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ARMAND COLIN ET Cie, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

5, RUE DE MÉZIÈRES

1895

d'Histoire littéraire

de la France

UN ÉPISODE DE LA VIE DE J.-P. CAMUS ET DE PASCAL

L'AFFAIRE SAINT-ANGE.

I

Dans un article intitulé Affaire du Père Saint-Ange, capucin', V. Cousin a publié des documents relatifs à un incident du séjour de Pascal à Rouen, documents qui lui ont permis de compléter et de rectifier le récit qu'en avait fait Mme Périer.

Il a eu sous les yeux deux manuscrits qui sont aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, Fonds français, 12,449 et 20,945, et qui, de son temps, étaient cotés Supplément français, 176, et Oratoire, 160. Il n'a pas su que l'Arsenal possède une copie des pièces ayant trait à la même affaire (Ms. Conrart, t. IX, in-4).

Ce manuscrit de l'Arsenal a été entre les mains de Sainte-Beuve, qui en a extrait quelques lignes, mais sans songer qu'elles avaient été écrites au cours de cette affaire Saint-Ange, dont il a aussi parlé, seulement d'après le récit de V. Cousin, auquel il renvoie ses lecteurs 3.

Par la faute de Sainte-Beuve, ces six lignes, tirées de deux

1. Cet article parut tout d'abord, en 1812, dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, 1e série, t IV, p. 111 à 146; V. Cousin l'a reproduit plus tard dans ses Études sur Pascal, 5 édit. (1857), p. 343-388.

2. Port-Royal, 2 édit., t. I, p. 251 et 253; 3° édit., t. I, p. 241 et 243.

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lettres de J.-P. Camus, évêque de Belley, ont été pour plusieurs érudits la cause de recherches infructueuses. Ecoutez plutôt M. Tamizey de Larroque « M. Sainte-Beuve, dit-il, dans la seconde édition de Port-Royal (t. I, in-8, p. 241), avait annoncé que l'on gardait à l'Arsenal une partie de la correspondance inédite du belliqueux et infatigable écrivain, auquel il attribue si spirituellement une plume de pie; mais aucun des conservateurs et bibliothécaires de l'Arsenal n'a jamais eu connaissance des lettres indiquées par l'illustre critique, et en dehors de cet établissement, aucun érudit n'a pu m'en donner des nouvelles, comme le prouve le silence désolant qui a été gardé depuis le jour où, dans la Correspondance littéraire du 25 février 1864, j'avais à cet égard fait appel aux souvenirs de tous les chercheurs. L'indication fournie par M. Sainte-Beuve était bien précise; la voici : « Manuscrits, Hist. litt., 677, t. XIV, p. 257. » Dans la dernière édition de son beau livre, tome 1o, page 241, Sainte-Beuve a modifié son assertion: «< Lettres inédites de Camus (à moi communiquées dans <«<le temps par un ami regrettable, feu Ch. Labitte). Elles doivent <«< être à l'Arsenal. » Il aurait fallu que l'éminent critique se décidât en annotant une nouvelle édition, à dire enfin : « Elles ne sont pas à l'Arsenal » 1.

Et pourtant, elles sont à l'Arsenal. Un heureux hasard m'a permis d'éclaircir ce mystère. Dans le manuscrit qui les contient, Camus n'est pas désigné par son nom, mais seulement par son titre. On l'y appelle, comme on faisait le plus souvent au xvII° siècle, M. l'évêque de Belley ou M. du Bellay; et c'est à de Belley ou du Bellay que les fiches et les catalogues de l'Arsenal attribuaient les lettres en question. Il ne faut donc pas s'étonner si, chaque fois qu'on leur demandait des lettres de Camus, les conservateurs de cette bibliothèque répondaient invariablement qu'ils n'en possédaient point. Désormais il en sera autrement.

Ce n'est pas que je veuille exagérer l'importance de cette découverte, car les lettres de Camus renfermées dans le manuscrit de Conrart ne sont pas si nombreuses que pouvait le faire supposer la note de Sainte-Beuve. Il y en a trois en tout, et encore deux d'entre elles ont-elles été publiées par V. Cousin (article cité) d'après le manuscrit 20,945 de la Bibliothèque nationale, l'une intégralement, et l'autre seulement en partie 2.

Quant à l'affaire Saint-Ange, V. Cousin s'y est intéressé à cause

1. Bulletin du Bouquiniste, 1870, 1er semestre, p. 179, en tête de deux lettres inédites de Camus. 2. On m'a libéralement communiqué la copie de huit lettres ou billets inédits de l'évêque de Belley. Lui-même a donné au public trois volumes de sa correspondance, plus rares encore que ses lettres inédites, puisque personne n'en parle.

de Pascal qui s'y trouve mêlé, et il ne s'est aperçu qu'après coup que l'évêque de Belley auquel Pascal dénonça son adversaire, était le fameux auteur de Palombe et du Directeur désintéressé. Il ne s'est pas soucié de chercher quels étaient les autres personnages qu'on y voit jouer un rôle, ce qui peut-être eût donné à sa publication, déjà curieuse par elle-même, un intérêt plus puissant.

D'un autre côté, il a négligé de produire les pièces du dossier dans l'ordre chronologique. C'est ainsi, par exemple, que le mandement de l'archevêque de Rouen, qu'il rapporte à la fin de son étude, comme ayant terminé l'affaire, est daté du 4 avril 1647, tandis que la déclaration de Pascal et de ses amis, qui en aurait, d'après lui, été l'occasion et que, pour cette raison, il publie en premier lieu, est du 30 avril et du 13 mai de la même année. Il en résulte que le récit de Cousin est plus logique et plus clair sans doute, mais aussi qu'il est en partie inexact, puisqu'il y paraît avoir embrassé l'affaire dans son ensemble, tandis qu'il n'a eu entre les mains qu'un dossier incomplet. Au lieu de fermer ainsi la route à des recherches ultérieures, il eût mieux valu, à mon avis, en signalant les lacunes du dossier, piquer la curiosité des chercheurs; et depuis plus de cinquante ans qu'a paru l'article de la Bibliothèque de l'École des Chartes, peut-être quelqu'un aurait-il achevé de faire la lumière sur cet épisode encore obscur de la vie de Pascal et de Camus.

Pour ces raisons, il me semble utile de revenir sur cette affaire, d'en examiner et d'en classer les pièces avec plus de soin, de façon à noter les points acquis et les desiderata. J'essayerai aussi de fournir quelques renseignements sur les personnes qui s'y trouvent mêlées.

Voici d'abord les documents qui sont à notre disposition:

1o Le manuscrit de la Bibliothèque nationale, fr., no 12,449 (autrefois Supplément français, 176). Il ne contient, relativement à l'affaire Saint-Ange, qu'une seule pièce, mais originale : c'est une déclaration signée de Pascal et de ses amis, touchant les erreurs qu'ils auraient entendu émettre à Saint-Ange (p. 559 à 595).

2o Le manuscrit du même fonds, n° 20,945 (anciennement Oratoire, 160), 12o pièce. Il ne nous offre qu'une copie très défectueuse de la susdite déclaration et d'un certain nombre d'autres pièces, publiée en très grande partie par Cousin.

3o Le manuscrit de l'Arsenal, Conrart, in-4, tome IX, pages 165 à 264. Outre une copie de la relation du ms. français 12,449, il contient les mêmes pièces que le précédent, en une copie défectueuse aussi, mais avec des corrections anciennes.

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