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concilier la nouvelle organisation du conseil d'État, soit avec les attributions anciennes qui lui étaient maintenues, soit avec les attributions nouvelles qui lui étaient conférées, ces attributions, très-complexes, à la fois législatives, administratives et judiciaires. Le conseil d'État serait consulté sur les projets de loi du Gouvernement; il exercerait sur l'administration un pouvoir de contrôle et de surveillance; il jugerait en dernier ressort les affaires connues sous le nom de contentieux administratif. D'autre part, on sait le mode adopté pour la nomination des membres du conseil d'État : ils seraient élus pour six ans par l'Assemblée nationale. Comment ces attributions diverses pourraient-elles s'adapter à une pareille origine? En matière législative, quels seraient les rapports du Pouvoir exécutif avec ce conseil d'État électif, et par conséquent indépendant? Quelle garantie aurait-on contre les conflits qui pourraient s'élever entre les deux pouvoirs? On n'en apercevait aucune. En matière administrative, comment l'indépendance du Pouvoir exécutif pourrait-elle s'accorder avec l'indépendance du corps qu'on lui donnait à la fois comme auxiliaire et comme surveillant? Que devenait dans ce chaos le principe de la responsabilité ministérielle? En matière judiciaire, n'était-ce pas au moins une anomalie que l'existence de ce tribunal électif à côté des autres tribunaux institués par le Pouvoir exécutif? Toutes ces objections avaient leur gravité. Mais elles étaient intempestives; elles ne s'adressaient pas au projet de loi, mais à la Constitution elle-même. C'est dans la discussion sur la Constitution qu'elles auraient dû se produire.

Il y avait toutefois une question importante et vraiment constitutionnelle, que la Constitution n'avait pas résolue, et dont, par conséquent, elle avait renvoyé la décision à la loi organique : c'était celle qui concernait le contentieux administratif. C'est sur ce point capital que MM. Bauchart et de Parieu concentrèrent. habilement la discussion. Attribuer à une section particulière le jugement du contentieux qui, jusqu'alors, appartenait à l'assemblée générale du conseil d'État; accorder à la section du contentieux une juridiction propre et souveraine, c'était, en d'autres termes, en faire un véritable tribunal. A l'appui de cette considé

ration, M. de Parieu donna les seules raisons par lesquelles on pût justifier l'institution nouvelle. On voulait par là, dit l'orateur, assurer aux intérêts particuliers, quand ils seraient en lutte avec l'administration, les mêmes garanties qu'ils trouvent dans la justice ordinaire. Restait à savoir si l'intérêt que l'administration représente, c'est-à-dire l'intérêt général, serait suffisamment garanti par ce système. Sur ce point, l'opinion des jurisconsultes les plus éminents était contraire à celle de la commission. M. Béchard s'en fit l'organe, et parut réfuter solidement l'argumentation de M. de Parieu.

La discussion générale fut promptement fermée, et le débat s'ouvrit immédiatement sur les articles du projet.

Les divers amendements qui avaient pour but de modifier le système de la commission sur les attributions législatives et administratives du conseil d'État furent successivement repoussés. Ceux qui étaient relatifs au contentieux administratif eurent le même sort. Les neuf premiers articles du projet furent votés tels qu'ils étaient proposés. Mais l'art. 10 fut modifié d'une manière importante. Cet article disposait que le conseil d'État se composerait du vice-président de la République et de quarante-huit conseillers d'État. Un amendement de M. Sauvaire-Barthélemy réduisait le nombre des conseillers d'État à trente-deux. L'amendement, combattu par M. Vivien, rapporteur, fut néanmoins adopté (23 janvier).

Les articles 11, 12 et 13 avaient pour objet de déterminer le mode d'élection des conseillers. La Constitution se bornait à dire que les nominations seraient faites par l'Assemblée nationale sans déterminer aucune des conditions d'éligibilité. Ce silence donnait à la commission le moyen de faire une juste part à l'action du Gouvernement. Tout le monde était unanime à redouter comme un danger le cas où la majorité du conseil d'État serait systématiquement hostile au Gouvernement. Il était possible de prévenir ce danger. Rien n'empêchait d'attribuer au Gouvernement la présentation d'une liste de candidats double ou triple du nombre des conseillers, et d'imposer des conditions de service ou de capacité, qui, en assurant un bon recrutement du conseil d'État, laisseraient au Gouvernement une certaine latitude dans

ses choix. Les ministres, obligés de faire subir à tout ce qui émane de leur initiative l'examen du conseil d'État, auraient eu la garantie de ne pas rencontrer dans ce corps indépendant de leur action une hostilité systématique. L'opposition du conseil d'État au Gouvernement serait toujours sans effet utile, puisqu'elle ne ferait que devancer les votes d'une Assemblée hostile et qu'elle serait détruite par les votes d'une Assemblée favorable, et elle pouvait avoir une influence désastreuse sur l'administration. La commission n'en avait pas jugé ainsi : elle s'était attachée au contraire à rendre impossible l'immixtion du Gouvernement dans la nomination des conseillers. Le champ des candidatures était illimité; aucune condition de capacité ni de service n'était exigée; seulement une commission spéciale présenterait une liste de candidats que l'Assemblée serait maîtresse de repousser. Il était évident dès lors que toutes les nominations seraient des nominations de parti et qu'il serait tenu plus de compte des opinions et des relations que des aptitudes. L'Assemblée adopta cependant les articles du projet de loi, sur le refus fait par la commission d'y rien modifier; mais des amendements étaient annoncés pour la troisième discussion.

L'Assemblée fit subir une modification importante au projet de loi elle supprima le commissaire général qu'on proposait d'instituer près le conseil d'État tout entier. On alléguait avec quelque apparence de raison que le Gouvernement ne pouvait se passer d'un représentant spécial et officiel devant le conseil d'État tel qu'il était organisé selon la Constitution, c'est-à-dire devant un conseil d'État électif, et par conséquent indépendant. Ce fut le principal argument que MM. Vivien et Crémieux firent valoir en faveur du projet. Peut-être cet argument n'était-il pas sans réplique. On répondit, en effet, que le Pouvoir exécutif serait représenté devant le conseil d'État par les maîtres des requêtes nommés par lui, et, en outre, par le vice-président de la République. Peut-être encore était-il bon qu'il y eût près de la section du contentieux un commissaire du Gouvernement remplissant les fonctions du ministère public; mais on ne voyait aucune raison d'être au commissaire près le conseil d'État tout entier. La commission prétendait que ce fonctionnaire devait être l'organe du

Gouvernement dans le conseil d'État, devenu indépendant du Pouvoir exécutif; mais il fallait alors qu'il fût nommé et pût être révoqué par le ministre de la justice. Loin de là, le commissaire général devait être nommé directement par le président; il était indépendant des ministres et perpétuellement tenté de s'égaler à eux rien ne l'empêchait de leur devenir hostile et de tourner contre eux l'influence qu'il pouvait avoir dans le conseil d'État. C'était donc un rouage ou inutile ou dangereux. L'Assemblée s'émut de ces inconvénients vivement signalés par MM. Gaslonde et Combarel de Leyval, et elle repoussa, malgré les efforts de la commission, la création du commissaire général.

L'article 19, relatif à la nomination des maîtres des requêtes, fut renvoyé à la commission qui se proposait de le remanier. Le projet de loi avait déjà reçu de rudes atteintes : il avait été conçu dans une pensée qui paraissait aujourd'hui difficilement réalisable. Il devenait chaque jour plus difficile de concilier le système de la commission avec les votes de l'Assemblée.

Le 25 janvier, toute la partie du projet qui concernait les maîtres des requêtes et les auditeurs fut votée sans modification importante. L'article 18 disposait que les maîtres des requêtes seraient nommés par le président de la République, sur une liste de présentation, double en nombre, dressée par le président et les présidents de section. L'Assemblée avait à choisir entre ce système et celui que voulait lui substituer M. Sauvaire-Barthélemy, en proposant d'attribuer directement la nomination des maîtres des requêtes au président de la République en conseil des ministres. Dans la pensée de M. Barthélemy, ce système se combinait avec le vote qui, sur sa proposition, avait supprimé le commissaire général de la République. Le Pouvoir exécutif aurait trouvé jusqu'à un certain point, dans la nomination directe des maîtres des requêtes, la garantie que le projet avait voulu lui donner par la création du commissaire général. Mais M. Barthélemy ne put faire accepter ses vues par l'Assemblée.

L'article 19 donnait au président de la République le droit de révoquer les maitres des requêtes, mais avec certaines restrictions qui furent longuement débattues. Cependant cet article fut voté tel qu'il était proposé. L'article 20, qui réglait les attributions des

maîtres des requêtes, et l'article suivant, qui disposait que les auditeurs seraient nommés au concours, en fixant l'âge auquel ils pourraient être nommés à vingt et un ans au moins et vingtcinq au plus, passèrent sans contestation sérieuse. Il en fut de même de celui qui déterminait les attributions des auditeurs.

M. Béchard et M. de Barthélemy demandèrent inutilement que les fonctions d'auditeur fussent gratuites: ils s'appuyaient sur la raison d'économie, et aussi sur des arguments d'une valeur peu contestable. M. Charlemagne rappela que les auditeurs, après avoir fait des études complètes, devaient avoir consacré quatre années à acquérir le titre de docteur en droit, et que s'il leur fallait passer encore quatre années comme auditeurs, ils arriveraient à l'âge de trente ans avant d'avoir une position. Bien peu de familles pourraient s'imposer les sacrifices considérables qu'exigent des études aussi suivies et l'entretien d'un jeune homme jusqu'à l'âge de trente ans. La gratuité des fonctions d'auditeur aurait pour effet d'en réserver exclusivement l'accès aux jeunes genst riches qui, par cette porte, envahiraient le conseil d'Etat et les fonctions administratives. Ces raisons, puisées dans un sentiment d'égalité un peu superficiel, devaient-elles prévaloir contre les judicieuses observations de M. Sauvaire-Barthélemy? La position que les auditeurs occupent dans le conseil d'État est-elle réellement une fonction publique? Assurément non; les auditeurs sont nommés pour quatre ans; le temps qu'ils passent au conseil est un temps d'épreuve et de stage; à l'expiration de ce terme, ils en sortent de plein droit. En d'autres termes, les auditeurs sont des aspirants à certaines fonctions administratives; ils occupent dans leur sphère la position que les surnuméraires occupent dans toutes les administrations publiques et les juges suppléants devant les tribunaux. Si on voulait rétribuer les auditeurs, pourquoi ne pas rétribuer également les juges suppléants et les surnuméraires de toutes les administrations publiques? On parlait de justice et d'égalité mais qu'y avait-il de plus contraire à la justice et à l'égalité que de voir un auditeur au conseil d'État, un jeune homme de vingt et un ans, recevoir un traitement de 2,000 fr., c'est-àdire un traitement supérieur à celui du magistrat qui a vieilli sur son siége? Ces raisons, toutes puissantes qu'elles parussent, cédè

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