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nigmes. La nature nous dit que l'homme est né pour la liberté, et l'expérience des siècles nous montre l'homme esclave. Ses droits sont écrits dans son

et son humiliation dans l'histoire. Le genre humain respecte Caton, et se courbe sous le joug de César. La postérité honore la vertu de Brutus; mais elle ne la permet que dans l'histoire ancienne. Les siècles et la terre sont le partage du crime et de la tyrannie; la liberté et la vertu se sont à peine reposées un instant sur quelques points du globe. Sparte brille comme un éclair dans les ténèbres immenses...

Ne dis pas cependant, ô Brutus, que la vertu est un fantôme! Et vous, fondateurs de la République française, gardez-vous de désespérer de l'humanité, ou de douter un moment du succès de votre grande entreprise!

Le monde a changé, il doit changer encore. Qu'y a-t-il de commun entre ce qui est et ce qui fat! Les nations civilisées ont succédé aux sauvages errans dans les déserts; les moissons fertiles ont pris la place des forêts antiques qui couvraient le globe. Un monde a paru au-delà des bornes du monde; les habitans de la terre ont ajouté les mers à leur domaine immense; l'homme a conquis la foudre et conjuré celle du ciel. Comparez le langage imparfait des hiéroglyphes avec les miracles de l'imprimerie; rapprochez le voyage des Argonautes de celui de la Peyrouse; mesurez la distance entre les observations astronomiques des mages de l'Asie et les découvertes de Newton, ou bien entre l'ébauche tracée par la main de Dibutade et les tableaux de David.

Tout a changé dans l'ordre physique; tout doit changer dans l'ordre moral et politique. La moitié de la révolution du monde est déjà faite; l'autre moitié doit s'accomplir.

La raison de l'homme ressemble encore au globe qu'il habite; la moitié en est plongée dans les ténèbres, quand l'autre est éclairée. Les peuples de l'Europe ont fait des progrès étonnans dans ce qu'on appelle les arts et les sciences, et ils semblent dans l'ignorance des premières notions de la morale publique. Ils connaissent tout, excepté leurs droits et leurs devoirs. D'où vient ce mélange de génie et de stupidité? De ce quc, pour chercher à se rendre habile dans les arts, il ne faut que suivre ses passions, tandis que, pour défendre ses droits et respecter ceux d'autrui, il faut les vaincre. Il en est une autre raison: c'est que les rois qui font le destin de la terre ne craignent ni les grands géomètres, ni les grands peintres, ni les grands potëes, et qu'ils redoutent les philosophes rigides, et les défenseurs de l'humanité.

Cependant le genre humain est dans un état violent qui ne peut être durable. La raison humaine marche depuis long temps contre les trônes, à pas lents, et par des routes détournées, mais sûres. Le génie menace le despotisme alors même qu'il semble le caresser; il n'est plus guère défendu que par l'habitude. et par la terreur, et surtout par l'appui que lui prête la ligue des riches, et de tous les oppresseurs subalternes qu'épouvante le caractère imposant de la Révolution française.

Le peuple français semble avoir dévancé de deux mille ans le reste de l'espèce humaine; on serait tenté même de le regarder, au milieu d'elle, comme une espèce différente. L'Europe est à genoux devant les ombres des tyrans que nous punissons:

En Europe, un laboureur, un artisan est un animal dressé pour les plaisirs d'un noble;, en France, les nobles cherchent à se transformer en laboureurs et en artisans, et ne peuvent pas même obtenir cet honneur.

L'Europe ne conçoit pas qu'on puisse vivre sans rois, sans nobles; et nous que l'on puisse vivre avec

eux.

L'Europe prodigue son sang pour river les chaînes de l'humanité, et nous pour les briser.

Nos sublimes voisins (1) entretiennent gravement l'univers de la santé du Roi, de ses divertissemens, de ses voyages; ilsveulent absolument apprendre à la postérité à quelle heure il a dîné, à quel moment il est revenu de la chasse; quelle est la terre heureuse qui, à chaque instant du jour, eut l'honneur d'être foulée par ses pieds augustes; quels sont les noms des esclaves privilégiés qui ont paru, er sa présence, au lever, au coucher du soleil.

Nous lui apprendrons, nous, les noms et les vertus des héros morts en combattant pour la liberté; nous lui apprendrons dans quelle terre les derniers satellites des tyrans ont mordu la poussière; nous lui ap

(1) Les Anglais.

prendrons à quelle heure a sonné le trépas des oppresseurs du monde.

Oui, cette terre délicieuse que nous habitons, et que la nature caresse avec prédilection, est faite pour être le domaine de la liberté et du bonheur, ce peuple sensible et fier est vraiment né pour la gloire et pour la vertu. O ma patrie! si le destin m'avait fait naître dans une contrée étrangère et lointaine, j'aurais adressé au ciel des voeux continuels pour ta prospérité; j'aurais versé des larmes d'attendrissement au récit de tes combats et de tes vertus; mon ame attentive aurait suivi avec une inquiète ardeur tous les mouvemens de ta glorieuse révolution; j'aurais envié le sort de tes citoyens, j'aurais envié celui de tes représentans. Je suis Francais, je suis l'un de tes représentans..... O peuple sublime! reçois le sacrifice de tout mon être; heureux celui qui est né au milieu de toi! plus heureux celui qui peut mourir pour ton bonheur!

O vous, à qui il a confié ses intérêts et sa puissance, que ne pouvez-vous pas avec lui et pour lui! Oui, vous pouvez montrer au monde le spectacle nouveau de la démocratie affermie dans un vaste empire. Ceux qui, dans l'enfance du droit public, et au sein de la servitude, ont balbutié des maximes contraires, prévoyaient-ils les prodiges opérés depuis un an? Ce qui vous reste à faire, est-il plus difficile que ce que vous avez fait ? quels sont les politiques. qui peuvent vous servir de précepteurs ou de modèles? Ne faut-il pas que vous fassiez précisément

tout le contraire de ce qui a été fait avant vous? L'art de gouverner a été jusqu'à nos jours l'art de tromper et de corrompre les hommes: il ne doit être que celui de les éclairer et de les rendre meilleurs.

I y a deux sortes d'égoïsme : l'un, vil, cruel, qui isole l'homme de ses semblables, qui cherche un bienêtre exclusif acheté par la misère d'autrui; l'autre, généreux, bienfaisant, qui confond notre bonheur dans le bonheur de tous, qui attache notre gloire à celle de la patrie. Le premier fait les oppresseurs et les tyrans le second, les défenseurs de l'humanité. Suivons son impulsion salutaire; chérissons le repos acheté par de glorieux travaux, ne craignons point la mort qui les couronne, et nous consoliderons le bonheur de notre patrie et même le nôtre.

Le vice et la vertu font les destins de la terre: ce sont les deux génies opposés qui se la disputent. La source de l'un et de l'autre est dans les passions de l'homme. Selón la direction qui est donnée à ses passions, l'homme s'élève jusqu'aux cieux, ou s'enfonce dans des abîmes fangeux. Or le but de toutes les institutions sociales, c'est de les diriger vers la justice, qui est à la fois le bonheur public et le bonheur privé.

Le fondement unique de la société civile, c'est là morale. Toutes les associations qui nous font la guerre reposent sur le crime: ce ne sont aux yeux de la vérité que des hordes de sauvages policés et de brigands disciplinés. A quoi se réduit donc cette science mystérieuse de la politique et de la législation? A

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