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trois personnes; une baraque est entre ces personnes et lui l'une des trois fait part aux deux autres d'un complot qui doit être exécuté le lendemain; les gardes du roi seront massacrés, la reine sera assassinée, une personne attachée à M. d'Orléans paiera largement les complices; il n'est question de rien moins que de cinquante louis pour un ou deux spadassins..... M. Diot est aperçu; un homme sous des habits de femme va à lui l'épée à la main; il pare de sa canne, il désarme l'agresseur, et il fuit.

» Il voulait, dit-il, monter au château pour révéler ce qu'il venait d'ouïr; il était difficile de pénétrer; on l'insultait; sa vie était en péril. M. Diot se retira.

» M. de Baras déclare une seconde conversation qui ressemble beaucoup à la première; elle se passe de même entre trois personnes, dont l'une parle, et les deux autres écoutent; c'est encore de même à l'entrée de l'avenue de Paris; mais c'est entre dix et onze heures, et il n'y a point de déguisement. Or la personne qui avait la parole disait qu'on serait bientôt en force; qu'on irait au château; qu'on se saisirait du roi et de la reine, et de tous les coquins qui les entouraient; qu'on n'avait pas besoin de ces gens-là; que puisqu'ils ne savaient pas gouverner il fallait se débarrasser de ce fardeau ; qu'un homme de la milice nationale arrivait, dont on était sûr, et qui seconderait ces desseins, M. de Baras voulut faire quelques représentations; on lui répondit brusquement: bon, bon! à quoi bon un roi? Plus de tout cela. » Le témoin donne le signalement de l'orateur. » Je fais quelques observations.

» Ces deux témoins ont l'air d'avoir la prétention de se rencontrer; chez l'un et chez l'autre c'est une conversation, c'est le 5 octobre, c'est dans la nuit, c'est entre trois personnes, c'est à l'entrée de l'avenue de Paris; et pourtant ils ne se rencontrent pas.

» Des conjurateurs ne se livrent pas peut-être dans un lieu public à des indiscrétions propres à les déceler.

» Ils cherchent sans doute l'obscurité; mais ne la craignentils pas lorsqu'elle peut favoriser des espions et des témoins? Cinquante louis pour un homme ou pour deux sont un prix énorme, lorsqu'il faut supposer que des milliers d'hommes doivent être achetés.

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» Si la promesse est vaine, comment imaginer des complices qui s'engagent sur la parole d'un inconnu?

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Des malfaiteurs séduisent-ils des coopérateurs un à un pour s'assurer du secret, ou deux à deux pour être trahis plus probablement?

» Attend-on l'instant d'exécuter un grand crime pour recruter les scélérats qui doivent le commettre?

» L'obscurité fut profonde durant cette nuit; M. Diot en convient, et j'en trouve la preuve dans la déposition de Vincent Arnaud, qui parle d'onze heures, et dans celle du sieur Guéroult de Valmet, qui fut en faction depuis sept heures et demie jusqu'à minuit; et après cela je ne conçois pas comment M. Diot vit qu'un homme venait à lui l'épée à la main, comment il para avec sa canne et comment M. de Baras s'assura du signalement très précis qu'il a donné de la personne dont il entendit le discours.

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»Je sais que la garde nationale de Paris arrivait pour contenir le peuple ; je sais que le lendemain elle fut le salut des gardes du roi, lorsqu'elle accourut pour faire cesser des excès qu'elle n'avait pu prévoir, et il me semble que le dessein de l'inculper perce trop dans la déposition de M. de Baras.

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Que penser enfin de deux citoyens à qui le hasard a procuré de telles révélations, et qui ne prennent aucunes mesures pour qu'un abominable forfait soit prévenu; de M. Diot, qui se retire parce qu'il était insulté, et parce qu'il craignait pour sa vie, comme si alors il eût été permis de s'occuper de son repos et de sa vie; de M. Baras, qui fait à des scélérats quelques remontrances froides, et les laisse à leurs desseins? Si je crois leurs récits, je dois mettre sur leur tête, je dois imputer à leur coupable insouciance tous les crimes qui étaient médités devant eux.

» Vous savez que quelques unes des femmes venues à Versailles furent admises chez le roi; elles rendirent compte à leurs compagnes de l'accueil paternel du prince. Plusieurs, satisfaites dirent qu'il fallait retourner à Paris M. le François de Rosnel entendit plusieurs autres s'y opposer, parce qu'il y avait ordre exprès de rester.

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» Or cet ordre de rester devait tenir à quelque dessein; ce dessein n'était autre peut-être que celui d'engager le roi à se rendre à Paris; il était peut-être moins excusable.

» Mais pourquoi faut-il que le sieur de Rosnel entende seul parmi une multitude de témoins; qu'il ne désigne pas celles qui parlaient ainsi, et qu'on ne puisse remonter à la source d'un tel discours, et en demander l'explication?

» Le sieur Leclerc, officier du régiment de Touraine, de ce régiment connu par les vues qu'on eut sur lui, le sieur Leclerc, se rendant dans la nuit à l'Assemblée nationale, fut conseillé de prendre le costume que ses membres avaient originairement porté.

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Il marchait rassuré sous cette égide, lorsque dans la

cour même une fusillade est dirigée contre lui. Il entre; il se plaint de cette attaque; elle n'étonne personne : vous n'avez pas, lui dit-on, une manchette déchirée et le morceau attaché sur la manche.

» Cette fusillade se passe sans bruit; elle est ignorée de tous les autres témoins; mais ce n'est pas ce qui importe dans la déposition. La manchette déchirée, le morceau attaché sur la manche, voilà une livrée de conjuration: comment le sieur Leclerc ne fait-il pas connaître les personnes qui lui parlèrent de ce signe mystérieux? comment ce signe ne futil vu sur qui que ce soit par aucuns des témoins

par le sieur Leclerc ?

, pas même » Parmi les preuves qui peuvent indiquer un complot formé, les distributions d'argent doivent être comptées comme propres à donner de grandes lumières.

» On avait offert à Blangez une grosse bourse pleine d'or et d'argent; le chasseur dont je vous ai fait l'histoire en avait reçu. Vous allez voir qu'il n'était pas épargné.

» D'abord on avait payé des filles de joie, et on les avait envoyées aux soldats du régiment de Flandre; elles allèrent par légions au devant de cette troupe à Saint-Denis, et elles la suivirent à Versailles.

» Je remarque dans la déposition de M, Dupuis de SaintMartin des femmes levant leurs jupes devant les soldats, dans la soirée du 5 octobre, au sein de la boue dont elles étaient

couvertes.

>> On pourrait dire que les conjurateurs ont choisi là des confidens peu discrets; ils en cherchaient partout, jusque dans la maison de M. du Châtelet, dont le cocher fut surpris subornant des soldats et leur inspirant la désobéissance.

» Ce n'était pas assez de payer des filles pour les livrer aux soldats; il fallait encore donner de l'argent aux soldats mêmes pour s'en assurer mieux. Je ne cite pas les témoins; ils sont en grand nombre.

» Ils m'apprennent que les soldats couraient du cabaret au café, ne payant qu'avec des écus de six livres; qu'à SaintDenis ceux du régiment de Flandre avaient été attendus par une distribution de 45,000 livres et une promesse plus magnifique; que le 5, le 6 octobre et les jours suivans, on avait fait encore de nombreuses distributions; que chaque soldat avait reçu un écu, que l'un se présenta trois fois, et eut trois écus.

» Je passe légèrement sur ces témoignages vagues; je fais station lorsque je rencontre quelque chose de plus précis.

>> M. Demassé prêta douze sols le 4 à un soldat, et le 7 il lui vit des écus de six livres; le soldat lui dit c'était que le prix de quelques travaux faits par lui et par ses camarades; eet officier ajoute savoir qu'en effet les camarades recurent quelque argent,

» Ces travaux faits, ces écus de six livres reçus pourraient expliquer les courses dans les cafés et dans les cabarets.

»M. de Montmorin vit le 5 une femme portant un panier d'osier couvert d'une toile, dans lequel il y avait de l'argent qu'elle distribuait aux soldats.

>>

M. Veytard et M. de la Chaise disent aussi quelque chose du panier d'osier, mais c'est par ouï-dire, et cela se confond avec la déposition de M. de Montmorin.

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Après avoir acheté les soldats, il était naturel que l'on marchandât le peuple.

» Le sieur Duval de Grandmaison dit qu'on a vu jeter de l'argent par les fenêtres du Palais-Royal; son auteur est le sieur Lamorte. Rien n'est plus heureux.

» Le sieur Lamorte dépose immédiatement après, parle de l'argent jeté, et cite à son tour comme son auteur le sieur Duval de Grandmaison.

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» Cela date, je crois, du mois de juillet; mais cette réciprocité de témoignage est trop piquante pour qu'on y regarde de si près.

>>

Du reste le sieur Duval a vu de ses propres yeux qu'on donnait de l'argent au Palais-Royal; il ne manque que les noms, ou au moins la désignation de ceux qui donnaient et de ceux qui recevaient.

» Il n'y avait qu'à se baisser, et même on vous en épargnait la peine. Le sieur Perrin a déposé, d'après un sieur abbé Hesse, qu'on remit un jour dans la poche d'une personne, qui se promenait avec cet abbé, trente à quarante livres en paquet, avec une étiquette portant simplement le nom de M. Otel.

» Si le sieur abbé Hesse a conté cela au sieur Perrin, s'en tait dans sa déposition.

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>> Un portier refuse un inconnu qui lui propose d'aller au cabaret, de signer son nom, et de passer ensuite au Palais-Royal pour recevoir six livres de M. Otel, dont l'adresse est dans les pelotons du Palais-Royal.

» Les portiers ne sont pas ce qu'il y a de plus cher: Augustin Dupuy, domestique de M. de Virieu, vous parlera d'une compagnie de cinquante garçons vitriers, engagés à un louis par tête.

» Le sieur de Saint-Firmin a ouï dire qu'un seigneur qui

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habite le Palais-Royal est allé déguisé en femme sur un bateau de blanchisseuses pour enrôler ces dames, et leur offrant six et douze livres pour chacune.

» Le sieur Rigonneau a ouï dire que dans un autre bateau, qui descendait à Saint-Cloud, un homme bien mis a engagé à boire un groupe de femmes, et a vidé sa bourse dans leurs mains, ce qui a produit à chacune six livres et quelque monnaie.

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>> M. Roy sait que deux louis furent donnés à chacun des ouvriers de la veuve Héricourt, qui prirent l'argent, et n'allèrent pas à Versailles. Selon la veuve Héricourt, ce ne sont plus ses ouvriers, ce sont des peintres travaillant au palais Bourbon; et enfin ces peintres, devenus garçons sculpteurs dans la déposition du sieur Cayeux, se trouvent n'avoir reçu que trois livres.

» Le sieur Gérard-Henri de Blois avait ouï dire que six à sept millions étaient arrivés de Hollande, le jeudi premier octobre, pour moyenner le soulèvement du peuple et la séduction des soldats du régiment de Flandre.

» Aussi hommes et femmes, tout en demandant du pain le 5 et le 6 à Versailles, avaient beaucoup d'argent; c'étaient de pleines poches, de pleins tabliers, des poignées d'or et d'argent, des cent et deux cents livres; ils montraient fièrement des haillons et des richesses.

» Le sieur Galleman dit que des femmes, entrant dans la salle de l'Assemblée nationale, montraient de l'argent qu'elles venaient de recevoir : probablement il y avait un bureau à la porte; mais le sieur Galleman a su cela tout seul.

» Marguerite Andel fournit le signalement de deux distributeurs. L'un, dans l'Assemblée nationale, donna le 5 octobre à une poissarde de l'argent caché sous une cocarde. Je voudrais d'autres témoins, et le lieu me montre qu'il eût été facile d'en avoir. L'autre distribuait dans les cours du château; mais déjà l'on emmenait les gardes du roi qui n'avaient été massacrés dans les premiers momens; déjà M. de Lafayette donnait des ordres pour les sauver : Marguerite Audel nous apprend tout cela sans s'en apercevoir : enfin on était au terme, et il n'était plus temps de payer et d'ordonner des crimes.

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» Et puis, en lisant la déposition entière de Marguerite Andel, ne croirait-on pas qu'on tient un chapitre des Mille et une Nuits? Or, quelques dispositions qu'on ait à croire, cela décourage prodigieusement.

» M. Taillardat entendit trois jeunes gens, dont l'un disait avoir reçu cent sols.

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