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bœuf, et referment; car peu après le roi frappe de nouveau pour se faire ouvrir. Il est probable que Rabel demeura dans l'œil-de-boeuf, et que dans le trouble où l'on était il crut ce qui n'était pas.

» A l'égard de Gallemand, il était dans la foule; il vit qu'un garde du roi fut terrassé, volé, et il se retira. Il pensa qu'on allait pénétrer, mais il ne put le voir. Il ne fait pas attention, lorsqu'il dit avoir vu, que selon lui-même la porte était fermée, puisque le garde du roi n'avait pu donner avis que par le trou de la serrure du danger auquel il croyait la reine exposée.

>> La vanterie de Boussard et le ouï-dire du sieur Duveyrier ne méritent pas qu'on s'y arrête.

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Quant à M. de la Châtre, je considère le moment et le lieu; je considère son inquiétude, mêlée de timidité et de respect un regard furtif le servit mal, et son imagination fit le

reste.

>> J'ai conjecturé; maintenant j'affirme.

>> Blaise Etienne, feutier de la reine, déclare qu'aucun de cette troupe n'entra jusque dans la chambre à coucher.

» La dame Augué, l'une des femmes de la reine, poussa un verrou, et je ne trouve point que cet obstacle ait été forcé. Bersy, valet de pied de la reine, et le sieur Bernard, cent-suisse, n'en disent rien, et leur silence vaut une dénégation expresse.

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» La porte que la dame Augué avait fermée fut ensuite ouverte; le sieur Gueroult de Berville, le sieur Gueroult de Valmet et le sieur de la Roque entrèrent chez la reine ; ils y trouvèrent le roi; ils y restèrent après lui: la preuve que les gens à piques n'y étaient pas, n'y allaient pas, c'est la présence de ces trois gardes.

volé

par

eux,

>> Enfin le sieur de Miomandre Sainte-Marie, baigné dans son sang, laissé mort par pour les gens à piques, et les suivant lorsqu'ils s'éloignèrent de ses regards inquiets, les vit passer dans la grande salle des gardes, et ne craignit plus pour la reine.

» Des bandits armés ne pénétrerent donc pas jusque dans l'appartement de la reine; l'asile de la beauté et de la majesté fut préservé de la profanation. Je respire; cette certitude me soulage; elle m'aide à continuer ma recherche.

» Nous allions à la découverte d'un complot dans les détails de l'événement qui pouvait en être la suite. Nous trouvons des excès, mais nous apercevons une impulsion immédiate qui peut avoir tout fait.

» Le 5 la fureur est provoquée par des coups de sabre.

Le 6 des meurtres la suscitent de nouveau: on crie ven

geance, et ceux qu'on accuse sont poursuivis; ils ne se montrent que pour être immolés; mais s'ils disparaissent tout change; la multitude, qui ne peut plus se venger, s'apaise, et le feu meurt faute d'alimens.

»Je ne veux pas conclure de là qu'il n'y a point eu de complot; mais je dis que l'événement ne m'en présente aucun vestige, et même je crois avoir déduit au moins quelques raisons d'en douter.

» Il est temps que, revenant sur nos pas, nous sachions ce ! que nous avons fait au milieu d'une longue carrière; on a besoin de se retourner et de mesurer des yeux l'espace que l'on a parcouru.

» Nous avons énuméré des faits et des bruits qui nous ont rappelé le mois de juillet et des efforts généreux.

» Des bruits, des rapports plus rapprochés du mois d'octobre, quelques récits ridicules, la fable grossière de Marguerite Andel, quelques faits de peu d'importance, souvent étrangers à notre examen, nous ont ensuite occupés; ils laissent à peine dans la pensée cette première surprise où je dirais que le soupçon cominence à poindre.

» Mais nous avons recueilli le fait de Blangez, celui du chasseur désespéré, les conversations entendues par M. Diot et par M. Baras; le propos ouï par le sieur de Rosnel, le 5 octobre, qu'il y avait ordre de rester; l'avis donné au sieur Leclerc d'un signe de ralliement porté sur la manche; enfin les distributions d'argent.

» Ces faits, isolés les uns à l'égard des autres, se répondent cependant vers un centre commun, qui est le complot qu'ils supposent; ensuite on descend au fait sans peine, où ils semblent se remontrer encore comme dans leur consé→ quence.

>> Admettez un complot, et vous verrez que Blangez et le chasseur ont été choisis, tentés, séduits pour en être les complices; que les conversations entendues s'y enchaînent; que les femmes attroupées ont ordre de rester pour l'exécuter; que les conjurés se reconnaissent à la manchette déchirée, et que les distributions d'argent supposent des chefs puissans qui ont acheté des scélérats.

» Admettez un complot, et l'argent distribué vous montrera le moyen d'une catastrophe préparée. Blangez et le chasseur seront des moyens secondaires qui auront manqué, et enfin, le temps ou l'occasion d'exécuter arrivant, les conversations nocturnes et l'ordre de rester seront les dernières mesures qui s'enchaînent avec les circonstances; car on restera selon l'ordre prétendu, et l'on semblera n'être resté

que pour donner l'affreux spectacle qui commencera la journée suivante.

» Or ce qui se lierait si parfaitement et à un complot et à l'exécution donne nécessairement sur le complot même quelque chose de plus que des indices pressans; et alors les bruits, les ouï-dire, tous les indices éloignés auxquels on a cru d'abord ne devoir pas s'arrêter revivent avec quelque force. » D'un autre côté cependant vous croyez avoir saisi l'explication naturelle de tout l'événement.

» Alarmé pour sa subsistance, alarmé pour sa liberté, menacé de l'éloignement de son roi et du fléau de la guerre intestine, le peuple s'émeut, et cherche à se rassurer; et puis des incidens malheureux se succedent; ils amènent des horreurs qui peut-être n'avaient pas été méditées.

» On s'arrête avec complaisance à cette idée; on se porte avidement à tout ce qui la favorise; on voudrait qu'elle fût vérifiée; une réflexion la détruit, une autre la ramène à l'esprit inquiet.

» D'habiles conjurateurs auraient pu se couvrir de toutes ces apparences, avec leurs trésors disposer des subsistances, avec leurs agens calomnier la cour et les gardes du roi. Le peu. ple aveugle aurait eu des motifs; l'artifice dont ils auraient été le chef-d'œuvre lui eût échappé.

>> Par une fatalité qui appartient à cette affaire, on ne quitte cette conjecture que pour passer à une conjecture opposée.

» Les ennemis du peuple ne cherchaient-ils point dans leur astuce à l'égarer, à l'employer comme l'instrument de sa propre ruine, et le dessein d'enlever le roi n'avait-il pas besoin de quelque désordre au milieu duquel le prince, trompé luimême, fût livré à une faction qu'il aurait méconnue?

» Vous n'apercevez encore que des nuages.

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Suspendez votre jugement; il sera temps de le former lorsque vous aurez apprécié les charges dans leurs rapports particuliers avec le rôle que M. Mirabeau et M. d'Orléans ont pu jouer dans ces événemens.

SECONDE PARTIE.

Charges contre M. de Mirabeau et
M. d'Orléans.

» Un complot a pu exister sans que vos deux collègues y aient eu part; mais les crimes du 6 octobre, réduits à des assassinats, ne peuvent être les leurs. S'ils ont contribué à ces assassinats, il y avait un complot. A leur égard l'un est lié à l'autre, et tel est l'intérêt de notre recherche actuelle qu'elle

peut déterminer même le résultat de celle qui nous a d'abord occupés.

>>

J'appelle premièrement votre attention sur les charges qui affectent M. Mirabeau.

» Je laisse de côté tout ce qui remonte à cette époque précieuse où le retour à la liberté consacra tous les efforts qui furent faits pour elle; je ne parle ici ni des opinions soutenues dans l'Assemblée nationale ou entre ses membres 7 ni des pressentimens communiqués à Blaizot et à l'hôtel de la

Reine.

» J'excepterais le propos tenu à M. Mounier si la déposition de M. Mounier n'en démentait le rapport.

» Un témoin a dit que M. Mirabeau entretient des liaisons suspectes; il a désigné trois personnes; elles ne sont plus désignées après lui dans l'information; ce n'est qu'un vain propos.

» Le 5 octobre arrivé, le peuple de Paris est annoncé à Versailles; M. de Mirabeau donne au président de l'Assemblée nationale en secret le conseil de se trouver mal pour rompre séance, et aller tout de suite chez le roi.

la

» Je suis d'autant plus embarrassé de l'importance qu'on donne à ce conseil, bon ou mauvais, de rompre la séance et d'aller chez le roi, qu'on ne tarde pas d'interpréter mal, dans des circonstances qui ne different pas beaucoup, le conseil de ne pas aller chez le roi; or si ce fut une trahison en dernier lieu de s'opposer à ce qu'on allât chez le roi, il semble qu'en premier lieu la proposition d'y aller ne fut pas une trahison.

» On dit que dans la soirée M. de Mirabeau fut vu dans les rangs ou derrière les rangs du régiment de Flandres, portant un sabre nu, et parlant aux soldats.

» Supposant M. de Bouthillier, le lieutenant-colonel entendit assez pour s'être porté à quelque extrémité s'il avait été plus maître de sa troupe.

» Le sieur Miom andre-Sainte-Marie va jusqu'à rapporter, d'après M. de Valfond, ce que disait M. de Mirabeau : << Mes amis, prenez garde à vous; vos officiers et les gar» des du roi ont formé une conspiration contre vous; les gardes du roi viennent d'assassiner deux de vos camarades » devant leur hôtel, et un troisième dans la rue Satory; je suis ici pour vous défendre. »

>>

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» Voilà M. Mirabeau jouant le rôle de don Quichotte, transformé en visionnaire, qui pense qu'à l'ombre de son sabre des régimens n'ont aucune offense à redouter. Or je connais peu M. Mirabeau; mais il me semble que ces visions ne sont pas son fait.

» Je prends la déposition de M. Valfond, et je vois qu'entre lui et M. de Mirabeau tout se réduisit à cette conversation: Vous avez l'air d'un Charles XII, dit le premier. - On ne sait, répond l'autre, ce qui peut arriver.

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» Ce n'est pas tout. Le sieur de la Morte déclare qu'un officier d'infanterie lui a dit que l'homme vu dans les rangs du régiment de Flandres était M. de Gamache; il ajoute que celui-ci ressemble de figure à M. de Mirabeau.

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De plus M. de Bessancourt a déposé qu'il vit un homme en redingote, de la taille de cinq pieds sept à huit pouces, lequel portait un sabre nu, et disait être le comte de ***. Ces trois étoiles vous surprennent dans une information où l'on cherche les noms comme les choses; quant à moi, je remarque que la taille énoncée n'est pas celle de M. Mirabeau.

» Il se pourrait donc que la personne vue armée d'un sabre nu ne fût pas M. Mirabeau ; mais, quelle qu'ait été cette personne, il n'y a rien à dire si le discours rapporté par le sieur de Miomandre n'a pas été fait, et puisque personne ne l'a entendu, il ne reste qu'une promenade indifférente.

» Le sieur Thierry de la Ville vit des membres de l'Assemblée nationale se trouver à la rencontre des femmes sortant de chez le roi, et leur crier courage et liberté; dans ce nombre il crut reconnaître M. Mirabeau. J'observe d'abord l'incertitude du témoin, et ensuite que dans ce moment il n'y avait aucune raison de ne pas applaudir au peuple, qui était venu exposer ses besoins et ses craintes, et qui n'avait annoncé aucun dessein hostile.

» M. Deschamps, allant au château dans la nuit, entendit des femmes crier: Où est notre comte de Mirabeau, nous voulons notre comte de Mirabeau.

» Partout ailleurs que dans une information je prendrais cela pour une mauvaise plaisanterie.

>>

Mais le même M. Deschamps, en cela d'accord avec M. Henry, m'apprend que quelques instans après, comme ces femmes introduites dans la salle de l'Assemblée nationale y mettaient le trouble, ce fut M. Mirabeau qui les gourmanda vivement.

» Le second fait ne permet plus les interprétations mystérieuses du premier.

» Deux soldats parisiens arrêtent dans la nuit un citoyen de Versailles pour lui demander où est l'habitation de M. de Mirabeau. Vous allez penser que ces deux hommes cherchent M. Mirabeau, et sont des émissaires ou des complices; c'étaient un avocat et un tapissier, et l'un des deux

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