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des marches et de toute la Toscane; à l'armée napolitaine, campée sur sa frontière; à l'armée espagnole, maintenant débarquée on se séparait de la papauté, la rejetant ainsi forcément dans les bras de l'Autriche. Quant au vou des populations, M. de Rayneval, avec un bon sens et une autorité supérieure, cherchait à dissiper les illusions étranges du plénipotentiaire :

« Les assemblées primaires, dans des pays comme ceux-ci, n'ont pas la force morale qu'elles peuvent avoir chez nous, parce que chacun sait qu'en Italie les populations sont incapables d'exprimer leur vœu de cette manière. En nous référant à elles du sort futur des États romains, nous déclarons implicitement que nous ne reconnaissons plus la souveraineté du pape, tandis que nous avons solennellement annoncé à l'Europe que nous respecterions les divisions territoriales admises par les traités. »

M. de Lesseps persista. La trève accordée pour les négociations, et qui ne servait qu'à organiser dans Rome une résistance sérieuse, fut encore prorogée sur ses instances: le plénipotentiaire blâmait l'impatience de l'armée et flattait le général de l'espoir de voir accepter l'ultimatum du 29. Mais ces conditions furent accueillies dans l'Assemblée romaine par des rires et des murmures, et repoussées par les triumvirs; et, le 31 mai, sans consulter de nouveau le commandant en chef du corps expéditionnaire, M. de Lesseps se laissa aller à conclure une convention rédigée en ces termes :

« Article 1er. L'appui de la France est assuré aux populations des États romains. Elles considèrent l'armée française comme une armée amie qui vient concourir à la défense de leur territoire.

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Art. 2. D'accord avec le gouvernement romain et sans s'immiscer en riea dans l'administration du pays, l'armée française prendra les cantonnen enis extérieurs convenables, tant pour la défense du pays que pour la salubrité des troupes.

» Les communications seront libres.

» Art. 3. La République française garantit contre toute invasion étrangère les territoires occupés par ses troupes.

» Art. 4. Il est entendu que le présent arrangement devra être soumis à la ratification de la République française.

Art. 5. En aucun cas les cffets du présent arrangement ne pourront cesser que quinze jours après la communication officielle de la non-ratibcas

tion. "

La honteuse condition des cantonnements extérieurs fit frémir d'indignation le général Oudinot. Non-seulement on reconnaissait la République romaine en traitant avec elle, non-seulement on lui promettait aide et protection contre les Gouvernements étrangers, mais encore on acceptait pour l'armée française, trahie et repoussée le 30 avril, une position déshonorante. Le général Oudinot refusa sa signature, et, le 1er mai, il notifia la fin de la trève. Quant au plénipotentiaire français, on sait que le Gouvernement mit fin à sa mission, et que le conseil d'État blâma la direction qu'il avait donnée à ses négociations.

Pendant cette trève fatale, qui donnait aux Romains le temps de se fortifier, l'armée française, forte de 28,000 hommes, occupait les hauteurs qui regardent la ville, principalement vis-à-vis du front bastionné qui s'étendait de la porte San-Pancrazio à la porte Portese, sur le bord du Tibre. De l'autre côté du fleuve, une brigade d'avant-garde était établie et retranchée dans une bonne position, près de l'église Saint-Paul. Le 31 mai, le MonteMario fut occupé sans coup férir. Le 2 juin, le Ponte-Molle, dont une arche avait été détruite, fut rétabli, et les troupes assiégeantes purent s'étendre sur la rive gauche du Tibre, vers la porte del Popolo et le Monte-Pincio. Le 3 juin, deux colonnes, fortes chacune de 2,000 hommes, et placées sous le commandement du général Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, recurent ordre d'enlever la villa Panfili, dont les Romains avaient fait une sorte de camp retranché. Le 16e léger s'en empara; 250 prisonniers et un immense matériel restèrent en son pouvoir. Cinq compagnies étaient restées pour garder la position; mais, bientôt, écrasées par des boulets rouges, elles durent battre en retraite. Le 22o et le 66e régiment de ligne et le 25 léger s'élancèrent sur le plateau et s'emparèrent définitivement de ce point important. Quelques cassines, la villa Corsini entre autres, durent être prises jusqu'à trois fois. L'artillerie française n'ayant pas encore de positions prises, les canons de la ville suffisaient à déloger les solda's français des positions emportées à la baïonnette. A partir du 5 juin jusqu'au 21, les travaux d'approche, l'établissement des batteries, le tir en brèche, en un mot, toutes les phases d'un siége méthodique se succédèrent sans autre in

cident que deux sorties exécutées sans succès par des troupes d'élite sous Garibaldi et Melara. Le 21, à onze heures du soir, un premier assaut conduisit les assiégeants sur les terres-pleins des bastions du Janicule. Les Romains laissèrent 50 prisonniers. Mais derrière les bastions enlevés s'élevait un nouveau rempart armé de canons et soutenu en arrière par la forte position dominante de San-Pietro in Montorio. Le 28, un vigoureux combat d'artillerie eut pour résultat d'ouvrir une brèche dans le flanc du bastion no 8, véritable forteresse qui communiquait, par des tranchées, avee San-Pietro in Montorio. Le 29, la brèche était praticable.

Jusqu'à ce jour, la résistance des meneurs et des mercenaires avait été opiniâtre. Mazzini n'avait communiqué que le plus tard possible à l'Assemblée les nouvelles de l'insuccès d'un mouvement insurrectionnel à Paris. Ce mouvement était tout l'espoir de la démagogie italienne : le découragement commença à s'emparer des chefs, à mesure que la certitude d'être abandonnés de ce côté devenait plus évidente. En même temps, Ancône tombait aux mains des Autrichiens, délivrée ainsi d'une bande de sicaires qui terrorisaient la population et assassinaient en plein jour les citoyens paisibles. Venise elle-même allait bientôt tomber; le général Haynau avait réduit en cendres le fort de la Malghera, et chaque jour resserrait plus étroitement la ville. A Rome, les bourgeois commençaient non à murmurer, ils n'eussent osé le faire, mais à se soustraire au service périlleux des tranchées. Malgré une incontestable bravoure, les chefs des corps mercenaires ne pouvaient opposer que d'inutiles efforts à ces attaques méthodiques et précises dont la science pouvait déjà marquer le dénouement. Chef de guérillas plutôt que capitaine, Garibaldi ne connaissait de la science militaire que les audacieuses inspirations des brigandages des Pampas. Aux travaux stratégiques des officiers français ou polonais qui dirigeaient régulièrement la cons truction des fortifications romaines, Garibaldi opposait naïvement les idées les plus étranges. Il ne renonça qu'avec peine, après beaucoup d'expériences inutiles, après beaucoup de dégâts et de temps perdu à un projet bouffon, celui d'étouffer les Français avec l'eau du vieil aqueduc de la fontaine Pauline. On cherchait pour

dernière ressource à calomnier l'armée assiégeante et à lui imputer des dégâts causés par les mercenaires eux-mêmes. On se plaignait des rigueurs d'un bombardement quoique pas une bombe n'eût été lancée sur la ville. On fit même signer aux consuls étrangers une protestation contre ce bombardement imaginaire: il est vrai que plus tard, n'étant plus sous la terreur du poignard, ils rétractèrent cette assertion si évidemment controuvée.

Enfin, le 30 juin, dans la nuit, l'assaut fut donné au bastion no 8, dont l'occupation devait faire tomber bientôt la porte SanPancrazio au pouvoir des assiégeants. A deux heures et demie du matin, trois colonnes s'élancèrent, montèrent sur le bastion malgré une vive fusillade et s'emparèrent de la batterie de sept pièces qui battait intérieurement la brèche. Cette brèche était fermée au sommet par un retranchement où l'on ne pouvait passer qu'un à un sous un feu de mousqueterie bien dirigé. Pendant que la colonne d'assaut franchissait la brèche et pénétrait à grand' peine dans le bastion, une colonne tournante, passant à travers le feu des maisons crénelées et celui des retranchements intérieurs, parvenait à faire sa jonction avec la colonne d'assaut et à nettoyer le terre-plein du bastion. Tous les défenseurs du bastion furent, ou précipités, ou passés par les armes. 400 hommes furent tués à la baïonnette par les assiégeants. L'élan incroyable des Français et la rapidité de leurs opérations purent seuls empêcher l'action d'être meurtrière pour eux. Bientôt la mousquelerie française put plonger sur les abords intérieurs de la porte San-Pancrazio. Terrifiés par le carnage qu'avait entraîné ce combat, les soldats romains redoutaient un nouvel assaut et refusaient de défendre plus longtemps le Janicule. A six heures, le Janicule fut évacué et les troupes furent ramenées dans la rue Longara, la grande rue du quartier Transtevère. La garde civique commençait à exprimer plus librement sa haine contre les garibaldiens. L'Assemblée romaine se réunit. Mazzini parla, mais faiblement contre la nécessité d'une capitulation. Le général Bartolucci lui répondit par des faits, les soldats décimés, harassés, découragés. Garibaldi exposa un plan absurde de défense qui consistait à faire sauter les ponts et à se retrancher dans le châ– teau Saint-Ange. Le décret de reddition fut voté. Les triumvirs

donnèrent leur démission; Garibaldi sortit de la ville avec 3,000 aventuriers; et la municipalité romaine, après avoir cherché à obtenir des conditions, rendit purement et simplement la place. Le 5 juillet, Rome était occupée par les Français.

La discipline admirable de nos troupes et l'énergie du général Rostolan, gouverneur, ramena bientôt l'ordre dans la ville. Pendant quelques jours, la terreur inspirée par les mazziniens pesa encore sur la population. Des assassinats furent commis sur des soldats isolés. L'ombre de la République romaine s'étendait encore sur la ville. La lie de la populace, accoutumée sous la République à voler impunément et à se loger sans payer une obole dans les palais et dans les convents; les anciens terroristes de la garde civique mobilisée ou de la légion Galletti, bien payés autrefois pour ne rien faire, et commettant tous les excès sans que personne osât leur résister; un certain nombre d'hommes en possession d'emplois créés par la République et qui pressentaient que bientôt ils allaient devenir inutiles; enfin, des fonctionnaires, dont le trium- virat avait élevé le traitement outre mesure et qui s'attendaient à des réductions nécessaires. Tels étaient les éléments anarchiques qu'a vait laissés dans Rome la commotion révolutionnaire. Quant au vrai peuple, il était partagé entre son amour traditionnel du repos et sa haine instinctive de l'étranger, ami ou ennemi. Le plus grand nombre respirait plus librement depuis la fin des saturnales: mais le sentiment national était froissé par la présence des baïonnettes protectrices de la France. Quelques membres de l'ex-Constituante et du Gouvernement insurrectionnel étaient restés à Rome et faisaient des efforts inutiles pour aigrir ces ferments d'agitation. Les assassinats, les menaces pesaient encore sur les esprits et continuaient une sorte de secrète puissance à la démagogie tombée. Mais la comparaison du présent et du passé était trop facile à faire pour que l'esprit révolutionnaire conser vât une autre force que celle de quelques intérêts lésés et de quelques craintes peu avouables. L'armée française se distinguait par une modération, par une tolérance, par une discipline qui contrastaient assez avec le régime de fer dont elle avait délivré Rome. On se demandait ce qui fût arrivé si les Autrichiens, ou les Espagnols eussent pris et occupé la ville éternelle.

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