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>> Le sieur Lebreton et le sieur de la Baleine, employés dans les bureaux des ministres, furent traités comme d'insolens subalternes qui ne savent pas obéir, et qui ne méritent pas du pain; on les menaça de la perte de leurs emplois.

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» Le 4 octobre, M. Lecointre monte au château dans l'objet d'obtenir, à l'issue du conseil, une audience de M. Necker. I vit dans la galerie trois dames distribuant de concert avec plusieurs abbés des cocardes blanches : Conservez-la bien, disaient-elles, à celui qu'elles en décoraient; c'est la seule bonne, la seule triomphante!... Ces dames exigeaient le serment de fidélité du chevalier qu'elles avaient initié, et il obtenait la faveur de leur baiser la main. Le sieur Lecointre ne dissimule pas combien il est indigné; un sieur Cartousière, champion des belles distributrices, est planté là, armé de toutes pièces, pour soutenir à outrance envers et contre tous la prééminence de la cocarde blanche, et le spadassin provoque le citoyen.

» Le sieur Mattereau, qui à fait aussi une déclaration, suivit le 4 le sieur Lecointre au château. Il vit les trois syrènes distributrices de cocardes blanches; elles allèrent à lui; ce fut une conquête qui leur échappa.

» Je remarque que le procureur du roi du Châtelet n'a appelé en témoignage ni le sieur Lecointre ni le sieur Mattereau. Vous croirez qu'ils ne lui ont pas été désignés ; ce fut ma première pensée : je demandai à M. le procureur du roi les listes que le comité lui avait remises; je vis qu'elles comprenaient et le sieur Lecointre et le sieur Mattereau.

» A côté des déclarations du sieur Lecointre et du sieur Mattereau, j'ai trouvé une autre pièce qui n'est pas sans intérêt; elle est écrite de la main de M. d'Estaing elle était sous les scellés qui furent apposés chez lui. Vous savez dans quelles circonstances; c'est probablement un brouillon de lettre, sous la date du 14 septembre.

» M. d'Estaing y marque son inquiétude sur les bruits répandus; il y parle des signatures du clergé et de la noblesse qu'on prend, d'un projet de campagne et d'enlèvement du roi, des généraux chargés de cette expédition; de M. de Breteuil, retenu pour en être le conseil, de M. de Merci, malheureusement nommé comme agissant de concert. Il ne cache point à la reine que son effroi a redoublé chez M. l'ambassadeur d'Espagne; là il a appris que la signature d'une association a été proposée à quelqu'un de considérable et de croyable. It supplie la reine

de calculer tout ce qui pourrait arriver d'une fausse démarche; la première, ajoute-t-il, coûte assez cher.

» Vous n'attendez pas de moi un commentaire de cette épître; il serait délicat, périlleux; il serait inutile, et le texte, dont je donnerai connaissance à l'Assemblée, n'est pas équivoque.

» Je pourrais ici vous rappeler les affaires connues du sieur Augeard et du sieur Douglas; que n'ajouteraient-elles pas aux faits que je viens de vous exposer? Mais j'ai dû chercher les preuves d'une alarme, et non amasser les indices de la conspiration qui en était la source.

» Les sujets du mécontentement que le peuple avait conçu contre les gardes du roi doivent encore vous être développés; ils tiennent à cette conspiration de la cour dont on avait des soupçons, et ils purent encore en eux-mêmes

être l'une des causes naturelles de l'insurrection du 5 octobre. » Le sieur Lefebvre a déposé avoir ouï quelques jeunes gardes du roi tenir des propos indécens, en ajoutant pourtant qu'ils étaient réprimés par leurs camarades. C'est peu de chose.

» Mais que dirai-je de ce surnumérariat dont parle le docteur Chamseru? Etait-il recruté à l'insu des gardes du roi? S'ils le savaient, comment l'expliquer à leur décharge?

» On apprend des déclarations du sieur Lecointre et du sieur Mattereau, que, le premier ayant proposé d'exiger des gardes du roi qu'ils prêtassent le serment civique et qu'ils portassent la cocarde nationale, des citoyens qui avaient servi dans ce corps déclarèrent qu'on ne devait point en attendre cette condescendance. Quelles étaient donc les dispositions des gardes du roi avec lesquelles le serment civique et les couleurs de la nation ne pouvaient sympathiser? »Ne nous arrêtons pas à ces indices éloignés. Un grand spectacle est ouvert; les gardes du roi donnent des fêtes solennelles écoutons; la franchise et les écarts de l'ivresse peuvent laisser échapper leurs secrets.

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» Quelques témoins de l'information parlent du dîner du premier octobre pour en louer la décence. Tous les gardes du roi ouis protestent qu'il ne s'y passa rien de répréhensible.

» Pourtant le sieur Lefebvre dit qu'il vit dans les cours du château des soldats, des dragons, des gardes du roi jouant d'une manière peu convenable; que plusieurs personnes trouvaient cette scène indécente, et disaient à lui, déposant, avoir ouï cette soldatesque se répandre en propos

XXI.-Add. 1.

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injurieux contre le tiers-état, la cocarde et l'Assemblée nationale. Il ajoute avoir ouï dire qu'un nommé Leclerc, étant entre deux gardes du corps, avait crié vive le roi, la reine, au diable l'Assemblée nationale.

» Pourtant le sieur David sait que la cocarde blanche fut hautement proposée aux convives, et le sieur Lecointre qu'elle fut acceptée par le sieur Varin fils, qui la portait le 4.

>> Pourtant le sieur de Canecaude, garde du roi lui-même, convient que la musique exécuta le morceau ó Richard, ó mon roi, l'univers t'abandonne, dont la perfide allusion ne pouvait n'être pas sentie.

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Pourtant le sieur Lecointre, confirmant l'anecdote de la musique, ajoute qu'elle fut un signal auquel on escalada les loges, jeu significatif peut-être, dans lequel on s'essayait pour quelque plus grand effort.

» Pourtant le même sieur Lecointre déclare qu'on porta dans ce repas les santés du roi, de la reine, de M. le dauphin, de la famille royale, et que la nation ne fut proposée que pour être rejetée dédaigneusement.

» Le déjeuner du 3 jeta dans un brasier des matières combustibles. Le sieur de Canecaude ne dissimule pas qu'il y fut tenu des propos incendiaires; il les impute à un intrus portant l'habit de garde du roi sans l'être, et qui, étant observé, disparut.

» Les murmures passèrent de Versailles à Paris; il y eut 'un cri presque universel contre les gardes du roi, et ce soupçon vint, aux personnes qui expliquent les actions, que les gardes du roi avaient été dans les desseins de la cour des athlètes indiscrets, embouchant la trompette avant la victoire.

» Je prends encore M. d'Estaing à témoin : c'est dans un autre brouillon d'épître ayant la date du 7 octobre. Il avait été du premier dîner, et il convient que la santé de la nation y fût omise de dessein prémédité, qu'on lui avait dit formellement qu'on ne voulait pas boire à la nation.

>>

J'ajoute un billet du sieur Hiver à M. d'Estaing, du 3 octobre. Il y atteste qu'un homme ivre cria sur la terrasse, après le dîner, vive le roi, la reine, au f..... l'Assemblée nationale et le duc d'Orléans.

» La déclaration du sieur Lecointre et le billet du sieur

Hiver m'instruisent d'un fait qui ne dut pas contribuer à calmer les agitations. La reine avait donné des drapeaux à la garde nationale de Versailles; des députés lui témoiguèrent la reconnaissance des citoyens; la reine répondit; la reine ajouta : je suis enchantée de la journée de jeudi...; de cette journée que le peuple détestait.

Maintenant je ne dirai pas: il est prouvé que la santé de la nation fut rejetée, bien que le sieur Lecointre et M. d'Estaing en soient d'accord; que l'on envoya l'Assemblée nationale au diable, bien que le sieur Lefebvre, le sieur Lecointre et le sieur Hiver l'affirment ; que la cocarde blanche fut proposée, bien que le sieur David et le sieur Lecointre l'aient attesté; que l'orchestre s'étudia à des allusions dangereuses, bien que le sieur de Canecaude l'avoue, etc., etc.

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Mais je dirai les deux festins du er et du 3 octobre furent dénoncés au peuple comme des orgies coupables, et je ne recherche pas tant ce qui s'était passé en effet que ce qui en avait été dit publiquement.

» Le dessein d'amener le roi à Paris se joignit naturellement peut-être aux impressions diverses qu'avaient produites toutes ces circonstances. Depuis plus d'un siècle la capitale regrettait la présence de nos rois; elle n'avait pas perdu l'espoir de les posséder de nouveau. L'accomplissement de son vœu dépendait d'une occasion; elle se présenta, et on ne la perdit pas.

» Paris était menacé de la famine; peut-être dit-on au peuple que quand le roi y viendrait habiter la disette n'y serait plus à craindre; et ceux qui dirent cela connaissaient les cœurs français et cet amour confiant qui les lie à leur roi.

» Le peuple respirait, dans un nouvel ordre de choses, l'air nouveau pour lui de la liberté. Une conspiration était annoncée. Le peuple n'imaginait pas que son roi voulût l'abandonner; mais il pouvait lui être enlevé, mais l'éloignement du roi allait être le commencement de la guerre intestine. Le séjour du roi à Paris devait guérir toutes ces craintes. Si je ne vois pas que d'abord cette idée d'engager le roi à se rendre à Paris ait été générale, j'ai lieu de croire qu'elle était celle de plusieurs; qu'elle fut proposée, qu'elle fut applaudie dans la matinée du 6, et peut-être dès la veille, et surtout qu'elle ne fut pas due au hasard du moment.

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SIII. Maintenant, messieurs, vous auriez à choisir entre l'opinion qui veut lier à un complot profond l'événement qui vous occupe, et l'opinion moins cruelle qui l'attribue aux causes naturelles que j'ai déduites; mais vous n'êtes pas au

terme.

» J'aurais voulu épargner à votre sensibilité des détails affligeans; ils peuvent vous éclairer, et je vous les dois. Il y a de l'effet à la cause des rapports qui font juger de l'une par l'autre. Le caractère de l'insurrection naissante se décèle peut-être encore à son dénouement, et s'il y a plusieurs

routes pour aller à la vérité, il ne faut dans de si grands intérêts en négliger aucune.

» Un nom auguste fut prononcé par le peuple attroupé le 5 octobre au milieu des imprécations. Dispensez moi d'une énumération d'horreurs qui n'ajouterait rien d'utile à la vérité que je vous expose. Avant ce jour l'audace n'allait pas à cet excès j'entends des murmures; je ne rencontre pas des fureurs.

» Le trône est comme au fond d'un sanctuaire où le peuple tient de loin ses regards attachés; une sorte de croyance religieuse lui dit que là est déposé le pouvoir de le rendre heureux, et il adore, pénétré d'un sentiment dont il ne se rend pas

raison.

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>> Si cette croyance délicate est blessée, le peuple passe de l'adoration au blaspheme, et cette révolution tient à peu de chose: elle naît d'une erreur; un nouveau préjugé la produit. » La reine avait dit je suis enchantée de la journée de jeudi; des femmes avaient, presque sous ses yeux, attaché d'odieuses cocardes; l'habit national avait été à sa porte un titre d'exclusion; que sais-je! Mille riens, échappés sans doute sans dessein, sans importance, avaient pu être remarqués... Je vous confie mes timides conjectures.

»Je remarque que dans les emportemens de la multitude la reine est comme associée aux gardes du roi ; c'est à eux, c'est à elle qu'en même temps s'adressent ses grossières apostrophes.

»Je suis loin de penser cependant qu'un détestable assassinat ait été médité; quelquefois il vient à ma pensée que les gardes du corps eux-mêmes eussent été respectés si des incidens imprévus, si des fautes peut-être n'avaient provoqué une troupe farouche, qu'il eût été prudent d'apaiser même par des caresses.

» Parmi les femmes étaient, au dire de plusieurs témoins, des hommes déguisés sous les habits de ce sexe : des hommes déguisés me sont suspects sans doute; mais lorsque dans la matinée du 6 une partie de cette populace fit tomber sous ses coups plusieurs gardes du roi, et se porta vers le grand escalier, des hommes sans masque marchaient à la tête, et frappaient qu'avaient donc signifié les déguisemens?

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» Je sais que M. Diot entendit ou crut entendre une conversation abominable; je sais que M. Pochet eut des craintes pour la reine, et qu'il les communiqua à la dame Camelin ; je sais... Mais si les faits démentent les propos ?

» Or voici les faits tels qu'ils me paraissent prouvés.

» Les gardes du corps étaient en bataille sur la place d'armes; le peuple, tranquille, les considérait, et peut-être, par quelques

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