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24 juin. La constitution, dite de 93 ou de l'an 1er., rédigée, préparée, discutée en moins de quinze jours, est décrétée et envoyée à l'acceptation des assemblées primaires. Le projet en a été présenté le 10; quelques jours, ou plutôt quelques heures dans treize jours, ont suffi à nos expéditifs législateurs pour l'embrasser dans toutes ses parties, pour l'apprécier, le rectifier, l'adopter.

Elle contient cent vingt-quatre articles précédés de trente-cinq autres, formant la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ces cent cinquanteneuf articles ou' sentences dogmatiques sont le sommaire ou l'extrait d'un grand plan de pure démocratie, présenté par Condorcet au mois de février. Hérault de Séchelles et ses collaborateurs actuels n'y mettent aucun correctif. La doctrine insensée des suffrages universels y est adoptée. Le corps législatif n'a que le droit de proposition et d'éxécution provisoire; la décision définitive étant réservée, en matière de législation et de gouvernement, aux assemblées primaires. Un tel système serait à peine applicable dans la plus petite cité, ne possédant, autour d'une enceinte très-exiguë, qu'un territoire resserré, par exemple, à l'état de Saint-Marin, dont la superficie est de deux lieues carrées, et la population de treize, mille habitans.

En donnant tout au peuple, Condorcet et les autres érudits ou savans, trop jaloux de modeler leur code sur les institutions de la haute antiquité, se sont bien éloignés de leur esprit, quoiqu'ils prétendent y avoir puisé toutes les idées élémentaires. Aristote dit expressément (Polit. lib. 4) : « Un peuple souverain » a tous les caractères du tyran. Dans une démocratie >> absolue, comme dans la tyrannie, vous retrouvez le » même arbitraire. Les décrets du peuple sont pareils

>> aux ordonnances du tyran, les courtisans de l'un et » de l'autre ont les mêmes rapports, la même analogie, > le même ascendant nuisible. >>

Beaucoup d'articles de cette nouvelle constitution sont des axiomes de morale, des maximes philosophiques d'une extrême concision, et dont l'explication est livrée à l'intelligence de chaque citoyen, comme l'application l'est à sa volonté. Les dispositions les plus remarquables sont les suivantes : la république française est une et indivisible. Le peuple français est distribué, pour l'exercice de la souveraineté, en assemblées primaires de canton. Est citoyen, tout natif âgé de vingt-un ans; tout étranger, âgé aussi de vingtun ans, domicilié depuis une année, vivant de son travail, ou possédant une propriété, ou ayant épousé une Française, ou ayant adopté un enfant, ou nourrissant un vieillard. Le peuple souverain est l'universalité des citoyens. Il nomme immédiatement ses députés; il délégue à des électeurs le choix des administrateurs, des juges; il délibère sur les lois. La population est la seule base de la représentation nationale. Il y a un député, à raison de quarante mille individus. La nomination se fait à la majorité absolue des suffrages. Le peuple s'assemble tous les ans le 1er. mai, pour les élections. Le corps législatif est un, indivisible et permanent. Sa session est d'un an. Il se réunit le 1er juillet. Le corps législatif propose des lois, et rend des décrets. Les projets de loi sont envoyés à toutes les communes. Si, dans la moitié des départemens plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun n'a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi. Il y a un conseil exécutif composé de vingt-quatre membres. L'assemblée électorale de chaque département nomme un candidat, le corps légis

TOME IV.

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latif choisit sur la liste générale. Le conseil est renouvelé par moitié, à chaque législature, dans les derniers mois de la session. Le conseil est chargé de la direction et de la surveillance de l'administration générale. La république française honore la loyauté, le courage, la vieillesse, la piété filiale, le malheur. Elle remet le dépôt de la constitution sous la garde de toutes les vertus.

Ce code, d'une si extravagante anarchie, arrivant dans les départemens avec des membres de la convention envoyés pour effectuer des mesures de spoliation et de tyrannie, recevra les hommages muets de la stupeur; mais il n'aura pas un quart d'heure d'activité. Les maîtres de la France, bien déterminés à retenir la suprême autorité, jettent cette nouvelle amorce à l'inépuisable crédulité du peuple français. Ils se garderont, ces dévastateurs abjects autant que pusillanimes, d'imiter la renonciation d'un célèbre proscripteur de Rome, qui, tout couvert de sang, osa se retirer dans ses foyers; car l'établissement d'un gouvernement régulier, quelle que fût sa nature, en terminant leur dictature, exposerait leurs jours. Ce qui doit se remarquer encore, c'est qu'on n'accorde que vingt-quatre heures pour accepter cette charte constitutionnelle. En l'émettant, les jacobins réussiront à détacher de la coalition formée en faveur de la Gironde, et à réunir à la convention ce nombre assez considérable de départemens qu'a soulevés la crainte de l'anarchie, et qui se persuadent que la nouvelle constitution servira de régulateur au corps législatif qui va paraître, ainsi qu'à tous les citoyens, et qu'en attendant, la convention, soumise à une législation fixe, son propre ouvrage, cessera de disposer arbitrairement de la vie et de la fortune des individus. (V. 10 août).

C'est un phénomène inconnu jusqu'à ce jour, qu'une assemblée législative osant dire à tout un peuple : « Voilà une constitution que vous nous avez chargés » de faire vous l'avez unanimement acceptée; mais >> vous n'en ferez usage qu'à l'époque très-incertaine et très-éloignée qu'il nous plaira de vous marquer; et jusque-là vous serez en révolution, et nous vous gou» vernerons révolutionnairement. » Nous ne voulons (répétaient chaque jour les jacobins dans leur club) aucune espèce de despotisme, pas même celui de la loi.

>>

Une loi enjoint aux juges du tribunal extraordinaire 26 juin. (V. 11 mars) d'opiner à haute voix et en public.

L'armée royaliste, aux ordres de Cathelineau, que 27-29 juin. secondent d'Elbée, Bonchamp, Charette, forte de plus de quarante mille hommes très-mal armés en général, attaque avec l'ardeur la plus impétueuse Nantes, grande ville ouverte de toutes parts, dont les abords ne sont occupés que par de faibles détachemens de troupes, et qui renferme une garnison trèspeu nombreuse. Mais les habitans, aussi déterminés à la résistance que le furent ceux de Lille (V: 8 octobre 1792), habilement conduits par le général Canclaux, font le manquer de main sur lequel repocoup sent les espérances des formidables adversaires de la convention, dans les contrées de l'ouest. Ceux-ci, croyant avoir affaire à une armée de quarante mille hommes au moins, c'est-à-dire au quadruple du nombre total des troupes de ligne et des hommes de la garde nationale, lèvent le siége après deux jours d'assauts continuels, et font leur retraite, les uns sur Niort, et les autres sur Ancenis. Cet échec est dû surtout à Charette, qui, posté sur la rive gauche de la Loire,

30 juin.

n'a pas secondé les assaillans de la droite. Cathelineau reçoit une blessure mortelle fils d'un simple paysan, et lui-même charretier de roulage, il venait néanmoins d'être proclamé généralissime des forces insurgées, et précisément à cette époque où le duc de Biron commandait une armée républicaine à Niort. Les superbes espérances de ce parti échouent de la sorte au pied des murs de Nantes: Angers et Doué ne tarderont guère non plus à revenir aux républicains. Les événemens qui auraient suivi la prise de cette ville sont incalculables. C'était le signal du soulèvement général de la Bretagne; les républicains perdaient tous les ports situés sur les côtes, depuis la Loire jusqu'aux Sables; les îles de Boin et Noirmoutiers tombaient nécessairement au pouvoir des royalistes.

Saumur est repris par Canclaux, général de la convention (V. le 10). Les Vendéens ont vu sous les murs de Nantes le terme de leurs succès. Les garnisons de Mayence et de Valenciennes (V. 23-28 juillet), accourant dans l'ouest, répareront avant la fin de la campagne les désastres d'une lutte où les défenseurs de la république éprouvaient de très-grands et nombreux obstacles: l'impéritie de plusieurs de leurs chefs, Menou, Rossignol, Ronsin, Santerre, le défaut de concert dans les opérations, les difficultés du pays, des bataillons composés de paysans qui couraient à la mort avec joie, enfin les prédications des prêtres qui avaient excité et qui nourrissaient l'enthousiasme, le fanatisme et la cruauté de la population tout entière; ces causes réunies avaient procuré des succès à l'armée royaliste: mais, les ambitions, les jalousies et les haines qui divisaient les chefs de cette armée, entraînèrent sa perte et la ruine de la

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