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mettre dans les lois et dans l'administration les vérités morales reléguées dans les livres des philosophes, et à appliquer à la conduite des peuples les notions triviales de probité que chacun est forcé d'adopter pour sa conduite privée, c'est-à-dire, à employer autant d'habileté à faire régner la justice que les gouvernemensen ont mis jusqu'ici à être injustes impunément ou avec bienséance.

Aussi, voyez combien d'art les rois et leurs com+ plices ont épuisé pour échapper à l'application de ces principes, et pour obscnrcir toutes les notions du juste et de l'injuste! Qu'il était exquis le bon sens de ce pirate qui répondit à Alexandre : « On m'appelle brigand, parce que je n'ai qu'un navire; et toi, parce que tu as une flotte, on t'appelle conquérant »! Avec quelle impudeur ils font des lois contre le vol, lorsqu'ils envahissent la fortune publique !'On condamne en leur nom les assassins, et ils assassinent des mil lions d'hommes par la guerre et par la misère. Sous la monarchie, les vertus domestiques ne sont que des ridicules mais les vertus publiques sont des crimes; la seule vertu est d'être l'instrument docile des crimes du prince, le seul honneur est d'être aussi méchant que lui. Sous la monarchie, il est permis d'armer sa famille, mais non la patrie. Il est honorable de défendre ses amis, mais non les opprimés. La probité de la monarchie respecte toutes les pro→ priétés, excepté celle du pauvre: elle protège tous les droits, excepté ceux du peuple.

Voici un article du code de la monarchie.

« Tu ne voleras pas, à moins que tu ne sois le roi, ou que tu n'aies obtenu un privilége du roi tu n'assassineras pas, à moins que tu ne fasse périr, d'un seul coup, plusieurs milliers d'hommes ».

Vous connaissez ce mot ingénu du cardinal de Richelieu, écrit dans son testament politique, que les rois doivent s'abstenir avec grand soin de se servir des gens de probité, parce qu'ils ne peuvent en tirer parti. Plus de deux mille ans auparavant il y avait sur les bords du Pont-Euxin un petit roi qui professait la même doctrine d'une manière encore plus énergique. Ses favoris avaient fait mourir qulques-uns de ses amis par de fausses accusations. Il s'en apercut; un jour que l'un d'eux portait devant lui une nouvelle délation: « Je te ferais mourir, lui dit-il, si des scélérats tels que toi n'étaient pas nécessaires aux despotes ». On assure que ce prince était un des meilleurs qui ajent existé.

Mais c'est en Angleterre que le machiavélisme a poussé cette doctrine reyale au plus haut degré de perfection.

Je ne doute pas qu'il n'y ait beaucoup de marchands à Londres qui se piquent de quelque bonne foi dans les affaires de leur négoce; mais il y a à parier que ces honnêtes gens trouvent tout naturel que les membres du parlement britannique vendent publiquement au roi Georges leur conscience et les droits du peuple, comme ils vendent eux-mêmes les productions de leurs manufactures.

Pitt déroule aux yeux de ce parlement la liste de

ses bassesses et de ses forfaits; « tant pour la trahison, tant pour les assassinats des représentans du peuple et des patriotes, tant pour la calomnie, tant pour la famine, taut pour la corruption, tant pour la fabrication de la fausse monnaie »; le sénat écoute avec un sang-froid admirable, et approuve le tout avec, soumission.

En vain la voix d'un seul homme s'élève avec l'indignation de la vertu contre tant d'infamie; le ministre avoue ingénument qu'il ne comprend rien à des maximes si nouvelles pour lui, et le sénat rejette la motion.

Stanhope, ne demande point acte à tes indignes collègues de ton opposition à leurs crimes; la postérité te le donnera, et leur censure est pour toi le plus beau titre à l'estime de ton siècle même.

Que conclure de tout ce que je viens de dire ? Que l'immoralité est la base du despotisme, comme la vertu est l'essence de la République.

La révolution, qui tend à l'établir, n'est que le passage du règue du crime à celui de la justice; de là les efforts continuels des rois ligués contre nous et de tous les conspirateurs, pour perpétuer chez nous les préjugés et les víces de la monarchie.

Tout ce qui regrettait l'ancien régime, tout ce qui ne s'était lancé dans la carrière de la révolution que pour arriver à un changement de dynastie, s'est appliqué, dès le commencement, à arrêter les progrès de la morale publique; car quelle différence y avait-. il entre les amis de d'Orléans ou d'Yorck et ceux de

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Louis XVI, si ce n'est, de la part des premiers, peatêtre un plus haut degré de lâcheté et d'hypocrisie?

Les chefs des factions (1) qui partagèrent les deux premières législatures, trop lâches pour croire à la République, trop corrompus pour la vouloir, ne cessèrent de conspirer, pour effacer du coeur des hommes les principes éternels que leur propre politique les avait d'abord obligés de proclamer. La conjuration se déguisait alors sous la couleur de ce perfide modérantisme qui, protégeant le crime et tuant la vertu, nous ramenait par un chemin oblique et sûr à la tyrannie.

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Quand l'énergie républicaine eut confondu ce lâche systême et fondé la démocratie, l'aristocratie et l'étranger formèrent le plan de tout outrer et de tout corrompre. Ils se cachèrent sous les formes de la démocratie, pour la déshonorer par des travers aussi funestes que ridicules, et pour l'étouffer dans son ber

ceau.

On attaqua la liberté en même temps par le modérantisme et par la fureur. Dans ce choc de deux factions opposées (2) en apparence, mais dont les chefs étaient unis par des noeuds secrets, l'opinion publique était dissoute, la représentation avilie, le peuple nul; et la révolution ne semblait être qu'un combat ridicule pour décider à quels fripons resterait le pouvoir de déchirer et de vendre la Patrie.

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(1) Mirabeau, Barňave, etc., tous vendus à Louis XVI. (2) Les Girondins et les terroristes.

La marche des chefs de parti qui, semblaient les plus divisés, fut toujours à-peu-près la même. Leur principal caractère fut une profonde hypocrisie.

Lafayette invoquait la constitution, pour relever la puissance royale. Dumouriez invoquait la constitution, pour protéger la faction girondine contre la Convention nationale. Au mois d'août 1792, Brissot et les Girondins voulaient faire de la constitution un bouclier, pour parer le coup qui menaçait le trône. Au mois de janvier suivant, les mêmes conspirateurs réclamaient la souveraineté du peuple, pour arracher la royauté à l'opprobre de l'échafaud, et pour allumer la guerre civile dans les assemblées sectionnaires. Hébert et ses complices réclamaient la souveraineté du peuple pour égorger la convention nationale et anéantir le gouvernement républicain.

Brissot et les Girondins avaient voulu armer les riche's contre le peuple; la faction d'Hébert, en protégeant l'aristocratie, caressait le peuple pour l'opprimer par lui-même.

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Danton, le plus dangereux des ennemis de la Patrie, s'il n'en avait été le plus lâche; Danton, ménageant tous les crimes, lié à tous les. complots; promettant aux scélérats sa protection, aux patriotes sa fidélité; habile à expliquer ses trahisons par des prétextes de bien public, à justifier ses vices par ses défauts prétendus; faisait inculper par ses amis, d'une manière insignifiante on favorable, les conspirateurs près de consommer la ruine de la République, pour avoir occasion de les défendre lui

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