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siècles de son établissement; il l'entendra sincère, mais soumise, dans les discours de ceux des bonnes villes, dans les cahiers des Etats généraux ; il la retrouvera dans ces humbles remontrances qui n'excluaient pas le courage, quoique l'orateur semblat demander pardon d'ouvrir un avis utile: ici c'est l'apologue qui, protège la vérité, en accusant non le peuple, mais ses maitres, et l'historien doit traduire jusqu'aux plaintes, et voir un appel à la liberté dans la contrainte des sentimens (1).

Enfin cette voix publique, si longtemps comprimée, a tonné comme la foudre dans les années qui ont précédé la révolution. Les désordres administratifs, et surtout ceux des finances, rappelaient encore une fois le secours de la représentation nationale. Elle parut; mais comme elle avait suivi dans ses manifestations la marche des connaissances humaines, elle ne pouvait se reformer avec l'humiliante distinction que ramenaient les Etats généraux. L'aristocratie elle-même, jalouse de s'associer aux lumières de la majorité, fit le sacrifice de ses prétentions, et salua la nation dans le tiers état. Dès lors, et pour la première fois, la France eut un digne organe; l'Assemblée constituante, d'immortelle mémoire, posa les bases légales et indestructibles du gouvernement représentatif, en les confiant « à la fidélité du corps législatif, du roi » et des juges; à la vigilance des pères de famille; aux >> épouses et aux mères ; à l'affection des jeunes citoyens; >> au courage de tous les Français. »

Des temps héroïques ont suivi la fondation de l'ère

(1) On avait regardé comme une introduction nécessaire au Choix de Rapports, Opinions et Discours prononcés à la tribune nationale, un autre Choix historique des harangues, avis, doléances, remontrances, etc., prononcés aux Etats généraux depuis leur origine, ou émanés des assemblées de notables, des parlemens, etc., jusques› et compris la convocationde 1789. Les Rédacteurs du Choix de Rapports s'occupent de cet ouvrage, qui formera deux volumes.

constitutionnelle; mais ni les merveilles enivrantes de la liberté, ni les séductions de la gloire, n'ont rien pu contre l'ouvrage du temps; il a même vaincu cette insouciance naturelle qui porte le peuple à ne s'occuper de la chose commune que lorsqu'elle est en danger. Maintenant il serait aussi difficile de concevoir la ruine du système représentatif qu'il l'est de comprendre comment il n'a pas toujours existé légalement; car s'il gafantit la propriété et les droits du peuple, il atteste en même temps l'indépendance et la probité des rois. Les trônes n'ont-ils pas aussi leur liberté à défendre, leur honneur à conserver? Aussi, que désormais les privilèges renaissans s'agitent, que les corporations combinent leurs efforts ambitieux, que le pouvoir empiète sur des droits reconnus, que les députés de la nation soient momentanément réduits à ne connaître que des calculs de finance, n'importe les débats parlementaires ont retenti dans ; toute la France; la tribune reste debout; elle dicte l'histoire, et fait l'expérience des peuples.

NOTA. Le supplément ci-après ne répare point un oubli. D'abord cet ouvrage, qu'une idée primitive consacrait seulement à l'éloquence tribunitienne, ne prétendait pas à l'importance historique qu'il a acquise dès l'apparition du premier volume: la richesse de la mine qu'il exploitait devait en agrandir le cadre. D'un autre côté, quelques doutes s'élevaient encore sur les événemens du mois d'octobre ; ils se sont éclaircis, comme beaucoup d'autres, depuis même la restauration, et, malgré tous les reproches adressés à Mirabeau et à Chabroud, c'est encore dans leurs relations que se trouvent le plus de vérités.

SUPPLÉMENT AU PREMIER VOLUME.

JOURNÉES

DES 5 ET 6 OCTOBRE 1789.

Situation générale.

Sommaire historique.

On a voulu voir dans cet événement les combinaisons longues et profondes d'un complot dont le but aurait été une substitution à la branche régnante, ou même un changement de dynastie. Ce résultat, s'il eût alors été voulu fortement, aurait pu être amené en vingt-quatre heures, et la conjuration ne se serait point jouée dans un drame digne des Halles. Mais aucune des opinions qui flottaient à cette époque ne se portait encore au-delà d'une constitution monarchique acceptée par Louis XVI. Ce prince était généralement aimé et respecté. La défiance et la haine ne se manifestaient que contre les privilégiés, dont les secrètes manœuvres et la résistance aux lois nouvelles ne justifiaient que trop et les soupçons et le courroux du peuple. Il est vrai qu'une question fort délicate avait été hasardée plusieurs fois dans ces réunions particulières qui plus tard se sont transformées en clubs, mais où l'on ne voyait encore que les principaux citoyens, députés ou électeurs, préparant entre eux les motions à soumettre à l'Assemblée nationale; et cette question, qui portait sur le parti à prendre dans le cas où Louis XVI se refuserait à devenir monarque constitutionnel, n'y avait jamais été reçue qu'avec une sorte d'effroi. Les plus téméraires, comme Mirabeau, donnaient à leurs réponses un ton de légèreté qui en atténuait l'intention ou le danger. D'ailleurs une objection générale, que peuvent encore at

tester plusieurs membres de l'Assemblée constituante, terminait la discussion; on disait : Qui mettre à la place? En vain quelques orateurs sans mission nommaient le duc d'Orléans, comme une opposition naturelle à la branche régnante; ce prince n'inspirait à la majorité ni estime ni confiance, quoique au fond il n'encourût pas tout le mal qu'on pensait de lui. Ainsi les premiers Orléanistes se sout montrés à son insu. Bientôt il écouta leur confidence comme on accueille un hommage respectueux et flatteur. Le duc d'Orléans n'était doué ni de la pénétration qui découvre les dangers, ni de l'énergie morale qui fait les chefs de parti. On pourrait donner à la mode du moment tout l'honneur de sa conduite si c'est par faiblesse qu'il ne trahit point la cour, c'est par amour-propre qu'il s'attacha aux révolutionnaires. En des temps de calme il aurait fait la gloire facile d'une opposition sans danger; il en avait puisé le goût en Angleterre. La seule décision qu'il ait prise a été de préférer la renommée de factieux à la qualification d'aristocrate. Les conséquences en sont devenues terribles. Mais si des intrigans l'ont dépouillé de son or, si des patriotes égarés ont pu sourire à l'autorité de son nom, sa personne a toujours manqué à ce prétendu parti, et il est certain qu'une conjuration d'Orléans n'a jamais existé que dans l'esprit de factieux véritables, ou dans l'imagination des dupes.

On accuse également le parti de l'étranger de l'insurrection du mois d'octobre: c'est le moyen de ne rien expliquer. En nommant ce parti c'est surtout l'Angleterre qu'on désigne. Mais alors toute cette nation, ses souvenirs historiques, les formes de son gouvernement et ses premiers citoyens, étaient pour les Français l'objet d'une admiration jalouse; on aurait voulu pouvoir imiter en tout la Grande-Bretagne. Le cabinet de Saint-James n'ignorait point ces dispositions. Ainsi l'on peut croire qu'il n'a point voulu le grand événement dont on croyait apercevoir l'intention dans les journées du mois d'octobre; autrement la France aurait eu peut-être à le déplorer tout aussitôt. Des combinaisons plus fortes, de moins vils instrumens, un plan, un ensemble; des voix connues,

se seraient fait remarquer et entendre, et les conjurés n'auraient point déposé leur odieuse mission à la seule vue du monarque dont ils eussent médité la ruine.

la

Sans doute le gouvernement anglais n'est pas resté plus désintéressé dans cette circonstance que dans beaucoup d'autres qui ont laissé des taches à notre révolution; mais voici comment. Un parti de l'étranger existe du moment qu'une nation voit sa rivale en proie aux tourmentes intestines; elle croit de bonne guerre d'attiser le feu qui la consume. Ce ne sont point des vaisseaux, des armées qu'elle pousse sur ses bords: la corruption, l'intrigue, un appel aux partis, et pour tous un égal encouragement, parce que les mêmes déceptions les attendent; voilà les hostilités qu'attire sur soi tout corps social qui se déchire de ses propres mains. Les forces ouvertes sont réservées pour la conquête. Les anciens maîtres du monde connaissaient ce genre de guerre, que diplomatie a perfectionné. L'Angleterre l'a déployé contre la France dès l'origine de sa révolution. On conçoit ainsi les folies, les contrastes, les crimes inutiles qui l'ont signalée; de là cette violence dans les démarches, et leur abandon subit pour de nouvelles entreprises; de là cette invasion, comme une vague impure, de tant d'individus qui se mêlaient à tout sans vouloir autre chose que du désordre et de l'or. Il y avait constance dans le but; la ruine de la nation riyale. On ne découvre pas là le motif du mystère dont ce parti de l'étranger est enveloppé par quelques historiens. Ils seraient plus fondés à avouer que les égards dus à des contemporains nationaux ne leur permettent pas de nommer ces privilégiés, hommes imprudens ou coupables, qui favorisaient la diplomatie étrangère de toute la force de leurs regrets et de leurs passions.

On a vu comment des événemens naturels, inévitables, pouvaient être enflammés ou salis. La situation respective du peuple et de l'aristocratie montrera, quant au fond, que les journées du mois d'octobre ont été provoquées par les grands, et faites par les citoyens. Depuis la prise de la Bastille, la France était pour ainsi dire transformée en un vaste camp:

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