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déclare qu'il a l'honneur d'être l'ami intime du valet-dechambre de M. Mirabeau.

» Vous ne désirez pas une glose sur ce passage.

>> Le lendemain 6, M. de Mirabeau fut vu par le sieur Gallemand caché avec d'autres membres de l'Assemblée nationale derrière les rangs du régiment de Flandres. Alors la fatale scène était passée, et je ne concevrais pas M. de Mirabeau se cachant quand il n'y avait assurément aucune raison de se cacher.

» M. de Mirabeau vous proposa une adresse aux provinces pour les rassurer sur un événement dont il était à craindre qu'on ne leur fit des récits divers et menteurs. Il ajouta qu'il fallait apprendre aux Français que le vaisseau de l'Etat allait avancer plus rapidement vers le port.

» M. Madier a grand soin d'assurer qu'il rapporte fidelement les expressions de l'orateur, et le Châtelet souligne ; et moi je cherche le mystère; mon intelligence est mise à la torture, et je ne vois pas ce que cette tournure oratoire cèle d'important et de suspect.

s'était

» Voici un apophthegme recueilli par le sieur Peltier. M. de Mirabeau, parlant de ce qui venait de se passer, s' exprimé ainsi le peuple a besoin quelquefois qu'on lui fasse faire le saut du tremplin.

» Je vois bien ce qu'on peut, en quintessenciant ce propos, en tirer de parti pour un commentaire; mais pour fonder une accusation il n'est pas besoin d'aller si loin; et puis personne n'a entendu le propos; le sieur Peltier a ouï dire seulement.

» M. de Mirabeau et M. d'Orléans sont prévenus d'une trame commune. Je vais vous faire part des seuls faits dans lesquels l'information les réunisse.

»M. d'Orléans était déterminé à passer en Angleterre. M. de Mirabeau, pour l'en détourner, lui dit qu'on n'avait contre lui que des indices, et que son départ allait produire des preuves : c'est encore un ouï-dire du sieur Peltier.

» Apparemment le conseil de M. de Mirabeau avait été goûté; mais pour retenir M. d'Orléans on avait pensé qu'il fallait le dénoncer à l'Assemblée nationale, et M. de Mirabeau s'en était chargé. Le jour était pris, la séance était ouverte, lorsque M. de Mirabeau reçut une lettre de M. d'Orléans, qui lui mandait : J'ai changé d'avis; ne faites rien; nous nous verrons ce soir.

» C'est le docteur la Fisse qui a ouï dire cela.

>> Or non seulement M. de Mirabeau ouvre et lit la let

tre de manière que quelqu'un placé derrière lui peut la lire aussi, de plus il la fait passer à l'un de ses voisins, qui sans doute était dans la confidence; de plus il s'exhale en reproches peu discrets, qualifiant rudement le personnage qui lui avait écrit, en ajoutant: il ne mérite pas la peine qu'on s'est donnée pour lui.

» Le sieur Peltier et le docteur la Fisse ont ouï dire, et je m'étonne que ce qui s'est passé dans le sein de l'Assemblée nationale avec si peu de réserve ne nous parvienne que par des rapports.

» Au milieu de l'ennuyeuse monotonie de ces anecdotes, votre impatience me demande si je n'arriverai pas enfin à de plus graves récits; vous m'accusez de m'appesantir sur des riens, et de retarder par une vaine prolixité une délibération importante. Hé bien, j'ai tout dit; voilà l'énumération complète et fidèle des charges que j'ai péniblement cherchées contre M. de Mirabeau.

» Je n'entends pas prévenir ici le jugement de l'Assemblée nationale; je ne dis pas que ces charges, bien que très légères à mon sens et au premier coup d'œil, ne méritent aucune attention: souvent on a vu les plus faibles indices marquer de loin les traces de la vérité, et y conduire enfin. Nous jugerons quand nous aurons un ensemble.

» Arrêtons cependant quelques points principaux : la promenade dans les rangs du régiment de Flandres, et l'accord que supposent entre M. de Mirabeau et M. d'Orléans ces conseils sur le départ du premier et le dessein d'une dénonciation bientôt abandonnée, voilà ce qui peut faire croire que M. de Mirabeau eut part à un complot. Il n'y a de ceci que des ouï-dire; mais des ouï-dire qui se répondent ainsi peuvent faire quelque impression.

>>

Quant à l'affaire isolée du 6 octobre, le sabre nu dont on prétend que M. de Mirabeau était armé la veille peut être un indice, mais il est le seul.

» Venons à M. d'Orléans.

» La première partie de mon rapport vous a présenté une énumération de bruits divers et de faits qui ne durent pas attacher vos regards.

» Je vous rappellerai le chasseur ivre et désespéré qui, sur les questions du sieur de Miomandre, nomma M. d'Orléans, et le même nom échappé dans la conversation qu'entendit M. Diot. Je vous rappellerai encore ce conseil de ne pas partir pour l'Angleterre donné par M. de Mirabeau, et ce projet avorté de dénonciation.

» Je m'arrête à ces distributions d'argent faites aux sol

dats, faites au peuple, et que des indices multipliés, quelquefois pressans, semblent constater.

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Simple interprète de la procédure, je crains d'abord de me livrer à des conjectures qu'elle ne m'offre pas expli

citement.

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» Elles sont au moins indiquées par le sieur Peltier, qui suppose que M. d'Orléans a fait une dépense énorme et par le chasseur du sieur de Miomandre, qui, suivant le sieur de Rebourceau, avait reçu de l'argent.

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Marguerite Andel reçoit un passeport miraculeux avec lequel elle doit pénétrer jusqu'à M. d'Orléans, et quand elle l'aura vu elle sera riche. Rien n'est extravagant comme la déposition de cette femme si elle fut de bonne foi; rien n'est plus grossièrement fourbe si elle jouissait de ses sens et de son entendement. On ne discute pas des témoignages de ce genre.

» La déposition de M. de Frondeville demande un instant vos regards.

» Il vit M. d'Orléans, le 2 ou le 3 octobre, descendant de sa voiture, qu'une grande foule suivait, et, entrant dans l'Assemblée nationale, il remarqua quelque chose qui paraissait peser dans la poche droite du frac de M. d'Orléans ; il pensa que c'était un sac d'argent; il observa de façon à pouvoir s'en assurer, et vit très distinctement le sac tomber dans la basque droite de l'habit par une ouverture faite à la doublure, et la tête du sac répondre dans la ceinture de la culotte, à laquelle elle était attachée. Il vit M. d'Orléans dans cet état durant deux jours de suite; et auparavant il n'avait rien vu de pareil.

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» Il semble que le témoin a dit à M. d'Orléans : arrêtezrenversez votre poche, soulevez la basque de votre habit, découvrez votre ceinture, et que ce plaisant exercice a recommencé le lendemain.

» Et le témoin ne sait pas même si le sac contenait en effet de l'argent; il n'en a vu faire aucun usage: le même volume s'est conservé durant deux jours. Après tout il était permis à M. d'Orléans de porter un sac d'argent, de l'attacher à sa ceinture, de percer la doublure de sa poche, et puisque tout cela pouvait se voir très distinctement, il en fallait peutêtre conclure qu'il n'y avait rien de suspect.

» Je fais une réflexion. M. de Frondeville observe, dit-il... Il avait sans doute quelque motif d'observer; il attachait quelque importance à ce qu'il voyait; il en tirait quelque induction. Comment ne communiqua-t-il sa remarque à personne ? comment demeura-t-il le seul témoin d'un fait qui

XXI.-Add. 1.

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lui parut aussi singulier, et eut-il durant deux jours entiers la patiente discrétion de garder sa découverte pour lui?

>> Je vous dis sans déguisement, non sans une sorte de peine et d'embarras, ce qui se présente à mon esprit attentif dans la recherche de la vérité : tout ménagement est une dissimulation, toute dissimulation serait un mensonge.

On prétend que le jardin du Palais-Royal était le théâtre des distributions, le lieu d'adresse du distributeur Qtel.

» Les distributions et le distributeur sont une étrange chose; je ne sais de plus singulier que l'argent jeté par les fenêtres, et qu'ont déclaré le sieur Duval sur la parole du sieur de la Morte, et le sieur de la Morte sur la parole du sieur Duval.

>> Les distributions du Palais-Royal fussent-elles bien avérées, peut-être faudrait-il, pour compromettre M. d'Orléans, remonter jusqu'à lui, et je ne trouve pas le chemin qui conduit jusque là.

» Si des millions sont venus de Hollande, je ne vois pas qu'ils aient passé dans les mains de M. d'Orléans; si de grandes sommes ont été distribuées, je ne vois pas qu'elles aient été répandues par lui; et, l'information à la main, je dois penser peut-être que ces faits lui sont étrangers.

» Le sieur Peltier a ouï dire que M. d'Orléans fit appeler les gardes du Palais-Royal pour leur faire l'histoire du dîner du premier octobre, et leur recommander de la rendre publique. Pourquoi les gardes n'ont-ils pas été produits pour confirmer un oui-dire qu'il était si aise de vérifier? Cette charge particulière aurait été de quelque conséquence.

» Le sieur Peltier a ouï dire encore qu'un grand nombre de courriers avait couvert les routes de la part de M. d'Orléans; M. de Bouthillier vit dans la nuit du 5 au 6 octobre deux hommes à cheval arriver de Paris à Versailles, et entrer dans la maison de M. d'Orléans, et successivement un autre homme à cheval partir de cette maison et aller vers le château; mais en soi des courriers ne sont pas suspects; c'est la mission qui caractérise la course, et ce que vit M. de Bouthillier pouvait n'être qu'un mouvement indifférent. » Quittons un moment M. d'Orléans pour parler de ses enfans.

Le sieur de Raigecourt était auprès d'eux le 5 octobre, assistant à l'Assemblée nationale dans la tribune des suppléans. La réponse du roi à la Déclaration des Droits donnait lieu à des débats; le sieur de Raigecourt entendit ou crut entendre à côté de lui M. de Chartres et M. de Barbantane, qui était avec lui, dire qu'il fallait encore des lanternes, expressions qui furent répétées.

» Je dis ou crut entendre, car on m'a assuré que le sieur de Raigecourt est extrêmement sourd, et je vois que M. de Barbantane lui en fit le reproche.

» M. de Beauharnais cependant entendit aussi ce propos, mais il ne l'entendit qu'une fois, et il put attribuer à M. de Chartres ce qui était la fin de la querelle et des explications qu'on donnait au sieur Raigecourt.

>> De ce fait au reste, fût-il bien constaté, il y aurait de chose à conclure.

peu

» Je retourne à M. d'Orléans, et je vais le suivre pendant le 5 et le 6 octobre.

» Je lis d'abord l'exposé que M. d'Orléans a publié de sa conduite, page 17.

« Il n'y avait pas d'assemblée le dimanche 4, et j'étais parti » pour me rendre à Paris. J'étais dans l'intention de retourner >> le lundi matin à Versailles; mais je fus retenu par le travail

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qu'avaient à faire avec moi quelques personnes de ma » maison. J'appris successivement pendant ce jour l'efferves» cence qui régnait dans Paris, le départ pour Versailles. Je »> ne sus d'ailleurs rien de ce qui se passait à Versailles jusqu'au lendemain matin, que M. le Brun me fit éveiller. Le » même jour, vers huit heures du matin, je me mis en route » pour me rendre à l'Assemblée nationale. Tout me parut tranquille jusqu'à l'entrée du pont de Sèvres; mais là je >> rencontrai les têtes des malheureuses victimes de la fureur » du peuple. Entre Sèvres ét Versailles je rencontrai quelques >> charrettes chargées de vivres, et escortées par un détache»ment de la garde nationale. Quelques uns des fusiliers pensèrent que ma voiture ne devait pas passer ce convoi: » mon postillon était anglais, et ne savait pas un mot de français; il écoutait sans comprendre, et continuait son chemin. Un des fusiliers le mit en joue à bout portant, et tira » son coup de fusil, qui par bonheur ne partit point. L'officier » accourut, réprimanda le soldat, ordonna qu'on me laissât » passer, et me donna deux hommes à cheval pour escorte. Je » sortis sur le champ de chez moi pour me rendre à l'Assem» blée nationale; je trouvai une partie des députés dans » l'avenue; ils m'apprirent que le roi désirait que l'Assemblée » se tînt dans le salon d'Hercule. Je montai au château, et » j'allai chez sa majesté. J'appris ensuite que l'Assemblée se » tiendrait dans la salle accoutumée, et j'y revins. »>

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» Vous avez entendu la version de M. d'Orléans ; vous allez juger de celle de l'information.

»M. de Foucaud était à Paris le 5; il sortit à la pointe du jour; il rencontra M. d'Orléans au boulevart Saint-Honoré,

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