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hasard, et si la supposition d'un principal moteur ne les rendrait pas cent fois plus inexplicables. Il me suffit de vous rappeler que, parmi les faits qui sont à ma charge, les uns antérieurs ou postérieurs de plusieurs mois aux événemens, ne peuvent leur être liés que par la logique des tyrans ou de leurs suppôts, et que les autres, qui ont concouru avec l'époque même de la procédure, ne sont évidemment ni cause ni effet, n'ont eu, n'ont pu avoir aucune influence, sont exclusifs du rôle d'agent, de moteur ou de complice, et qu'à moins de supposer que j'étais du nombre des coupables par la seule volonté, que je n'étais chargé d'aucune action au dehors, d'aucune impulsion, d'aucun mouvement, ma prétendue complicité est une chimère.

» Il me suffit encore de vous faire observer que les charges que l'on m'oppose, bien loin de me donner des relations avec le principal moteur désigné, me donneraient des rapports entièrement opposés; que, dans la dénonciation du repas fraternel que je n'eus pas seul la prétendue imprudence d'appeler une orgie, je ne fus que l'auxiliaire de deux de mes collègues qui avaient pris la parole avant moi; que si j'avais parcouru les rangs du régiment de Flandres, je n'aurais fait, d'après la procédure elle-même, que suivre l'exemple si le d'une foule de membres de cette Assemblée ; que propos qu'importe que ce soit Louis XVII était vrai, outre que je ne supposais pas un changement de dynastie, mes idées, constatées par un membre de cette Assemblée, dans le cas possible d'un régent, ne se portaient que sur le frère

du roi.

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Quelle est donc cette grande part que l'on suppose que j'ai prise aux événemens dont la procédure est l'objet ? Où sont les preuves de la complicité que l'on me reproche? Quel est le crime dont on puisse dire de moi: il en est l'auteur ou la cause?

d'un

» Mais j'oublie que je viens d'emprunter le langage accusé, lorsque je ne devrais prendre que celui d'un ac

cusateur.

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Quelle est cette procédure, dont l'information n'a pu être achevée, dont tous les ressorts n'ont pu être combinés que dans une année entière; qui, prise en apparence sur un crime de lese-majesté, se trouve entre les mains d'un les critribunal incompétent, qui n'est souverain que pour mes de lèse-nation? Quelle est cette procédure, qui, menaçant vingt personnes différentes dans l'espace d'une antantôt abandonnée et tantôt reprise, selon l'intérêt et les vues, les craintes ou les espérances de ses machi

née

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nateurs, n'a été pendant si longtemps qu'une arme de l'intrigue, qu'un glaive suspendu sur la tête de ceux que l'on voulait perdre ou effrayer, ou désunir ou rapprocher; qui enfin n'a vu le jour, après avoir parcouru les mers, qu'au moment où l'un des accusés n'a pas cru à la dictature qui le retenait en exil, ou l'a dédaignée ?

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Quelle est cette procédure, prise sur des délits individuels dont on n'informe pas, et dont on veut cependant rechercher les causes éloignées, sans répandre aucune lumière sur leurs causes prochaines? Quelle est cette procédure, dont tous les événemens s'expliquent sans complot, et qui n'a cependant pour base qu'un complot dont le premier but a été de cacher des fautes réelles, et de les remplacer par des crimes imaginaires; que l'amour-propre seul a d'abord dirigée, que la haine a depuis acérée, dont l'esprit de parti s'est ensuite emparé, dont le pouvoir ministériel s'est ensuite saisi, et qui, recevant ainsi tour à tour plusieurs sortes d'influences, a fini par prendre la forme d'une protestation insidieuse et contre vos décrets, et contre la liberté de l'acceptation du roi, et contre son voyage à Paris, et contre la sagesse de vos délibérations, et contre l'amour de la nation pour le monarque ?

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Quelle est cette procédure , que les ennemis les plus acharnés de la révolution n'auraient pas mieux dirigée s'ils en avaient été les seuls auteurs, comme ils en ont été presque les seuls instrumens; qui tendait à attiser le plus redoutable esprit de parti, et dans le sein de cette Assemblée en opposant les témoins aux juges, et dans tout le royaume en calomniant les intentions de la capitale auprès des provinces, et dans chaque ville en faisant détester une liberté qui avait pu compromettre les jours du monarque, et dans toute l'Europe en y peignant la situation d'un roi libre sous les fausses couleurs d'un roi captif, persécuté, en y peignant cette auguste Assemblée comme une assemblée de factieux ?

» Oui, le secret de cette infernale procédure est enfin découvert! Il est là tout entier; il est dans l'intérêt de ceux dont le témoignage et les calomnies en ont formé le tissu; il est dans les ressources qu'elle a fournies aux ennemis de la révolution, il est... Il est dans le cœur des juges, tel qu'il sera bientôt buriné dans l'histoire par la plus juste et la plus implacable vengeance!

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Extrait littéral de l'APPEL AU TRIBUNAL DE L'OPINION PUBLIQUE du rapport de Chabroud et du décret rendu le 2 octobre 1790; par Mounier, président de l'Assemblée nationale pendant les journées des 5 et 6 octobre 1789. (1)

".....

Je ne conçois rien de si révoltant que les efforts de M. Chabroud pour justifier les plus affreux attentats; son indulgence pour les assassins; sa haine pour les victimes; ses outrages contre les témoins, les juges; le ton menaçant du duc d'Orléans et du comte de Mirabeau; l'empressement avec lequel, sans examen, sans discussion, on s'est hâté d'admettre les conclusions du rapporteur! Rien de tout cela ne devait me surprendre, et cependant m'a fait éprouver une indignation presque égale à celle que j'avais ressentie les 5 et 6 octobre 1789 peut-être l'apologie du crime devait encore inspirer plus d'horreur que le crime lui-même........... (2).

(1) Volume in-8° de 352 pages. Genève, 1791.

et

(2) Je vais donner ici les détails de deux conversations du mois de juillet 1789; je les dois à MM. Bergasse, Régnier, à moi-même surtout à la vérité.

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» Pendant que Paris était environné de troupes, le comte de Mirabeau, étant avec M. Duroveray, de Genève, dans la cour des Menus, à Versailles, aborda MM. Bergasse, de Lafayette, Duport et moi; il nous pria de passer avec lui dans l'un des bureaux. Il nous fit part de la résolution où il était d'engager l'Assemblée à demander l'éloignement des troupes. Il n'était point encore question de la manière dont devait être rédigée l'adresse au roi sur ce sujet. Nous fûmes tous de son avis. M. le marquis de Lafayette sortit ensuite; les autres continuèrent leur entretien. Le comte de Mirabeau, après avoir parlé de la nécessité de mettre obstacle aux projets que pouvait avoir la cour, nous tint le discours suivant: Messieurs, j'ai rencontré hier M. le duc d'Orléans, à qui j'ai dit : « Monseigneur, vous ne » pouvez pas nier que nous ne puissions avoir bientôt Louis XVII au » lieu de Louis XVI, et si cela n'était pas ainsi vous seriez au » moins lieutenant général du royaume. Le duc d'Orléans m'a » répondu, messieurs, des choses fort aimables. »

» Je réfléchis sur ces expressions du comte de Mirabeau; et lorsque le roi eut répondu qu'il n'avait jamais eu le dessein de nuire à la liberté de l'Assemblée, et que, s'il lui restait sur la présence des troupes les moindres inquiétudes, il offrait de les transférer à Soissons, je résolus de combattre toute nouvelle proposition sur ce sujet je voulais éviter entre l'autorité royale et l'Assemblée une guerre qui me paraissait également dangereuse pour l'une et pour l'autre. Je fis part de ma résolution à beaucoup de députés. Le comte de Mirabeau, qui

» Les crimes commis à Versailles le 5 et le 6 octobre 1789 avaient-ils été préparés par un complot?

» Un complot est prouvé dans chaque page de la procédure, et par une réunion de circonstances que personne ne peut ignorer. M. Chabroud a tenté d'anéantir ces preuves......

» M. Perrin, avocat aux conseils, avait entendu dans le mois de juillet 1789, au Palais-Royal, faire la proposition de déférer à M. le duc d'Orléans la lieutenance générale du royaume. Dans le même temps M. Bergasse avait entendu le comte de Mirabeau annoncer un semblable projet, en ajoutant que M. le duc d'Orléans lui avait dit à cet égard des choses fort aimables. Deux mois après le comte de Mirabeau avait instruit le comte de Virieu des vues qu'on avait eues précédemment sur le prince, qui, à l'époque de la prise de la Bastille, devait entrer dans le conseil, offrir d'employer son influence & calmer le peuple, eù demander le poste de lieutenant général pour prix de sa médiation.

>> Ces trois dépositions donnent la preuve d'un fait certain, c'est qu'on avait le projet de profiter des troubles du mois de juillet pour faire M. le duc d'Orléans lieutenant général du

avait fait de vains efforts pour empêcher qu'on ne fût satisfait de la réponse du roi, ne perdit point l'espérance de rengager le combat; il travaillait à une seconde adresse. Il me fit appeler dans un des bureaux, où je le trouvai avec MM. Buzot et Robespierre. Il s'efforça de me faire abandonner l'opposition dont j'avais formé le projet. J'y persistai; je lui dis que j'étais excessivement alarmé de toutes les manœuvres employées à Paris pour occasioner une défection dans les troupes; que la première adresse paraissait suffire pour prouver au gouvernement qu'on avait les yeux ouverts sur ses desseins; que plusieurs phrases qu'elle renfermait étaient infiniment propres à égarer les soldats; qu'une seconde adresse accroîtrait le danger; que dans cette situation un prince ambitieux, paraissant au milieu de l'armée après avoir fait distribuer de l'argent et des libelles, pourrait s'emparer du trône. Il me répondit: Mais, bonhomme que vous êtes, je suis aussi attaché que vous à la royauté; mais qu'importe que nous avons Louis XVII au lieu de Louis XVI, et qu'avons-nous besoin d'un bambin pour nous gouverner? Je voulus alors prouver combien était criminel tout ce qui pouvait conduire à un changement de dynastie ; qu'un pareil changement avait de si terribles conséquences, qu'il fallait pour le justifier qu'un prince se fût baigné dans le sang de ses sujets. Mais savez-vous, me dit-il, que la manière dont les membres des communes ont été repoussés du lieu de leurs séances avant la déclaration du 23 juin était un acte bien coupable, et qu'il y aurait là un beau prétexte pour un manifeste? Je répliquai que je reconnaissais dans cette mesure une imprudence très blâmable; qu'avant d'ordonner les préparatifs pour la séance royale on aurait dû prévenir les communes pendant que les membres étaient assemblés, et ne pas interrompre le cours de l'ajournement; mais qu'enfin, si je con

royaume; mais M. Chabroud répond que ce n'est ni le temps ni le lieu d'examiner quelle mesure pouvait étre alors légitime.

» La lieutenance générale du royaume donne le même pouvoir que la régence: elle rend dépositaire de l'autorité royale; l'armée, les finances, tout est à la disposition d'un lieutenant général; il peut donner tous les ordres que donnerait le roi lui-même.

>> A l'exception de Charles, dauphin, lieutenant général pendant la captivité du roi Jean son père, il n'a existé de lieutenans généraux que dans les temps de trouble, et au milieu des désordres de la guerre civile. Henri V, roi d'Angleterre, gouverna la France en cette qualité lorsque, s'étant lié avec la faction de Bourgogne, et profitant de la démence de Charles VI, il eut fait prononcer en sa faveur l'exclusion de l'héritier du trône. Après sa mort le duc de Bedfort, son frère, conserva quelque temps la même autorité. Un duc de Guise exerça sous ce titre le despotisme le plus absolu pendant les derniers mois du règne de Henri II et le règne de François II. Le duc d'Anjou fut lieutenant général sous Charles IX. Le

naissais un homme qui eût le dessein de profiter des circonstances pour s'emparer du trône, et que je pusse entrevoir une probabilité de succès, je me ferais un devoir de le poignarder. Le comte de Mirabeau changea subitement de ton et de contenance, et tâcha de me persuader qu'il ne fallait pas prendre littéralement tout ce qu'il m'avait dit. Je quittai M. de Mirabeau. La séance venait de finir. Je rencontrai MM. de Maubourg et de la Coste, qui se retiraient; ils furent frappés de mon air rêveur, et voulurent en savoir la cause. Je leur racontai ma dernière conversation avec le comte de Mirabeau, et même la précédente. MM. de Lafayette et Duport, qui survinrent, entendirent mon récit. Je compris, par quelques mots que me dit M. de Lafayette, qu'il était encore plus instruit que moi.

» J'eus occasion quelque temps après, me trouvant chez M. Bergasse, de l'instruire, en présence de M. Régnier, du propos que m'avait tenu le comte de Mirabeau dans notre dernière entrevue. Je vois par la procédure que M. Bergasse ne s'est rappelé qu'une partie de la phrase qu'il avait entendue lui-même le jour où nous étions avec MM. de Mirabeau, Duport et Duroveray.

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Qu'on ne croie pas que ce récit inséré dans ma déposition cût rien changé au rapport de M. Chabroud, ni au décret qu'il a fait rendre. S'il eût attaché au propos répété par MM. Bergasse et Régnier l'importance qu'il a feint d'y mettre, il aurait demandé qu'il fût permis au Châtelet de poursuivre les députés accusés par la procédure, ou il aurait fait ajourner la décision; il n'ignorait pas qu'il pouvait y avoir addition de plainte et d'information, et qu'au récolement chaque témoin doit ajouter ce qu'il a omis, expliquer ce qui a besoin de l'être. Mais n'anticipons pas sur ce qui doit résulter de l'examen du rapport. »

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