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dance de documents qui ne nuit pas à l'effet dramatique, la réaction contre les Terroristes, ce que l'auteur appelle « les châtiments ». En quelques pages de conclusion, M. Henri Wallon résume l'enseignement qui ressort, selon lui, des faits accumulés dans l'ouvrage. On peut regretter que tout y soit dit sur un ton trop peu contenu de réquisitoire passionné. Il semblerait que la réaction thermidorienne n'ait pas encore pris fin, et qu'à tous les « châtiments » que l'auteur énumère, il croie devoir ajouter celui de sa parole, -the valour of his tongue, à l'instar de lady Macbeth. A ce compte, l'histoire tout entière ne serait qu'une succession à peu près ininterrompue de récriminations, d'accusations et de condamnations; car, malheureusement, nulle époque, dans les annales de l'humanité, n'a eu le monopole de l'injustice, de la violence et de l'horreur. M. H. Wallon reconnaît d'ailleurs, tout en les limitant avec soin, les services rendus par les représentants du peuple en mission aux armées; mais il pense et affirme que ce fut malgré la Terreur, et nullement grâce à elle, que la France vainquit alors la coalition. N'est-ce pas ainsi que certains fiévreux, se trouvant, après de hautes doses de quinine, débarrassés de leur fièvre, déclarent qu'ils s'en seraient beaucoup mieux tirés sans cette drogue qui leur a délabré l'estomac? Je ne m'étendrai pas davantage sur ce dernier volume d'un ouvrage où une érudition considérable et sûre est mise au service d'une ardeur de pensée toujours juvénile, et qui restera comme un des livres les plus curieux et les plus utiles sur la période révolutionnaire. La réputation en est faite depuis longtemps déjà, et nulle n'est, à vrai dire, mieux méritée. Une « Table générale des matières contenues dans les cinq volumes », fort consciencieusement et intelligemment dressée, peut servir de memento et ajoute une notable valeur à l'ensemble de l'œuvre, puisqu'elle en rend l'usage plus facile. Quatre pages d'errata témoignent du goût et du respect de l'auteur pour l'exactitude: il est seulement fâcheux qu'elles aient été nécessaires.

L'autre ouvrage, dont un nouveau volume, le VIII, vient

de paraître, est le Recueil des instructions aux ambassadeurs et ministres de France (Félix Alcan, in-8°), publié sous les auspices du ministère des affaires étrangères. Outre l'intérêt général et permanent qui s'attache aux publications documentaires de ce genre, ce tome VIII a un attrait tout particulier pour nous au temps présent : il est tout entier consacré à la Russie. Prenant l'histoire des relations entre les deux pays, å l'origine même, alors que l'empire de toutes les Russies n'était que le grand-duché de Moscovie, il s'arrête à la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748. Un second volume comprendra la période de 1748 à 1793. Le savant qui s'est chargé de cette tâche, M. Alfred Rambaud, professeur à la Sorbonne et directeur de la Revue bleue, a prouvé, par de grands travaux antérieurs, qu'il est un des hommes qui connaissent le mieux la Russie dans son évolution historique et le développement de sa civilisation. Aussi a-t-il pu accompagner d'un très riche appareil de notes les Instructions à nos ambassadeurs et ministres auprès des souverains russes et les pièces curieuses et piquantes choisies avec tact dans la correspondance diplomatique. Ce n'est pas sans surprise, sans doute, que l'on verra que la politique d'équilibre qui ferait de la Russie et de la France les deux extrémités du balancier européen fut entrevue dès l'époque où notre vieille alliée la Suède fut, avec Charles XII, réduite à l'impuissance par la défaite de Pultava. Mais Louis XIV, vaincu lui-même et humilié, préféra la politique de sentiment à la politique d'intérêt, et demeura fidèle à la Suède : ce sont des traits semblables qui lui font son vrai rayonnement de gloire. Plus tard, sous la Régence, ce qui avait été une grandeur devint une faute; prenons garde de ne pas la renouveler! Après le traité d'Amsterdam et la médiation de M. de Campredon pour le rétablissement de la paix dans le Nord, la Russie, méconnue et rebutée par la France, se rapproche de la cour de Vienne et lui prête son concours dans les deux guerres de la succession de Pologne et de la succession d'Autriche. Il y a là des points de vue nouveaux bien dignes de l'attention de l'historien philosophe. En somme,

M. Alfred Rambaud nous donne bien plus qu'il ne nous promet. Nous n'avons pas seulement ici une publication scrupuleusement exacte de documents inédits: grâce à l'introduction qui les précède, aux notices qui les expliquent et les relient, ce volume forme, pour la période qu'il embrasse, l'histoire la plus complète, ou plutôt la seule complète, qui ait encore paru, soit en Russie, soit en France, sur l'histoire des relations entre les deux pays.

M. Victor Fournel nous ramène à la Révolution, mais au début, à la date dont on célébrait, le mois dernier, l'anniversaire, ce qui donnait une sorte d'actualité à son étude rétrospective. Les Hommes du 14 juillet, gardes-françaises et vainqueurs de la Bastille, c'est le titre du livre (Calmann Lévy), ont eu, comme l'auteur en avertit dans sa préface, leur histoire civile et leur histoire militaire, dont les péripéties se déroulent jusque sous la monarchie de Juillet et après les journées de juin 1848. Ce n'a pas été une œuvre médiocrement laborieuse d'en rechercher tous les éléments, de les contrôler, de les grouper, d'éclairer les points obscurs, de ressusciter les physionomies qui ont leur personnalité, de réfuter les erreurs reçues et de dissiper les légendes. M. Victor Fournel y a réussi, grâce à la conscience d'érudit qu'on lui connaît, et grâce aussi à cet instinct d'historien qui conduit sûrement au trait caractéristique et empêche de se perdre dans le labyrinthe des documents. Il s'est attaché, est-il besoin de le dire? à recourir toujours aux sources. Sans négliger les mémoires du temps, il a trouvé dans les archives des indications précieuses; il a parcouru les journaux et la multitude infinie des brochures publiées à l'occasion de la prise de la Bastille et de tout ce qui s'y rattache, où l'on trouve souvent des détails intimes et pittoresques qui ne sont point ailleurs; il a lu les pièces de théâtre et les chansons, et n'a eu garde d'oublier les estampes, non plus que les collections du musée Liesville. Il est sorti de tout cela un livre curieux, où beaucoup de notions répandues, parmi les lettrés

comme à l'état diffus, prennent un corps solide et entrent désormais dans le domaine des faits historiques, où le récit, alerte et vivant, laisse clairement voir les opinions et les préférences de l'auteur, sans jamais tourner au plaidoyer ni à l'acte d'accusation. Il n'y a point d'autre impartialité à demander à un historien. Les lignes, à la fois modestes et fermes qui terminent la préface, me semblent contenir une juste appréciation du livre : « Je n'ai certes pas, dit M. Victor Fournel, la prétention, dans une œuvre si difficile, d'avoir évité du premier coup toutes les erreurs et tous les oublis. Mais je puis du moins espérer que ce travail apportera sur plus d'un point des résultats nouveaux et projettera une lumière plus intense sur les idées et les mœurs de la Révolution, en remettant au jour quelques-unes de ses figures effacées par le temps et bon nombre de ses épisodes oubliés. » Je ne trouve là-dedans à changer qu'un mot : ce que l'auteur conçoit timidement comme une espérance est, pour le lecteur, devenu certitude.

C'est aussi de l'histoire que cette seconde édition des Souvenirs de la Martinique et du Mexique pendant l'intervention française (Hachette et Cie), par M. Ch. Mismer. Histoire écrite à un point de vue tout personnel, sans doute, et tenant plus, dans sa forme anecdotique, de l'autobiographie que de la narration objective des événements. Pour ceux qui n'ont lu ni les Souvenirs d'un drapeau de l'armée de Crimée ni Dix ans soldat, du même auteur, ces lignes de l'avantpropos donneront une assez juste idée du personnage et du ton de ses récits: «< Tour à tour directeur de manège et de haras à la Martinique, capitaine de gendarmerie au Mexique, journaliste à Constantinople, secrétaire particulier de FuadPacha, ministre des affaires étrangères, avant d'accompagner, en la même qualité, le grand-vizir Aali-Pacha, dans l'île de Crète, pendant l'insurrection de 1867, acquis au service de l'Égypte, après la mort de ces deux hommes d'État, par le khédive Ismaïl, directeur de la mission égyptienne en France

pendant dix ans, et collaborateur de M. Littré jusqu'à sa mort, j'ai touché à tout, depuis l'extrême misère jusqu'au luxe, depuis la gamelle du soldat et le hamac du matelot jusqu'à la table des souverains, depuis le rôle de machine aveugle jusqu'à la participation aux conseils et aux actes de gouvernement, sans négliger, un seul jour, de rechercher, dans l'étude et la réflexion, sinon le point de départ d'une évolution supérieure, du moins le droit de vivre avec indépendance et dignité. De tant de vicissitudes, je ne retiendrai que celles qui peuvent intéresser toutes les classes de lecteurs et assurer une valeur documentaire à ces Souvenirs. » Les événements auxquels il a a été mêlé et qu'il raconte tels qu'ils lui sont apparus sont importants pour notre histoire, et les gens qu'il a coudoyés et qu'il portraiture valent qu'on ne néglige aucun croquis d'eux, pas même le plus humble, s'il a été fait d'après nature. On lira done avec plaisir et profit les livres de M. Ch. Mismer, y compris le prochain, où il se propose de raconter «< comment, pendant vingt ans, son sort fut lié aux affaires d'Orient, jusqu'à l'heure où une diplomatie néfaste abandonna l'Égypte à l'Angleterre ».

A côté des mémoires contemporains, les rééditions de ceux du temps passé font toujours bonne figure, surtout lorsqu'ils se présentent sous la forme élégante et pure que M. D. Jouaust sait donner à ses publications, et que l'huissier introducteur est un érudit délicat et un écrivain aimable comme M. Eugène Asse. On s'en convaincra en lisant lentement, en savourant à petites gorgées, les Mémoires de Mme de La Fayette qui forment, je crois, le troisième ouvrage de la Bibliothèque des Mémoires relatifs à l'histoire de France, les deux premiers étant les Mémoires de Louvet et les Mémoires de la Bastille (D. Jouaust; in-16). Ce nouveau volume se compose de l'Histoire de Madame Henriette d'Angleterre et des Mémoires de la cour de France; le dernier écrit, égal, par le charme et le talent d'écrivain, à l'Histoire d'Henriette d'Angleterre, lui est, comme le dit M. Asse, supérieur par la

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