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Sur la Servitude et l'Affranchissement du Paysan Danois. Lu, le 21 mai 1813, à la troisième Classe de l'Institut, par M. T. C. BRUUN NEERGAARD.

Il y a quelques années que son Excellence

feu M: de Dreyer, ambassadeur de Danemarck, en France, lequel m'honoroit de son amitié, me pria de lui procurer quelques renseignemens sur l'ancien état du Paysan Danois. Je me mis aussitôt au travail; et, sans m'en apercevoir, je vis cet Essai éclore sous ma plume. Ce fut avec grand plaisir que je saisis alors l'occasion de traiter un sujet d'autant plus agréable pour moi, qu'il regardoit une classe d'hommes qui m'inspire toujours le plus vif intérêt.

Leur art est le premier; il nourrit les mortels :
Dans l'enfance du monde, il obtint des autels.
Thomas, Epitre au peuple.

En parlant des Paysans Danois, j'y comprendrai aussi ceux de la Norwège; ces deux pays ayant toujours été réunis dès l'âge le plus reculé. Dans les plus anciennes lois danoises, il est de même question de la

Suède, parce qu'une grande partie de ce royaume dépendoit autrefois du Danemarck. Dans cet Essai, il ne sera pas question du Paysan de Holstein.

Dans les temps les plus reculés, le titre de Paysan, ou, pour parler plus exactement, celui de cultivateur, fut très-honoré en Danemarck. La noblesse n'avoit alors aucune influence, et encore moins l'état ecclésiastique. Le Paysan étoit consulté pour l'établissement des lois et des impôts; il avoit même le droit de prendre part à l'élection de son Roi. Le goût dominant de ces cultivateurs les porta vers la chasse et les armes. De là vint que n'ayant pas le temps de s'occuper eux-mêmes de la culture des terres, ils la confièrent à des Serfs (Traelle). Il en fut de même dans tous les Etats de l'Europe. L'esclavage domestique proprement dit n'existoit pas en Danemarck; et le genre d'esclavage qui y régnoit, étoit plus supportable que dans les autres pays. Les ténèbres qui entourent l'histoire ancienne du Danemarck nous empêchent de connoître au juste l'époque à laquelle l'esclavage proprement dit a commencé. On ignore également dans quel temps il a cessé.

L'excellent ouvrage du secrétaire Mandix sur les lois agricoles du Danemarck, Tome III. Juin 1813.

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me servira de guide dans mes recherches sur la servitude et l'affranchissement de nos Paysaus. Je ne m'arrêterai pas à parler en détail des lois qui ne peuvent intéresser que les habitans du pays pour lequel elles ont été faites. Je tâcherai de rapporter les faits qui mettront le plus facilement les lecteurs en état d'en concevoir les causes et les effets.

Un homme libre pouvoit devenir esclave par suite de crimes; lorsqu'il étoit fait prisonnier; lorsqu'il se rendoit lui-même esclave. Cette dernière classe d'esclaves fut regardée comme inférieure aux autres. Il paroît même qu'un débiteur pouvoit devenir l'esclave de son créancier, et que nos ancêtres étoient assez inhumains pour changer en esclavage même l'état des naufragés. La naissance rendoit esclave tous ceux qui avoient pour mère une personne née dans cette malheureuse classe. Tout ce que l'esclave gagnoit appartenoit au maître; il s'ensuivoit naturellement qu'il ne pouvoit ni hériter, ni être curateur. Il paroît cependant, d'après une ancienne loi de la Norwège, que quelquefois le maître laissa à son esclave une partie de ce qu'il avoit gagné. Si un esclave étoit tué, on étoit obligé de payer au seigneur la somme de trois marks, et

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davantage, lorsque douze personnes affirmoient par serment que la victime en valoit plus. On payoit moins lorsqu'il n'étoit que blessé. Le Seigneur, en revanche, étoit obligé de payer pour les délits de son esclave, ou de le mettre à la disposition de celui qu'il avoit offensé. On pouvoit chercher son esclave partout, même même presque dans la cour du palais du Roi, ou de l'archevêque. On pouvoit le vendre ou lui rendre sa liberté. Aucune loi ne donne directement le droit de vie et de mort sur un esclave; il paroît cependant que ce droit a existé, à en juger par le sens de quelques autres lois. Il suit naturellement du sort qu'avoient les esclaves qu'ils n'étoient pas admis à l'état militaire. Le Roi pouvoit garder un esclave, ou lui rendre sa liberté, si un Seigneur l'envoyoit à une expédition quelconque. La servitude, comme nous venons de le voir, ne cessoit que par la mort, ou par une lettre de franchise. Cette lettre ne le rendoit pas tout-à-fait libre: le maître, ou une autre autre personne, obligé de répondre pour lui, et de s'engager par serment à payer l'amende. Ces personnes avoient en revanche le droit de se faire payer les amendes qu'on devoit à l'esclave. Pour avoir tué un esclave affranchi, on ne

étoit

payoit que la moitié de ce qu'on pavoit pour un homme qui avoit toujours été libre. Il y avoit cependant une exception, lorsque l'esclave l'étoit devenu par suite d'un délit, ou après avoir été fait prisonnier de

guerre.

L'esclavage fut aboli, ou du moins adouci par la loi d'Uplande de 1295, portée par le roi Birger, en Vestre-Gothie, et, dans les autres provinces de la Suède, par le roi Magnus Ericksen en 1335; on croit qu'il fut aboli dans le Danemarck proprement dit, vers la même époque. L'abolition de l'esclavage paroît avoir été une suite de l'introduction du christianisme; à chaque assemblée ecclésiastique, on discuta contre cette coutume barbare. Il est encore question des esclaves dans la loi de Seelande, donnée en 1315 par le roi Erick Menved.

Dans toutes les Provinces Danoises, il y avoit des esclaves; les codes de la Skanie et du Jutland en parlent, ainsi que les deux codes de la Seelande.

Le sujet que je vais traiter m'oblige à vous donner quelques idées sur l'origine de la Noblesse Danoise. Ces idées deviennent nécessaires pour bien comprendre comment on passa, dans ce pays, de l'esclavage à un état moins dur, et qu'on peut regarder comme

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