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Après avoir fait condamner les girondins, les dantonistes, les hébertistes, Roberspierre devint sombre, craintif, ne parlait, ne voyait que des assassins; il tremblait que son ombre ne l'assassinât. Chaque jour il faisait aux ChampsElysées une promenade de deux heures; mais quoiqu'il fût accompagné constamment de deux ou trois de ses sicaires, sa promenade ressemblait plutôt à une course, tant sa marche était précipitée. Si les papiers de Roberspierre eussent été visités par quelqu'un qui n'eût tenu à aucun parti, on saurait sans doute aujourd'hui sous quelle forme et sous quelle dénomination il voulait régner. Peut-être celui qui a vu son le publiera-t-il quelque jour. Ce tyran était parvenu à dominer la convention à un tel point, qu'il l'appelait hautement une machine à décrets, et qu'on l'a entendu plus d'une fois, en pleine tribune, dire, je veux. Après s'être retiré du comité de salut public, dont il était membre, il voulut continuer à proscrire de ses collègues, et il en marqua trente pour l'échafaud. Son secret perça, les proscrits l'attaquèrent et le firent périr. Dans la lutte qui eut lieu le 9 thermidor an 2 (27 juillet 1794), cet homme si vain, si despote, montra toute la bassesse et la lâcheté d'un suppliant; il s'a

secret,

dressa à tous les partis pour venir à son aide: on fut immobile; il se présenta plusieurs fois à la tribune pour se défendre: on le repoussa, en criant: à bas le tyran! Il voulut parler de sa place: sa voix fut étouffée par le tumulte et par le bruit de la sonnette. Enfin il succomba avec son frère, Lebas, Couthon et SaintJust. Conduits dans plusieurs prisons, les concierges refusèrent de les recevoir. Alors ils s'enfermèrent à la commune, où tous leurs partisans se réunirent. La convention les mit hors la loi, ainsi que tous les insurgés. La commune fut forcée; un gendarme, nommé Méda, fracassa la mâchoire de Roberspierre d'un de piscoup tolet; son frère se cassa une cuisse, en se précipitant d'une croisée; Lebas se brûla la cervelle, les autres se cachèrent et furent découverts; le lendemain, le tyran et vingt-deux de ses confrères expièrent leurs crimes sur l'échafaud. Le peuple fit arrêter la charrette qui portait Roberspierre, devant la maison qu'il occupait. Une femme, dansant devant lui, s'écria : « Ta >> mort m'enivre de joie. Descends aux enfers » avec les malédictions de toutes les épouses >> et de toutes les mères. » Roberspierre, horriblement défiguré, tint constamment les yeux fermés; il périt à l'âge de trente-cinq ans. On

fit plusieurs vers après sa mort, et parmi lesquels on distingua cette épitaphe:

Passant, ne pleure point son sort,
Car, s'il vivait, tu serais mort.

Pour rendre Roberspierre plus odieux, on dit dans le temps qu'il était neveu de Damiens. II n'y avait pas besoin de cette inculpation; le tyran avait assez de ses crimes. Sa taille était de cinq pieds deux pouces, son corps jeté d'aplomb, sa démarche vive et brusque; il crispait souvent ses mains par une contraction de nerfs qui se faisait sentir dans ses épaules et dans son cou. Sa physionomie paraissait un peu renfrognée, son teint livide et bilieux, ses yeux mornes et éteints. Il portait presque toujours des conserves. Orateur médiocre, sa diction était inégale, âpre et souvent triviale; il employait l'ironie et l'antithèse, mais sa tête était vide d'idées. Son seul talent était d'avoir une logique serrée dans ses sophismes, et de réfuter avec art. Il se croyait pourtant un grand orateur. Il étudia et connut le secret d'émouvoir et d'attacher la multitude; il fut fort et puissant par elle, et s'en servit dans les circonstances qui pouvaient l'approcher du pouvoir; ce fut aussi par elle qu'il protégea et fit trembler une partie de la convention nationale. En un

mot, il eut les emportemens de Catilina et la férocité froide de Sylla (1).

(1) On a accusé, dans le temps, Roberspierre d'avoir étouffé jusqu'au sentiment de la nature, et, pour le prouver, on a raconté le fait suivant. Sa sœur vint à Paris pour le voir. Révoltée de sa barbarie, elle chercha, par des représentations amicales, à le ramener à des sentimens humains. Il s'emporta, et traita sa sœur très-durement: elle l'appela barbare. Roberspierre, peu fait à entendre des vérités aussi dures, menaça et effraya sa sœur, au point qu'elle quitta sa maison et se cacha dans Paris. Elle écrivit à son frère une lettre qui a été imprimée. Roberspierre la fit chercher, découvrit sa demeure, et la renvoya à Arras avec une lettre pour Joseph Lebon, alors proconsul dans cette ville. Cette infortunée, se doutant de quelque perfidie, ouvrit la lettre, et vit qué son frère recommandait à son digne collègue de la faire guillotiner. Elle ne retourna pas dans son pays; elle se cacha dans Paris jusqu'après le supplice mérité de son frère.

FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME.

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