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caractère moral de la nation n'est donc plus un problème : on commence à sentir qu'ils sont un des premiers élémens dont se compose le bonheur social; ils n'ont plus pour détracteurs que quelques hommes à vues étroites ou perfides.

Parmi les objets intéressans que le zèle de la commission temporaire des arts a fait rentrer dans le domaine national, est un tableau de Franck, dont le sujet semble prophétique on y voit l'ignorance brisant des sculptures, tandis qu'un barbare, armé de torches, s'occupe à incendier. Eh! qui n'auroit le cœur déchiré en pensant que quelques poignées de cendre nous coûtent des millions!

On doit être encore effrayé de la rapidité avec laquelle, au moment de tout régénérer, les conspirateurs démoralisoient la nation et nous ramenojent par la barbarie à l'esclavage. Dans l'espace d'un an, ils ont failli détruire le produit de plusieurs siècles de civilisation. Pour montrer à la postérité que nous étions sur les bords de l'abîme, il suffira de lui dire que, dans le cours de cette année sanglante qui (couvrit la France de deuil, on avoit proscrit les tragédies de Brutus et de Mahomet, parce que dans la première on lit ces vers :

Arrêter un Romain sur de simples soupçons,

C'est agir en tyran, nous qui les punissons.

Et dans la seconde :

Exterminez, grands Dieux! de la terre où nous sommes,
Quiconque avec plaisir verse le sang des hommes.

Il faut transmettre à l'histoire un propos de Dumas, concernant une science dont les bienfaits incalculables s'appliquent à divers arts, et spécialement à celui de la guerre. Lavoisier témoignoit le désir de ne monter que quinze jours plus tard à l'échafaud, afin de compléter des expériences utiles à la République, Dumas lui répond: Nous n'avons plus besoin de chimiste.

Les conspirateurs, n'ayant pu faire de la France un vaste cimetière, en avoient fait au moins une immense prison. A la

liste qu'on vous a présentée des hommes à talens incarcérés on peut ajouter Florian, Chabert, Millin, Landine, Garat, Clémentderis, Molé, Larive, Blessig, Arnoud, Bonneville, Patteau, Quatremère, les deux Gérard, Teissier, Barthelemy, Fleurieu, Lafosse, Robert, Dutrone, Belin, Delille de Salle, etc., et Rouget de Lille, qui, par son hymne à jamais célèbre des Marseillois, a peut-être donné cent mille hommes à nos armées. Du fond des cachots la plupart chantoient la liberté et méditoient le bonheur de la République.

C'est un prisonnier qui nous a révélé l'existence d'une table de bois précieux apportée des Philippines à Brest, la plus grande peut-être qui existe d'une seule pièce : elle a neuf pieds de diamètre.

Des hommes que nous allons signaler promènent encore la hache sur les monumens.

Beaucoup d'administrations sont encore taxées d'insoucian ce, et nous désirons qu'au plus tôt elles se lavent de ce reproche, celles surtout d'Avignon, de Marseille et d'Aix. Dans cette dernière commune, en 1787, on avoit détruit deux tours antiqués qui laissent encore des regrets; ils sont aggravés par beaucoup de destructions récentes.

Quelques administrations paroissent encore composées d'après le système désorganisateur qui repoussoit tous les talens : l'une nous marque qu'elle ne possède en objets d'arts que quatre vases, qu'on lui a dit être de porphyre; une autre nous observe qu'elle n'a aucun monument, parce qu'on ne trouve dans son arrondissement ni usine, ni fabrique, ni manufacture; une troisième nous annonce que la confection de ses catalogues bibliographiques est retardée, parce que son commissaire ne sait pas la diplomatique.

Cette anecdote nous a rappelé Pradon qui s'excusoit d'avoir transporté une ville d'Asie en Afrique, en assurant qu'il ignoroit la chronologie. Des symptômes d'une ignorance tellement prononcée font présumer l'absence de beaucoup de notions usuelles.

La commission temporaire se propose de vérifier l'assertion de plusieurs corps administratifs, qui prétendent n'avoir aucun objet d'art car des soupçons s'élèvent à ce sujet, Les courtisans et les ci-devant nobles, dont la plupart avoient voyagé, reportoient souvent dans leurs terres, dans des villages ignorés, des modèles, des gravures, des médailles, des livres, des tableaux. Beaucoup de moines avoient visité l'ancienne patrie des arts, l'Italie, et dans l'obscurité des cloîtres étoient quelquefois des morceaux distingués. Telle est, à Verdun, une grande Résurrection par le frère Luc; on l'a jugée digne de Lebrun.

Malgré vos décrets et vos invitations réitérées, beaucoup d'administrations né rendent aucun compte, et surtout elles n'ont garde de s'expliquer sur certains objets qu'il faudra bien retrouver. Qu'elles ne croient pas que nous les oublierons, ni que nous nous lasserons. Pour préliminaires des mesures ultérieures, en ce moment on forme un tableau de celles qui n'ont pas rendu le compte ordonné par la loi du 8 brumaire; nous en demanderons l'insertion au Bulletin, afin de donner au peuple la mesure de leur patriotisme..

Il est cependant des administrations de département et de district qui réunissent le zèle aux lumières; elles sont secondées par des savans, des hommes de lettres et des artistes, auxquels on doit des éloges bien mérités.

Les administrations des districts de Melun, de Saumur, de Douai, d'Angers, de Rheims; le conseil de cette dernière commune, et l'agent national pour le salpêtre à Arles, se déclarent innocens des destructions opérées dans ces diverses

communes.

L'administration du district de Chartres déclare et prouve qu'elle n'a aucun tort relativement à la conservation de sa basilique, dont plusieurs lettres déploroient la dégradation.

Les administrateurs du district de Saint-Lô et du département de la Manche, ainsi que l'agent national de Thorigny, démentent le fait des tableaux dégradés dans cette dernière

commune; et cependant les deux administrations, dans leurs lettres, qui sont presque textuellement les mêmes, avouent que les préposés du ci-devant prince de Monaco ont employé, contre les signes de féodalité empreints sur ces tableaux, des détrempes dont le plaquis s'enlève à volonté. Elles avouent, au surplus, que diverses figures de marbre ont été brisées.

Une lettre d'un citoyen très instruit indique à Coutances des destructions de sculptures et de tableaux: il déplore l'extension donnée aux ventes, où l'on porte des objets à conserver. Nous avons d'ailleurs le catalogue d'un déficit de la bibliothè que des ci-devant dominicains. Qu'on prouve la fausseté de ces faits, il nous sera doux de les rétracter; au surplus, nous ne tenons pour coupables avérés que ceux que nous désignons nominativement.

Dans la foule des renseignemens qui nous sont parvenus depuis le dernier rapport, nous indiquerons les destructions les plus révoltantes, anciennes et récentes, afin de prémunir les citoyens contre les erreurs de l'ignorance, et d'appeler leur indignation sur les forfaits de la malveillance.

Département de l'Oise. A Morfontaine, district de Senlis, on a brisé les pieds d'une statue qui servoit à décorer une fontaine publique.

Département du Lot. A Montauban, divers monumens se détériorent par les torrens de pluies. Telle est la ci-devant intendance, où les dégradations ont ruiné un lambris et abîmé des livres; parce que, nous dit-on, quand il s'agit d'ordonner des réparations, le département renvoie au district et le district au département.

Département d'Ille-et-Vilaine. A Port-Malo, les objets d'arts et de sciences sont abandonnés à la vermine, à l'humidité, à l'insouciance.

Département du Cher. A Bourges, on a vendu une foule de bons tableaux, par Boucher, peintre né en cette commune.

Département de l'Eure. Les superbes vitraux de l'église de Gisors, dépouillés du grillage de fer qui les défendoit à l'extérieur, ont été criblés de coups de pierres.

Département de la Mayenne. A Mayenne, étoit une descente de croix en marbre. Les géographes font mention de cet admirable morceau, à la vue duquel les connaisseurs s'extasioient il est brisé, sans espoir de pouvoir le restaurer.

Département du Tarn. Les archives des ci-devant chapitres d'Alby renfermoient des pièces extrêmement importantes. L'auteur de l'histoire du Languedoc, Dom Vaissette, et les savans Sainte-Marthe, y avoient fait une riche moisson: ces archives ont été brûlées.

Département de l'Aude. L'agent national du district de la Grasse annonce que les fameux tableaux des sept sacremens, d'après l'Espagnolet, ont été arrachés aux flammes par ses soins et ceux du directoire; mais les ombres ont éprouvé quelques déchirures.

Département d'Indre-et-Loire, district de Chinon. Dans la maison de l'émigré Duriveau étoit un chef-d'œuvre de marqueterie d'ivoire et de nacre; il est brisé.

A Richelieu, la fameuse table n'a pas souffert; mais d'autres chefs-d'œuvre ont été gâtés par la poussière et le défaut d'air; des statues et des tableaux ont été détruits.

Département de la Meurthe. Dans les divers districts de ce département, une foule de tableaux ont été vendus, dégradés, ou ensevelis dans la poussière des magasins et sous les décombres.

Nous avons dit ailleurs qu'à Nanci, dans l'espace de quelques heures, on avoit détruit pour cent mille écus de tableaux et de statues. Il paroît que le modèle en relief du Parnasse françois et le beau thermomètre de l'académie ont subi le même sort. Il nous importe de savoir si un buste par Houdon, et la

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