Slike stranica
PDF
ePub

finissait d'ordinaire par combiner sa réponse avec les volontés du monarque. Les requêtes du peuple se présen*taient à genoux ; elles contenaient presque toujours des plaintes assez vives, mais auxquelles on se croyait dispensé de faire droit; il paraissait suffire d'en avoir permis l'émission. De vieux historiens comptent jusqu'à cent cinquante tenues de ces assemblées ; quelques unes seulement méritent d'être, mentionnées.

Philippe-le-Bel convoqua le premier des Etats géné– raux, en 1302, pour repousser, au nom de la nation, les entreprises de Boniface VIII contre l'autorité royale. On y voit les députés des villes, ensemble barons et évêques, déclarer, « si que tout le monde le sache, que » le pape Boniface erra manifestement, et fit péché mortel >> notoirement en mandant par lettres bullées, audit roi >> Philippe qu'il était souverain de son temporel; suppliant très noble prince notre sire de garder lå souve>> raine franchise de son royaume, etc. »

Les Etats de 1314 consacrèrent comme une loi imprescriptible cette tradition, existante avant eux, qui établit qu'aucuns deniers, tailles et impôts ne doivent être levés sans nécessité urgente et sans consentement de la nation assemblée ; et Louis X s'engagea, pour lui et ses successeurs, à respecter cette délibération.

Aux Etats généraux de 1355, sous le roi Jean, après que les gens d'église, les nobles et les gens des bonnes villes eurent été entendus, chaque ordre par la bouche d'un de ses membres, « sur ce que les deniers du peuple » avaient été pris ou mal administrés, il fut ordonné » que nul trésorier ou officier du roi n'auraient la charge, >> direction et maniement de ces deniers; mais que les >> trois Etats commettraient certains personnages, bons, >> honnêtes et solvables, pour en être les ordinateurs, » selon les instructions qui leur en seraient prescrites. Et qu'outre ces commissaires généraux ils éliraient encore

[ocr errors]
[ocr errors]

» neuf particuliers, trois.de chaque ordre; desquels les » trois du clergé jugeraient les ecclésiastiques, les trois >> nobles ceux de leur qualité, et les trois roturiers ceux » de condition roturière; et au cas que l'on appelat » d'eux, on aurait recours aux députés généraux, qui » jugeraient en dernier ressort. Le roi jura de ne faire » employer à autre usage Jes deniers du peuple que pour >> le fait de la guerre, comme aussi ces députés généraux » jurèrent sur les saints Evangiles qu'ils ne les converti» raient ailleurs, nonobstant quelques mandemens qu'ils » en eussent du roi. Et s'il advenait que, sous ombre de quelques impétrations, les officiers du roi les voulussent » contraindre d'intervertir en autre usage ces deniers, » permis aux députés généraux de s'y opposer par voie de fait, voire d'implorer tout confort et aide des bonnes >> villes à cet effet, etc. »

[ocr errors]

Les Etats de 1356, 1357, 1358 et 1359, convoqués dans des temps de troubles et de calamités, montrent que le peuple avait le sentir, ent et l'énergie de ses droits, mais qu'il manquait de la persévérance et des lumières nécessaires pour les exercer. Il y perdit tous les avantages que lui avaient obtenus ceux de .1355, et ses plus dévoués mandataires furent poursuivis comme des factieux. Aux Etats généraux de 1382 et 1383, à ceux d'Orléans et de Blois, et même dans plusieurs de ces assemblées de notables qui avaient forme d'Etats, on voit encore les députés du peuple arriver pleins de courage, et munis de cahiers, de déclarations qui reproduisent dans toute leur pureté les droits de la représentation nationale : l'amour de la liberté y prend quelquefois un ton qui de nos jours pourrait bien être qualifié de séditieux. Mais les violences du pouvoir, les intrigues du privilège, les inspirations du fanatisme, ruinent incessamment l'autorité, le respect de ces assemblées, et les organes du peuple, fatigués ou séduits, dépouillent leurs

honorables fonctions en abandonnant au trône et leurs personnes et leurs biens. Henri IV, qui parlait une langue également inconnue aux despotes et aux sujets, trouva de la rigueur dans les Etats de Saint-Ouen (en 1596). « Je viens, leur dit-il, demander vos conseils, les croire et les suivre, me mettre en tutèle entre vos mains. » Les Etats prirent à la lettre le discours du bon Henri; ils lui imposèrent une tutelle à laquelle il consentit, et dont Sully le fit triompher avec autant de probité que de gloire. Enfin, des Etats généraux reparurent en 1614, sous Louis XIII: on en espérait beaucoup, parce qu'ils s'annonçaient avec une sorte d'éclat ; ils se passèrent en lectures de cahiers, en procès-verbaux, en disputes de préséance; on les congédia sans leur rien accorder, et ils n'ont laissé de souvenir que dans des pamphlets..

La représentation nationale, que nous avons montrée impérissable, quoique enchaînée, ne s'exprimait plus dans ces assemblées. Où s'était-elle réfugiée ? Dans les cours suprêmes de justice, et pour ainsi dire à l'insu des peuples, et malgré les rois. Les grands de l'Etat exercèrent longtemps l'autorité et la présidence dans les parlemens; mais ensuite ils se contentèrent du droit d'y assister et d'y prendre les places d'honneur. Incapables dans les affaires, et d'ailleurs entraînés par le goût des armes, ils favorisèrent eux-mêmes les empiétemens successifs des clercs et laïcs, des maîtres et licenciés en droit; et ceux-ci, qui s'étaient rendus nécessaires, finirent par se rendre redoutables. Ils s'incorporèrent aux barons; ils obtinrent des dignités, des titres; enfin, Charles VI ayant établi la permanence des parlemens, ils parvinrent à juger seuls et souverainement même des pairs, à décerner les régences, à casser les testamens des rois, à se placer audessus des Etats généraux, à se faire écouter comme les mandataires du peuple, tour à tour dévoués ou rebelles à l'autorité du trône, ennemis ou protecteurs des grauds,

( 1*)

(xvij )

pas

les

flatteurs de l'opinion publique s'ils n'en étaient idoles. Instituées et organisées comme corps judiciaires, ces cours n'avaient aucuns droits politiques; elles se sont arrogé ceux de la puissance législative et de la représentation nationale. L'enregistrement des édits, que souvent elles nommaient sanction, n'était pas plus légal que l'exercice des remontrances.

Un conseiller du temps de Philippe-le-Bel avait tenu, pour son usage particulier, une note ou souvenir des anciens édits, ordonnances, arrêts, etc. Ce registre, tombé entre les mains d'autres conseillers, fut continué sur le même plan, et consulté par les hommes de loi, par les ministres, par les rois eux-mêmes, qui avaient perdu leurs chartriers. De là l'usage s'établit de, déposer une copie des actes de l'autorité au greffe du parlement, considéré comme un dépôt d'archives; et cet usage devint plus fort qu'un droit. Les parlemens se crurent autorisés par la suite à exiger ou à refuser l'enregistrement, et même à l'accompagner d'un vote, d'une restriction. Enfin, cette simple formalité acquit avec le temps une telle consistance, que les Etats généraux de Blois essayèrent de la consacrer par ces mots, insérés dans une instruction : « Il faut que tous édits soient vérifiés et comme contrôlés ès cours de parlement, lesquelles, combien qu'elles ne soient qu'une forme des trois états raccourcie au petit pied, ont pouvoir de suspendre, modifier et refuser lesdits édits. »

par

Quant aux remontrances, elles datent du plus ombrageux des despotes, de Louis XI. Feignant de s'entourer des lumières de gens instruits, ce prince avait demandé au parlement son avis sur quelque matière religieuse. Le lement lui remit un mémoire intitulé: « Remontrances touchant les priviléges de l'église gallicane. » Le mot passa, sans doute en faveur de cette phrase: «En obéissant come de raison au bon plaisir du. roi notre sire, etc. »

XI.

Add. I.

1

Et les parlemens firent depuis des remontrances sans y

être invités.

Les rois ou leurs ministres se rappelaient de temps à autre que l'autorité des parlemens n'était que le résultat de leur faiblesse et de leur incurie. Alors ils venaient en personne ordonner les enregistremens; ils couvraient de mépris les plus sages remontrances; ils réprimandaient les conseillers les plus intègres; ils les chassaient, les exilaient. Les parlemens se reformaient d'abord dociles, et restreints aux soins de la justice; puis les traditions, T'habitude, les ramenaient bientôt à leurs antiques et salutaires usurpations, souvent légitimées par la reconnaissance nationale. L'histoire de l'autorité des parlemens est féconde en foliés tristes ou ridicules; c'était le malheur des temps; mais on leur doit d'éternelles actions de grâces pour avoir constamment opposé le respect de la fortune. publique et la puissance de l'instruction aux despotismes réunis de l'épée et du sacerdoce.

Ainsi, dans l'abaissement et l'oubli des Etats généraux la voix publique sortait encore du sein même d'une usurpation, et le pays, sans avoir confié de mandats, trouvait des mandataires où le pouvoir n'avait vu que des instrumens. Il est donc vrai que les plus longs efforts de la tyrannic ne peuvent étouffer entièrement la représentation nationale. Ne serait-elle légitime que lorsqu'elle est constituée? Pour l'historien, la loi c'est le vœu du peuple, qui s'échappe incessamment par toutes les bouches que l'intérêt et les besoins du despotisme ne lui permettent pas d'enchaîner. La seule harangue l'un maire de village honnête homme suffirait pour accuser l'oppression, pour honorer les droits d'un peuple, et pour justifier ses annales.

Le véritable historien des Français ira donc chercher les votes et les protestations de ce peuple partout où sa voix s'exprime. Il l'entendra libre quelquefois dans les premiers

« PrethodnaNastavi »