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De la discipline.

Ce régime se composera tout à-la-fois d'encouragemens bien entendus, et d'une sévérité rigoureuse. Ces encouragemens consisteront dans des récompenses périodiques, et surtout dans des témoignages d'estime. En accordant à chaque indigent une part déterminée dans le produit de son travail, on l'excite incessamment à faire et le plus d'ouvrage et le meil leur ouvrage qui lui soit possible. Mais nous conseillerons de tenir cette portion tout entière en réserve, pour l'époque à laquelle il quittera la maison: alors même, elle ne devra lui être délivrée qu'avec certaines précautions. Elle sera surtout employée à lui fournir les moyens de s'établir, par l'achat de quelques outils, d'ustensiles, d'un métier, du mobilier indispensable. Plus la population de l'établissement será nombreuse, et plus la sévérité sera nécessaire. Non-seulement il faut maintenir l'ordre parmi des personnes dont une partie peut avoir contracté des habitudes vicieuses; mais il faut réformer ces habitudes elles-mêmes. Les encouragemens ai→ guillonneront l'activité, feront naître des sentimens honorables; la sévérité réprimera la fainéantise, la dissipation, la débauche. Il serait précieux de saisir cette occasion pour nourrir l'âme des indigens, par des instructions morales; pour les ramener aux sentimens religieux. Quelques heures données chaque jour à de bonnes lectures, aux exercices du culte, à des avis salutaires, n'enleveraient rien au travail et le rendraient plus fécond. Les soins de propreté, le spectacle d'un établissement bien réglé, la vigilance des surveillans, concourront en même temps à opérer cette réforme, à entretenir, avec une constante application, une émulation salutaire.

On ne saurait trop recommander de soumettre le régime

de ces établissemens aux règles d'une bonne hygiène. La plupart du temps, la santé des indigens qui y sont admis est affaiblie, si même elle n'est altérée. Le bon air, l'exercice, la propreté seront la base de ce régime. La nourriture doit être saine, assez abondante. Mais la sobriété devra être constamment observée; toute cantine, absolument interdite.

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Conclusion.

Les commissaires royaux, pour l'enquête faite en Angleterre, ont reconnu et prouvé que les maisons de travail doivent être établies sur une grande échelle, pour pouvoir y introduire les classifications convenables et pour en rendre les dépenses moins onéreuses. On pourrait ajouter que ces dimensions sont nécessaires aussi, afin de pouvoir porter dans les travaux offerts aux indigens, toutes les combinaisons desirables.

Il résulte de là, et c'est par cette considération que nous terminons la longue et difficile étude à laquelle nous venons de nous livrer; il résulte de là que les maisons de travail ne sauraient être qu'en très petit nombre, et qu'il convient de ne les placer que dans les villes de quelque importance, ou du moins auprès de ces villes. Là seulement, elles pourront recueillir un nombre suffisant d'indigens admis à titre d'épreuve ou venant y chercher l'éducation, d'indigens employés au travail, sans être logés et nourris.

Elles n'offrent donc qu'une utilité fort restreinte pour les indigens des communes rurales et des petites villes; celles-ci ne pourraient participer à leurs effets, qu'en y envoyant à demeure ceux de leurs indigens qui seraient destinés à y faire un séjour permanent. Or, d'après les conditions mêmes auxquelles ces maisons doivent être soumises, de telles me

sures ne pourraient être prises que pour des vieillards, des 'infirmes placés dans des situations exceptionnelles.

On arrive ainsi à une dernière conséquence, c'est que ce mode d'assistance ne peut guère se prêter à une application universelle; qu'il atteindra mieux son vrai but en se restreignant à certaines localités, et dans une sphère circonscrite par les conditions qui lui sont propres.

CHAPITRE III.

Des maisons de travail forcé, ou des dépôts de mendicité.

ARTICLE Ir.

Du principe de contrainte au travail.

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Les établissemens de travail forcé diffèrent par leur nature, de ceux où le travail est libre; les uns demandent aussi à être séparés des autres; ils ne peuvent se confondre sans un préjudice notable pour tous deux. Ils se distinguent à la fois par les élémens, par la destination, par le régime qui en est la conséquence.

Il y a sans doute une sorte de contrainte morale, dans le refus fait à l'indigent, de l'assister, s'il ne consent pas à accepter le travail qui lui est offert. Mais cette contrainte n'est pas absolue; elle laisse à l'indigent la liberté de ses déterminations, et la faculté de s'occuper à un autre travail, ou de se procurer d'autres ressources. C'est une condition imposée au bienfait; ce n'est point une répression, une peine. Telle est la situation dans laquelle les indigens-valides sont placés par les lois de l'Angleterre.

L'indigent qui obéit à cette condition du secours doit être considéré comme acceptant un travail volontaire.

Il n'en est pas de même de ceux auxquels l'obligation du travail est imposée par l'autorité administrative, ou par un arrêt des tribunaux. Pour ceux-ci, le travail prend le caractère de la correction; il doit être subi dans le lieu, pendant le temps, suivant le mode qui sont prescrits. Il est imposé, non comme une peine attachée à un délit déterminé, mais comme une garantie exigée, comme une réformation nécessaire, comme une mesure de discipline et de police, appliquée à un état d'oisiveté dangereux ou funeste pour l'ordre social.

Ce principe, nous l'avons vu, régnait dans la législation des peuples de l'antiquité; il s'étendait même beaucoup plus loin : c'était l'oisiveté elle-même qui était frappée par la loi. Ce principe a reparu dans la législation de l'Europe, dès le xivo siècle; mais, il s'y est produit avec des restrictions; ce sont les conséquences fâcheuses de l'oisiveté, qué cette législation a voulu prévenir; elle s'est trouvée ainsi naturellement liée à la répression de la mendicité; elle en a été la conséquence, partout où la mendicité a été prohibée sous des sanctions pénales.

C'est, dans l'esprit de cette législation, une sorte de tribut exigé de ceux qui se refusent à concourir à l'utilité générale, et qui, de leur propre chef, s'imposent eux-mêmes au public comme une charge; c'est une sorte de tutelle rigoureuse, une précaution prise dans l'intérêt de tous, et dans leur intérêt propre, pour les défendre du danger auquel ils s'exposent, en faisant de la sollicitation du secours, un commerce et un métier, en exerçant ce métier sur la voie publique. La contrainte est empreinte d'une disposition de bienveillance.

Il suit de là que les individus auxquels ces mesures sont appliquées n'appartiennent ni à la classe des criminels, ni à celle des personnes qui jouissent pleinement de leurs droits. Ils composent une classe intermédiaire, soumise à une espèce

d'interdiction légale, dirigée par une autorité publique, dans son existence économique, comme ne sachant pas se diriger elle-même.

Tels sont les hôtes que les dépôts de mendicité sont destinés à recueillir; tels sont les liens par lesquels ces hôtes doivent y être retenus. Les dépôts de mendicité sont de vrais lazarets, institués pour une infirmité spéciale qui flotte entre l'idiotisme et le vice, qui expose à des suites graves. L'étude de la nature humaine enseigne qu'il n'est peut-être pas d'infirmité plus difficile à guérir, que cette apathie qui va jusqu'à une sorte d'abrutissement, et qui suppose l'absence de toute énergie morale. Voilà pourquoi tant de lois répressives portées contre la fainéantise, sont restées impuissantes; leur sévérité n'a pu triompher d'une disposition de caractère qui se refuse à tout effort. On calme ou l'on contient les passions violentes; leurs orages sont passagers. Mais l'abattement léthargique de celui qui accepte la misère, la honte, la dégradation, converties en habitude, résiste à toutes les sollicitations. C'est une maladie qui demande à être guérie dans son principe: il faut avoir une volonté, pour celui qui ne sait pas vouloir; il faut prendre sur lui l'empire qu'il abdique. Est-ce donc réellement lui enlever sa liberté? Est-il libre, en effet, celui qui est incapable d'agir? Y a-t-il liberté sans volonté?

Ainsi comprise, ainsi appliquée, la contrainte au travail est juste, elle est utile; elle est bienfaisante, même pour ceux qu'elle enchaîne. Avant de la condamner comme une barbarie, venez contempler le tableau de ces êtres dégénérés qui croupissent dans la fange, indifférens à tout, atteints d'une sorte de crétinisme, négligeant les premiers soins de la vie, se complaisant dans l'avilissement, insensibles à la reconnaissance comme aux encouragemens, et n'ayant pas même le desir d'un état meilleur! Tel est l'état que vous voulez respecter, consacrer, que vous craignez de troubler! Ranimer l'étincelle de la vie au sein de ce néant, voilà ce que vous

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