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Le 15 juillet, un Te Deum solennel fut chanté dans l'église Saint-Pierre et le rétablissement de l'autorité pontificale fut acclamé. Le 17, le saint-père adressa à son peuple une proclamation dans laquelle il annonçait la nomination d'une commission de gouvernement, et son intention de donner toutes les institutions propres à satisfaire aux besoins du pays. La commission, composée des cardinaux della Genga-Sermattei, Vannicelli Casoni et Altieri, s'établit, le 31 juillet, au Quirinal: le général Oudinot résigna catre ses mains les pouvoirs qu'il tenait de la capitulation. Le premier acte des commissaires pontificaux fut d'annuler toutes les lois faites depuis le 16 novembre, de reconstituer les tribunaux et de rendre leurs places aux fonctionnaires démissionnaires. Ici était Fécueil de la restauration papale: il fallait toucher à des positions établies, léser des intérêts. Le papier émis à Rome montait à une valeur nominale de 6,800,000 piastres, dont 2,500,000 piastres d'émission pontificale. Cette dernière somme fut reconnue purement et simplement. Mais la commission de gouvernement fit porter sur 600,000 piastres d'émission du gouvernement provisoire et sur 3,700,000 piastres d'émission républicaine une réduction devenue nécessaire. Cette mesure régulatrice porta la perturbation dans les affaires et fut défavorablement accueillie. C'est là le triste héritage que recueille toujours un gouvernement régulier quand il succède à l'anarchie. La douleur que cause le remède irrite plus que le mal lui-même. Les bons de la République étaient escomptés aux deux tiers de leur valeur nominative; les changeurs les prenaient à 35 010 de perte. La commission pontificale, acceptant ces valeurs pour les retirer peu à peu, ne pouvait les prendre au-dessus du taux du change. Le gouvernement républicain avait aussi fabriqué de la fausse monnaie moneta erosa, car on avait attribué à certaines pièces une valeur nominale quatre fois plus forte que leur valeur réelle. La commission, par esprit de conciliation, accepta cette monnaie et consentit à s'en laisser payer, tandis que le peuple et les marchands la refusaient. On ne tint pas compte à la commission de son indulgence, et on la blâma vivement pour des sévérités nécessaires.

Les négociations pour le retour du saint-père n'aboutissaient pas. On avait tant parlé des institutions libérales qu'on préten

dait imposer à Pie IX, que les négociateurs pontificaux ne marchaient qu'avec la plus grande prudence, peut-être même avec une défiance justifiée par le souvenir de 1848. Voulait-on imposer à la papauté des concessions incompatibles avec son existence? Mais alors pourquoi la rétablir : il eût mieux valu la laisser tomber sous le poignard des démagogues que de la sauver pour la mutiler. Du côté des Français, on parlait de réaction aveugle, de conseils donnés par l'Autriche. On exigeait une sécularisation de pouvoir qui ne peut s'allier avec l'indépendance du gouvernement pontifical. On se plaignait souvent des procédés. Nos officiers, disait-on encore, étaient médiocrement traités par les triumvirs pontificaux, nos soldats mal logés; les proclamations officielles faisaient à l'armée française la part beaucoup trop petite; les négociations diplomatiques traînaient en longueur et semblaient calculées pour triompher des impatiences françaises; enfin, on gouvernait à Rome devant nous, sans nous et contre nous.

C'est alors que survint un document étrange que nous avons déjà signalé (voyez plus haut Histoire de France). Une lettre adressée par Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française, au colonel Edgar Ney, son aide de camp, patrona ces plaintes contre l'esprit anti-libéral de la commission pontificale et indiqua comme l'arche sainte de la liberté dans les États romains, la sécularisation et le code Napoléon. Les relations étaient déjà difficiles: la lettre du 18 avril pouvait avoir pour résultat de les rendre impossibles. La forme même de ce document, cette façon de tracer cavalièrement à un gouvernement ami le cercle de sa politique, cette indiscrétion calculée d'état-major, tout cela ne ressemblait guère à de la conciliation et pouvait difficilement passer pour de l'habileté. Le nouveau général en chef, M. Rostolan, comprit le coup qu'on lui portait sans le vouloir et succomba sous ce secours étrange qui le renversait en prétendant l'appuyer. Il demanda son rappel. Toutefois, le gouvernement papal eut l'adresse et le bon goût de ne pas s'offenser de la singulière sommation qui lui était faite. C'était une rupture ou ce n'était rien : le conseil de car dinaux de Gaëte décida que le caractère officieux de la lettre serait tenu pour une raison suffisante de ne la point relever comme

un grief. Le seul résultat de la lettre du 18 avril fut de ranimer à Rome les espérances du radicalisme.

Le 18 septembre, un motu proprio pontifical accorda une amnistie contenant un assez grand nombre d'exceptions, et des institutions communales et administratives. Etait-il possible de faire plus? L'esprit de parti le pensa. Mais les populations paisibles s'en contentèrent et ne formèrent plus qu'un seul désir, le retour du pape dans la ville éternelle.

Ainsi était terminée cette crise de deux ans qui avait mis l'Italie à deux doigts de sa perte. Bien des difficultés restaient encore. Mais l'ordre matériel était rétabli. Le 22 août, la dernière résistance, celle de Venise, était tombée. Là, au moins, la démocratie ne s'était pas souillée par des excès. En Toscane, le grandduc avait repris possession, le 24 juillet, des pouvoirs que lui avait un moment disputés l'anarchie. Un traité, conclu à Milan le 6 août, ratifié le 17, accorda au Piémont les conditions les plus honorables qui puissent être dictées après une défaite aussi entière. Le chiffre de l'indemnité de guerre avait été réduit à 75 millions de francs (Voyez le texte du traité).

L'indemnité n'avait pas été la seule difficulté qui arrêtât la conclusion d'une paix définitive. La Sardaigne éleva la prétention d'une amnistie à accorder dans les provinces autrichiennes de la Lombardie. Que voulait dire cette exigence nouvelle? Etait-ce un reproche indirect? Mais on ne pouvait reprocher à l'Autriche, depuis la fin de l'insurrection, une sévérité exorbitante. Le vrai mot de la situation, c'était que la cour de Turin avait grand intérêt à faire étendre l'amnistie à beaucoup d'agents révolutionnaires de Lombardie qui s'étaient réfugiés sur le territoire piémontais. C'étaient là des hôtes dangereux et qui fomentaient contre leurs protecteurs l'agitation révolutionnaire. Ils continuaient, par l'organe de la presse piémontaise à prêcher la guerre. et l'insurrection. Plusieurs même avaient été illégalement élus par la majorité radicale dans la nouvelle Chambre. Par les mêmes raisons, le cabinet de Turin se voyait forcé de chasser Sterbini et refusait de recevoir Galletti.

L'esprit de conciliation l'emporta, et, le 12 août, le maréchal

Radetzki accorda une amnistie qui n'exceptait que trente-deux noms pour la province de Milan, dix noms pour celle de Como, trois pour celle de Bergame, un pour celle de Sondrio, deux pour celle de Crémone, cinq pour celle de Brescia, un pour celle de Mantoue, six pour celle de Padoue, cinq pour celle de Vicence, cinq pour celle d'Udine, cinq pour celle de Rovigo, six pour celle de Trévise, cinq pour celle de Vérone; en tout quatrevingt-six.

Ainsi se fermaient peu à peu toutes les blessures. Un seul État donna, quelques jours encore, le spectacle du désordre, et, il faut le dire, ce fut celui dont le gouvernement continuait avec le plus de sincérité l'expérience constitutionnelle. Les élections en Piémont avaient donné naissance à une majorité radicale. L'indifférence profonde des populations pour le droit électoral avait laissé le champ libre aux partis extrêmes. Le premier acte de la chambre nouvelle des députés, ouverte le 30 juillet, fut de nommer pour son président Pareto, l'un des chefs de l'insurrection génoise. Ce défi adressé au jeune roi coïncida d'une façon singu lière avec l'annonce d'un événement douloureux, la mort de Charles-Albert à Oporto (28 juillet). Ainsi, ceux dont la fatale obstination avait précipité le père du trône dans la tombe, ceuxlà menaçaient encore le fils. Pendant près de cinq mois, l'opposition systématique de la Chambre paralysa les efforts d'un ministère libéral. En vain M. Pinelli se dévoua et donna sa démission, croyant faciliter une réconciliation. Le remaniement ministériel ne changea rien à l'hostilité de la Chambre. Tantôt elle exigeait que tous les réfugiés politiques fussent couverts du titre de citoyens piémontais; tantôt elle refusait de voter le chiffre complet de l'indemnité de guerre consentie. Enfin elle engagea une discussion provocante et inutile sur le traité lui-même devenu irrévocable. On en était arrivé à ce point qu'il fallait dissoudre l'Assemblée ou lui livrer le pays. Le 20 août, la dissolution fut prononcée. Mais le loyal monarque voulut tenter une dernière épreuve. Sans même modifier cette loi électorale promulguée à la hâte par Charles-Albert, sans effacer ce vote au district, qui éloignait de l'urne les électeurs ruraux, sans exiger un minimun d'électeurs présents, Victor-Emmanuel se contenta d'en appeler à la généralité

des électeurs, de les exhorter à remplir leur devoir. Ce noble appel fut entendu et, dans les conditions les plus défavorables, une majorité de près de cinquante voix permit au ministère de continuer l'œuvre constitutionnelle.

Les difficultés de cette expérience nouvelle étaient un commentaire éloquent ajouté à la pacification de l'Italie.

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