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La grandeur apparente de l'entreprise ne m'a point découragé, car j'ai toujours pensé qu'un seul homme, avec des moyens passables, peut opérer de grands changemens et mettre à fin des choses importantes, si, d'abord, il forme un bon plan; s'il renonce à tous plaisirs, à toutes occupations, qui pourraient distraire son attention; s'il fait, de l'exécution de ce même plan, sa seule étude et son unique affaire.

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Lorsqu'il s'offre à nous des circonstances où nous avons à prendre, sur des affaires importantes, une détermination qui nous embarrasse, la difficulté vient principalement de ce que, dans notre examen, toutes les raisons pour et contre ne sont pas pré、sentes en même temps à notre esprit; et de ce que nous avons en vue tantôt l'une, tantôt l'autre, la dernière nous arrivant lorsque la première est disparue. Delà, les différentes dispositions ou résolutions qui l'emportent alternativement en nous et l'incertitude qui nous tourmente. Pour la fixer, ma méthode est de partager une

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* Extrait d'une lettre au docteur Priestley, écrite de Londres le 19 septembre 1772.

feuille de papier en deux colonnes, écrivant en tête de l'une pour, et en tête de l'autre contre. Donnant ensuite à cet objet trois ou quatre jours d'examen, je place, sous chacun de ces titres, de courtes indications des différens motifs qui se présentent par momens à moi pour ou contre la mesure à prendre. Quand j'ai ainsi rassemblé en un tableau tous ces motifs contradictoires, je tâche de peser leur valeur respective; et si j'en trouve deux (un de chaque côté) qui me semblent égaux, je les efface tous les deux. Si je trouve une raison pour égale à deux raisons contre, j'efface les trois. Si je juge deux raisons contre égales à trois raisons pour, j'efface les cinq; et, par ce procédé, je trouve enfin de quel côté la balance l'emporte; et si, en donnant encore une couple de jours à la réflexion, il ne se présente d'aucun côté aucun aperçu de quelque importance, je fixe ma détermination. Ces raisons ne peuvent sans doute

être évaluées avec la précision des quantités algébriques; cependant, quand chacune d'elles est examinée séparément et comparativement, et que le tout est là devant mes yeux, il me semble que je puis mieux juger, et que je me trouve moins exposé à faire une démarche inconsidérée J'ai souvent recueilli un grand avantage de cette espèce d'équation, que l'on pourrait appeler une algèbre morale, ou algèbre de circonspection.

LA PERTE DE LA VIE.*

Anergus était un gentilhomme d'une belle fortune, élevé à ne rien faire. Il ne savait comment s'y prendre, pour perdre agréablement ses journées; il n'avait ni penchant pour aucun des exercices ordinaires de la vie, ni goût pour aucun travail d'esprit ; il passait communément dix heures sur les vingt-quatre dans son lit : restait assoupi sur un canapé encore deux ou trois heures, et le soir en consumait quelques autres à boire, lorsqu'il se trouvait en compagnie de son humeur. Il tuait avec beaucoup d'indolence les cinq ou six qui lui restaient. Leur principal emploi était de combiner le repas, et de repaître son

* Morceau inséré dans la Gazette de Philadelphie, le 18 novembre 1736.

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