l'Intérieur la remise de dossiers relatifs à l'affaire de Strasbourg et de Boulogne, et aurait exprimé en des termes assez vifs son mécontentement du retard apporté à l'accomplissement de son désir.

Si l'on écartait la question de procédés, ce premier défaut d'entente paraissait n'être que le résultat des rapports nouveaux

établis entre le chef du Gouvernement responsable et ses ministres, responsables comme lui. Il ne pouvait paraître surprenant que cette complication fâcheuse, que cet état mal défini amenât des difficultés faciles à prévoir. Le Président de la République, pénétré de sa propre responsabilité, décidé par conséquent à gouverner lui-même, rencontrait, dès ses premiers pas, des résistances chez des hommes politiques habitués aux anciennes évolutions du gouvernement constitutionnel. L'opinion publique elle-même comprenait mal le jeu de ces rouages nouveaux, et cherchait à la modification du cabinet des motifs plus secrets et plus personnels.

Une lettre de M. Germain Sarrut, publiée le 6 janvier, dans le journal la Liberté, et formulant une accusation précise de détournement des dossiers des affaires de Strasbourg et de Boulogne, les insinuations répandues depuis plusieurs jours contre M. de Maleville à l'occasion de son différend avec M. le Président de la République, amenèrent à la tribune l'ex-ministre de l'Intérieur. Après avoir exprimé le sentiment de surprise que cette étrange accusation lui causait, il procéda comme on le fait sous l'inspiration d'une conscience qui n'a point de reproche à s'adresser. 11 voulut avant tout établir que l'acte qu'on semblait ainsi lui prêter était matériellement impossible, et il en fournit la preuve irrécusable en constatant, par un document authentique, qu'au moment de son entrée au ministère, et le jour même de l'installation du Président de la République, les seize cartons contenant les pièces relatives aux affaires de Strasbourg et de Boulogne avaient été, après inventaire dressé en présence de témoins, mis sous le scellé, avant même la nomination de M. de Maleville, et que des mesures avaient été prises pour qu'ils demeurassent en lieu sûr. Aujourd'hui encore ces cartons, ces dossiers étaient sous le scellé; personne ne les avait ouverts, personne ne les avait déplacés. Après avoir ainsi détruit le grief et enlevé tout prétexte à l'insinuation, M. de Maleville, s'abandonnant au sentiment d'indignation qu'il s'était appliqué jusque-là à contenir, s'écria: « Oui, sur mon honneur et à la face de cette Assemblée, quiconque dira que le ministre de l'Intérieur, M. de Maleville, a touché à ces papiers, les a fouillés, les a vus, les a retenus, en a détourné

une pièce, l'a rétablie, celui-là a lâchement menti. » La salle retentit d'applaudissements.

M. Léon Faucher, nouveau ministre de l'Intérieur, confirma de tous points les déclarations de son prédécesseur. Force fut à M. Sarrut de venir expliquer sa lettre, mais ses explications furent embarrassées, vagues et diffuses. D'abord il n'avait jamais entendu accuser M. de Maleville, et ce qu'il réclamait, ce n'était pas d'ailleurs le dossier de Strasbourg ou celui de Boulogne, mais celui d'une conspiration de 1839, conspiration mi-partie bonapartiste, mi-partie républicaine, l'une des cent quatorze auxquelles M. Sarrut se vantait d'avoir pris part. La question se trouvait par là réduite à des proportions indignes d'arrêter un instant l'attention de l'Assemblée. M. Barrot le fit sentir. En quelques paroles simples et fermes, il montra que si M. Sarrut avait produit dans ce procès des pièces qui lui appartinssent en propre, il y avait des voies légales ouvertes pour les réclamer; que les autres documents, appartenaient à l'État et ne pouvaient être communiqués; que toute cette affaire ne touchait en rien les intérêts publics.

M. Dupont (de Bussac) insista à son tour pour que M. de Maleville expliquât sa retraite et pourquoi il avait refusé à M. Louis Bonaparte la communication des pièces de Strasbourg et de Boulogne. M. de Maleville donna avec délicatesse une explication difficile il n'avait refusé aucune communication, mais seulement un déplacement de dossiers; quant à sa retraite, elle n'avait été motivée, après les témoignages qui avaient désintéressé sa susceptibilité, que par la crainte qu'un souvenir de froissement n'altérat la confiance dont il avait besoin pour demeurer utilement.

Ce qu'il y avait de plus remarquable dans cet incident, c'était la recherche de certains scandales, l'affectation à rappeler certains souvenirs, la prétention à établir une solidarité fâcheuse entre l'élu de la nation et l'anarchie. M. Dupont (de Bussac) démasqua complétement l'intrigue dont il se faisait l'instrument en développant une doctrine en vertu de laquelle la responsabilité du président de la République, absorbant la responsabilité des ministres, ceux-ci devenaient de purs commis. La France était

ainsi placée, à ses yeux, sous un Gouvernement personnel, électif tous les quatre ans.

A ces flatteries, adressées par la Montagne à celui qu'elle poursuivait naguère de ses sarcasmes et de ses calomnies, on put deviner l'intention de diviser et de partager le pouvoir. M. de Maleville fit justice en quelques mots spirituels des flatteurs inattendus qui se pressaient dans les antichambres de la Présidence. M. Faucher caractérisa avec finesse ceux qui, à défaut des fonctions élevées qu'ils ne possédaient plus, persistaient à maintenir et à introduire tous leurs amis dans les fonctions secondaires, mais politiques, afin d'avoir les bénéfices du Gouvernement sans la responsabilité (6 janvier).

Cependant, l'organisation du pouvoir nouveau était encore incomplète.

Aux termes de la Constitution, le président de la République devait, dans le mois qui suivrait son élection, présenter une liste de trois candidats parmi lesquels l'Assemblée choisirait le viceprésident. Le vice-président, disait encore la Constitution, prête le même serment que le Président. Il ne peut être choisi parmi les parents et alliés du président, jusqu'au sixième degré inclusivement. En cas d'empêchement du président, le vice-président le remplace. Si la Présidence devient vacante par décès, démission du Président, ou autrement, il est procédé dans le mois à l'élection d'un président. Le vice-président, disait encore l'article 71, préside le Conseil d'État.

:

Conformément à ces dispositions, le cabinet présenta, le 18 janvier, la liste des trois candidats à la vice-présidence. Ces trois candidats étaient MM. Boulay (de la Meurthe), le général Baraguey d'Hilliers et Vivien. Ces deux premiers noms excitèrent dans l'Assemblée des exclamations inconvenantes et des rires indécents. M. le président de la Chambre dut rappeler aux interrupteurs le respect auquel avait droit la prérogative présidentielle.

En même temps, M. Étienne déposa une proposition tendante à faire déterminer le traitement affecté à la vice-présidence avant la nomination du vice-président. Il demandait aussi que les bâtiments du Petit-Luxembourg fussent affectés au logement du

« PrethodnaNastavi »