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son aise; puis il faut placer ses membres de manière à ce qu'ils ne se gênent pas les uns les autres. Une mauvaise position, quoiqu'elle soit d'abord peu sensible, et qu'elle se fasse à peine remarquer, devient moins supportable par sa continuité, et l'incommodité peut s'en faire sentir dans le sommeil et troubler l'imagination.

Telles sont les règles de l'art d'avoir des songes agréables. Cependant malgré l'expérience de leur efficacité, il est un cas où leur observation la plus ponctuelle sera totalement infructueuse. Ce cas est celui où la personne qui veut des songes agréables n'aura pas pris soin d'abord d'avoir ce qui est plus nécessaire que toutes cho

ses: UNE BONNE CONSCIENCE.

DIALOGUE ENTRE LA GOUTTE ET FRANKLIN.

FRANKLIN. Eh! oh! oh! mon Dieu! qu'aije fait pour mériter ces souffrances cruelles? LA GOUTTE, Beaucoup de choses. Vous avez trop mangé, trop bu, et trop indulgé vos jambes en leur indolence.

FRANKLIN. Qui est-ce qui me parle?
LA GOUTTE. C'est moi-même, la Goutte.
FRANKLIN. Mon ennemie en personne!
LA GOUTTE. Pas votre ennemie.

FRANKLIN. Oui, mon ennemie; car nonseulement vous voulez me tuer le corps par vos tourmens, mais vous tachez aussi

*

A minuit, le 22 octobre 1780. Ecrit en français par l'auteur.

de détruire ma bonne réputation. Vous me représentez comme un gourmand et un iyrogne. Et tout le monde qui me connaît sait qu'on ne m'a jamais accusé auparavant d'être un homme qui mangeait trop, ou qui buvait trop.

LA GOUTTE. Le monde peut juger comme il lui plaît. Il a toujours beaucoup de complaisance pour lui-même, et quelquefois pour ses amis. Mais je sais bien que ce qui n'est pas trop boire ni trop manger pour un homme qui fait raisonnablement d'exercice, est trop pour un homme qui n'en fait point.

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FRANKLIN. Je prends, — eh! eh! autant d'exercice, -- eh! — que je puis, madame la Goutte. Vous connaissez mon état sédentaire, et il me semble qu'en conséquence vous pourriez, madame la Goutte, m'épargner un peu, considérant que ce n'est pas tout-à-fait ma faute.

LA COUTTE. Point du tout. Votre rhéto

si

rique et votre politesse sont également per dues. Votre excuse ne vaut rien. Si votre état est sédentaire, vos récréations, vos amusemens doivent être actifs. Vous devez vous promener à pied ou à cheval; ou, le temps vous en empêche, jouer au billard. Mais examinons votre cours de vie. Quand les matinées sont longues et que vous avez assez de temps pour vous promener,qu'estce que vous faites? Au lieu de gagner de l'appétit pour votre déjeuner par un exercice salutaire, vous vous amusez à lire des livres, des brochures, ou des gazettes, dont la plupart n'en valent pas la peine. Vous déjeûnez néanmoins largement. Il ne vous faut pas moins de quatre tasses de thé à la crême, avec une ou deux tartines de pain ou de beurre, couvertes de tranches de bœuf fumé, qui, je crois, ne sont pas les choses du monde les plus faciles à digérer. Tout de suite vous vous placez à votre bureau; vous y écrivez, ou vous par

lez aux gens qui viennent vous chercher pour affaire. Cela dure jusqu'à une heure après midi, sans le moindre exercice de corps. Tout cela, je vous le pardonne, parce que cela tient, comme vous dites, à votre état sédentaire. Mais, après dîner, que faites-vous? Au lieu de vous promener dans les beaux jardins de vos amis chez lesquels vous avez dîné, comme font les gens sensés, vous voilà établi à l'échiquier, jouant aux échecs, où on peut vous trouver deux ou trois heures. C'est là votre récréa tion éternelle : la récréation qui de toutes est la moins propre à un homme sédentaire; parce qu'au lieu d'accélérer le mouvement des fluides, ce jeu demande une attention si forte et si fixe, que la circulation est retardée, et les secrétions internes empêchées. Enveloppé dans les spéculations de ce misérable jeu, vous détruisez votre constitution. Que peut-on attendre d'une telle façon de viyre, sinon un corps

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