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rent devant un mot, le mot mal compris d'égalité, et l'amendement de M. Sauvaire-Barthélemy succomba.

On a vu que le projet réservait aux auditeurs le quart des places. C'était là peut-être consacrer impérativement un usage suivi jusqu'alors en toute liberté. Les derniers gouvernements avaient souvent cherché parmi les auditeurs du conseil d'État des sous-préfets et des préfets, et ces fonctionnaires qui avaient puisé à une si excellente école la connaissance du droit administratif et des affaires avaient toujours eu sur les administrateurs empruntés à la politique une incontestable supériorité. Mais la commission. s'était laissé entraîner à accepter un amendement de M. Dérodé, d'après lequel le quart des emplois de sous-préfets était réservé aux auditeurs, dans l'ordre des présentations faites par le président du conseil d'État et les présidents de sections. Il en serait résulté qu'on aurait pu devenir sous-préfet sans l'intervention et même contre la volonté du ministre de l'Intérieur. Les chefs du conseil d'État auraient eu le pouvoir d'imposer des sous-préfets au ministre, qui n'aurait eu d'autre ressource que de les destituer le lendemain de leur installation.

M. Odilon Barrot n'eut pas de peine à montrer qu'il y avait là un élément de désordre et de désorganisation pour l'adminis tration et un véritable empiétement de la part des chefs du conseil d'État sur la prérogative ministérielle. Les observations de M. Barrot obtinrent une adhésion unanime, et la seconde partie de l'amendement de M. Dérodé fut supprimée.

La série des articles qui réglaient les travaux intérieurs du conseil fut votée presque sans débats. Seulement. l'art. 29, qui fixait les traitements des divers membres du conseil d'État, fut remplacé par une disposition plus simple, qui renvoyait la fixation de ces traitements à la loi de finances. Un seul amendement fut l'objet d'un assez long débat. M. Mortimer-Ternaux proposait de supprimer toute la portion du projet qui concernait la procédure du conseil d'État, et de renvoyer à un règlement d'administration publique le soin de statuer sur cet ordre de questions qui, par leur nature, semblent en effet plutôt réglementaires que législatives. Si cet amendement avait prévalu, la suite de la discussion en eût été considérablement abrégée. Mais les objections que

M. Bauchart présenta contre ce système, éveillèrent les susceptibilités de l'Assemblée sur sa prérogative; et, comme pour prouver qu'elle ne voulait rien céder sur ce point et qu'elle était décidée à remplir sa tâche dans les plus minces détails, elle rejeta l'amendement de M. Ternaux (26 janvier).

La commission proposait de laisser au conseil d'État, réuni en assemblée générale, la décision souveraine de toutes les questions de conflit qui s'élèveraient entre l'administration et la section du contentieux. Le conseil d'État, appelé à prononcer entre une de ses sections et le Gouvernement, aurait cédé tôt ou tard à la tendance naturelle à tous les corps, d'étendre leur influence et leurs attributions: il aurait toujours décidé contre l'administration, et, grâce à l'extension abusive de la juridiction contentieuse, il aurait insensiblement usurpé les pouvoirs du Gouvernement, qui n'aurait conservé que la responsabilité.

M. le ministre de la Justice fit ressortir tous les dangers de cette subordination du Gouvernement au conseil d'État, qui, indépendant et irresponsable, ne pourrait être arrêté dans ses envahissements. M. Barrot demanda que la décision des conflits qui s'élèveraient entre l'administration et la section du contentieux, fût déférée, comme à un arbitre naturel et indépendant, au tribunal des conflits établi par l'art. 89 de la Constitution. Cette proposition obtint un plein succès, et l'art. 52 fut amendé dans

ce sens.

Tous les articles suivants furent adoptés sans débats. Il n'en fut pas ainsi de l'art. 66 et dernier qui réglait la nomination des premiers conseillers d'État.

Il n'y avait rien là cependant qui, à première vue, pût faire soupçonner une difficulté. La Constitution semblait avoir décidé la question en remettant la nomination des conseillers d'État à l'Assemblée législative, dans les premiers mois de sa réunion. Il était donc tout simple que l'Assemblée législative nommât tout le conseil qui se serait renouvelé par moitié tous les trois ans, conformément à la Constitution. Le conseil d'État, en effet, était destiné à fonctionner concurremment avec le Président déjà nommé, et avec l'Assemblée qui succéderait à la Constituante :

tous les grands pouvoirs de l'État se seraient trouvés ainsi avoir à peu près la même date, et sortir du même mouvement électoral. Mais des calculs d'ambition particulière devaient chercher à troubler cet ordre naturel trop de représentants s'attendaient à n'être pas réélus pour qu'ils ne cherchassent pas à se ménager des consolations dans le repos honorable des conseils d'État. Aussi, beaucoup se révoltèrent à l'idée de laisser à l'Assemblée législative la disposition d'un si grand nombre de situations désirables.

La commission avait dû céder à ces exigences secrètes et nombreuses, et elle avait proposé que l'Assemblée constituante nommât la moitié du futur conseil; l'autre moitié aurait été nommée par l'Assemblée législative. M. Vivien, dans son rapport, avait défendu cette combinaison par des arguments qui prouvaient surtout contre la prétention de faire nommer les conseillers par l'Assemblée actuelle. Mais un vote récent venait de réduire le nombre des conseillers d'État de quarante-huit à trente-deux un tiers des places disponibles avait ainsi disparu et les combinaisons se trouvaient dérangées. Aussi, ne duton pas s'étonner de voir formuler un amendement attribuant à l'Assemblée constituante la totalité des nominations. Cependant, comme on ne pouvait priver l'Assemblée législative de son droit constitutionnel, la moitié des conseillers nommés serait soumise à la réélection avant peut-être d'entrer en fonctions.

Une moitié de l'Assemblée protesta contre un amendement destiné à faciliter des arrangements scandaleusement transparents. M. Lherbette, avec une franchise gênante, déclara qu'il ne pouvait voir dans cette proposition rien de sérieux, et qu'à ses yeux il y avait une contradiction fâcheuse entre l'honorable susceptibilité qui avait fait proclamer l'incompatibilité du mandat de représentant et de toute fonction publique, et cet empressement à pourvoir aux places du conseil d'Etat et à faire du titre de représentant un marchepied pour arriver à ces places. Néanmoins une majorité de douze voix fit prévaloir l'amendement proposé par M. Gautier de Rumilly au nom de la majorité de la commission,

et soutenu par M. Tranchand. (Sur 792 votants, majorité absolue 397, 409 pour et 383 contre) 27 janvier.

La loi tout entière était votée : il ne lui restait plus qu'à subir l'épreuve peu sérieuse d'une troisième délibération.

CHAPITRE V.

L'OPINION ET L'ASSEMBLÉE. PROPOSITION RATEAU.

-

Questions extérieures, bruits d'une expédition en Italie, projets du général Cavaignac, interpellations de M. Baune, M. de Lamartine et M. LedruRollin, excentricités diplomatiques et géographiques, réponse du cabinet, situation vraie des affaires en Italie. - Mouvement dans le pays en faveur d'une prompte séparation de l'Assemblée, pétitions nombreuses, attitude des conseils généraux, idées de décentralisation, M. Raudot. Proposition présentée par M. Rateau pour fixer un terme à l'Assemblée constituante. - Rejet dans les comités, rapport de M. Grévy, discussion, M. de Montalembert, déclaration du Gouvernement par la bouche de M. Odilon Barrot, prise en considération. Nomination d'une commission hostile à la proposition, nouveau rapport de M. Grévy, surcroft de pétitions, M. Clément Thomas et l'opinion publique, conclusion du rapport, conflit. · Arrêt de mise en accusation des accusés du 15 mai, haute-cour de justice, cour de cassation, question de rétroactivité, M. Baroche, M. Dupin, M. Eugène Raspail; adoption du renvoi, composition de la haute-cour.

L'armement d'un certain nombre de bateaux à vapeur dans le port de Toulon et plusieurs dispositions militaires rappelèrent les esprits vers les difficultés extérieures. On répétait les bruits les plus divers. Selon les uns, la médiation pour les affaires d'Italie était abandonnée; le Piémont faisait marcher son armée : le maréchal Radetzki s'avançait sur Turin et sur Rome; le pape se réfugiait en France ou en Espagne. Ces rumeurs trouvèrent un écho dans l'Assemblée nationale.

Des interpellations adressées par M. Baune au ministère sur les affaires d'Italie et d'Allemagne eurent pour résultat de soulever un débat plus sérieux. Quelques paroles du ministre des Affaires étrangères appelèrent à la tribune M. de Lamartine et M. Ledru

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