vives des femmes françaises. On donna des fêtes élégantes au docteur Franklin, qui réunissait la renommée d'un des plus habiles physiciens aux vertus patriotiques qui lui avaient fait embrasser le rôle d'apôtre de la liberté. J'ai assisté à l'une de ces fètes, où la plus belle parmi trois cents femmes fut désignée pour aller poser, sur la blanche chevelure du philosophe américain une couronne de laurier, et deux baisers aux joues de ce vieillard. » Les contemporains ont conservé la mémoire de son entrevue avec Voltaire, qui venait d'être accueilli à Paris par le triomphe le plus éclatant, et qui partageait, à cette époque, avec le citoyen d'Amérique, la faveur du public. Dans une séance de l'Académie des Sciences, Franklin lui présenta son petit-fils. « God and Liberty! s'écria Voltaire, Dicu et la Liberté! C'est la

devise qui convient au petit-fils de M. Franklin. » Les deux vieillards s'embrassèrent les larmes aux yeux, et tous les spectateurs partagèrent leur émotion. Franklin sut profiter avec habileté de toutes les chances de succès que lur offrait la considération personnelle dont il se voyait entouré; et la cour de France, cédant, malgré quelques résistances intérieures, à l'entraînement de l'opinion publique, signa, le 6 février 1778, un traité d'alliance offensive et défensive avec les Etats-Unis.

On sait quels furent les évènemens de la guerre d'Amérique, et de quelle gloire s'y couvrirent les Français; on sait comment le nom de La Fayettte s'y est associé, dans la reconnaissance des peuples, à celui de Franklin et de Washington. Nous n'avons point à nous occuper ici de tous ces évènemens, qui sont du domaine de

l'histoire. Franklin les seconda par son active influence, par l'habileté de ses négociations, par le crédit de sa popularité. Il ne cessait, au milieu de la guerre, de travailler pour conquérir la paix. Sa correspondance a été imprimée par les soins de son petit-fils. Sa persévérance dans les négociations, sa fermeté à ne faire aucune concession dont la dignité de son pays pût souffrir, sa loyauté à ne pas vouloir traiter avec l'Angleterre sans que celle-ci traitât avec la France, sa sagacité à découvrir les pièges diplomatiques, enfin son amour pour la paix et pour le bien-être de l'humanité, s'y manifestent sous le jour le plus honorable. Le 3 avril 1783, un traité de commerce et d'amitié fut signé par Franklin entre les Etats-Unis et la Suède, et le 3 septembre de la même année, se conclut enfin le traité de paix entre la France, l'Es

pagne, l'Angleterre et les Etats-Unis, dont l'indépendance fut reconnue solennellement.

Franklin continua de séjourner en France comme ministre plénipotentiaire de la république. Outre les soins assez multipliés de ses fonctions, il se plaisait à cultiver les sciences, et l'amitié des savans les plus distingués. Il composa un assez grand nombre de petits pamphlets, principalement sur des sujets moraux; et il s'amusait souvent à les imprimer lui-même, pour les distribuer à ses amis. En 1784, sur la demande expresse du Roi, il fut l'un des commissaires chargés d'examiner le magnétisme animal de Mesmer, et il le jugea un charlatanisme. Un de ses derniers actes en France fut la signature d'un traité entre les Etats-Unis et la Prusse, le 9 juin 1785. Un des articles de ce traité con

tient, contre les armemens en course, une convention qu'il serait beau de voir passer dans le droit public de l'Europe. Franklin avait donné, pendant la guerre, un exemple de libéralité appuyé sur le même principe, en accordant une sauve-garde, contre les croiseurs américains, aux missionnaires des frères Moraves et à l'expédition de découvertes du capitaine Cook.

Franklin, malgré les applaudissemens qu'il recevait en France, et quoique plein d'affection pour un pays où il s'était en-touré d'amis nombreux et où son mérite était apprécié, voulait cependant mou-rir dans sa patrie. Il obtint enfin son rappel, après l'avoir long-temps sollicité. Il éprouvait, depuis deux ou trois ans, des douleurs causées par la présence d'une pierre dans la vessie. La pierre augmen