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il mettait en vers certains morceaux, et ensuite les retraduisait en prose, examinant avec soin les altérations qu'ils subissaient dans ces transformations successives, et se sentant satisfait et encouragé lorsqu'il croyait avoir rencontré quelque expression plus heureuse que celles de son modèle. Le temps qu'il prenait pour ce travail était la nuit, le matin avant l'heure de l'ouvrage, et le dimanche.

Tandis qu'il s'occupait à perfectionner son style, il lui tomba sous la main un essai de logique terminé par une discussion à la manière de Socrate. Cet exemple, et la lecture des Entretiens mémorables de Socrate, par Xénophon, l'enchantèrent, etlui firent adopter cette méthode socratique qui n'est commode que pour ceux qui savent la manier habilement, et par laquelle, se bornant à interroger humblement ses contra

dicteurs, on les fait tomber de conséquences en conséquences dans des difficultés inextricables. Après avoir, pendant quelques années, suivi cette marche, qui, avec son goût pour la controverse, lui valut souvent des succès, il finit cependant par l'abandonner peu à peu, à mesure qu'il se fut pénétré davantage des inconvéniens et de l'inutilité des conversations querelleuses. Il ne retint de cette méthode que l'aversion des formes dogmatiques, et l'habitude d'un ton dubitatifqu'il se plut à conserver toute sa vie.

En 1720 ou 1721, James Franklin avait commencé à imprimer un journal : c'était le second qui se publiait en Amérique. A force d'entendre la conversation des personnes que la rédaction de cette feuille attirait à l'imprimerie, le jeune Franklin prit fantaisie de s'essayer à y écrire. Mais, craignant que son frère, qui lui montrait

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assez peu d'égards, ne refusât d'imprimer ce qui serait venu de lui, il imagina de déguiser son écriture, et de placer le soir son manuscrit sous la porte de l'imprimerie. L'article fut imprimé : il eut du succès. Le jeune anonyme continua le même manège, et ne se découvrit enfin que lorsqu'il sentit son fonds de composition s'épuiser. A quelque temps de là, un morceau politique, inséré dans la Gazette, ayant déplu à l'autorité, James Franklin fut mis en prison pour un mois, et défenses lui furent faites, à sa sortie, de continuer son journal, qui parut alors sous le nom de Benjamin Franklin.

Cette publication avait lieu depuis plusieurs mois, lorsque des querelles avec son frère décidèrent Benjamin Franklin à le quitter. Il partit de Boston, alla à NewYork, puis à Philadelphic, où il arriva

n'ayant qu'un dollar dans sa poche, et où il trouva de l'emploi chez un nommé Keimer, l'un des deux imprimeurs établis alors dans cette ville. Il commençait, grâce à sa vie laborieuse et frugale, à gagner quelque argent, lorsqu'il attira l'attention de sir William Keith, gouverneur de la province. Cet homme le prit en amitié, lui mit en tête de former un établissement, et lui persuada de faire le voyage de Londres, pour s'y procurer le matériel d'une imprimerie, en lui promettant son crédit et des recommandations. Franklin accepta; mais le gouverneur était un de ces personnages fort libéraux en paroles, qui s'inquiètent peu de compromettre un jeune homme, en l'engageant dans des entreprises aventureuses, sur la foi des promesses mensongères qu'ils prodiguent par vanité. Les lettres remises à Franklin ne faisaient nulle

y

mention de lui, et, lorsqu'il arriva à Londres, à la fin de décembre 1724, il s'y trouva sans la moindre ressource. Il chercha de l'ouvrage comme ouvrier imprimeur, et entra chez Palmer. Pendant qu'il était employé, il travailla, comme compositeur, sur la seconde édition de la Religion naturelle de Wollaston; l'idée lui vint de combattre quelques-uns des raisonnemens de cet ouvrage, et il écrivit, à ce sujet, une petite brochure métaphysique qu'il intitula: Dissertation sur la liberté, la nécessité, le plaisir et la peine; mais dont il ne tira qu'un petit nombre d'exemplaires. Il ne tarda pas à condamner luimême les principes de cet écrit, et, dans ses Mémoires, il s'en reproche l'impression comme un des errata qu'il voudrait corriger dans sa vie, s'il lui était donné de la recommencer. Il composa, six ans après,

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