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sieurs personnes, transportées d'une ferveur particulière, s'étendent sous les roues du chariot, et s'y laissent écraser en l'honneur de l'idole. Quelquefois ces fanatiques se jettent sur des crochets attachés exprès aux roues du chariot, qui les déchirent et les mettent en pièces. Si ce généreux sacrifice ne leur procure pas le bonheur qu'ils attendent dans l'autre monde, ils sont du moins récompensés dans celuici, par les honneurs excessifs qu'on leur rend. Ceux sur qui rejaillissent quelques gouttes da sang de ces martyrs, sont regardés comme fort heureux, et même comme sanctifiés. Les crochets qui ont servi aux supplices de ces victimes volontaires, sont recueillis avec soin par les prêtres, et conservés dans les temples comme des reliques précieuses. Ces distinctions flatteuses ne sont-elles pas capables de les dédommager de quelques années d'une vie obscure qu'ils sacrifient? Sans prétendre excuser ce fanatisme extravagant, combien de gens, même très-sensés, affrontent la mort pour un peu de gloire? Le guerrier qui se fait tuer sur la brêche, le savant qui se tue en détail dans le cabinet, et sacrifie sa santé, sans laquelle la vie est un supplice, que cherchent-ils, si ce n'est une gloire souvent beaucoup moindre que celle des prétendus martyrs d'Arracan?

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QUICHEMANITOU. C'est le nom que donnent les sauvages de l'Amérique septentrionale à un être bienfaisant dont ils s'imaginent recevoir tous les secours de la vie et tous les biens qui leur arrivent. C'est le bon principe des Manichéens. Ils attribuent, au contraire, tous leurs malheurs à un être malfaisant qu'ils appellent MATCHIMANITOU. (Voyez cet article.) Si l'on en juge par les cérémonies religieuses de ces peuples, leur bon principe n'est autre que le soleil; car cet astre est le seul être auquel ils rendent des hommages. Ils ont coutume de l'encenser avec

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QUI la fumée du tabac, et ils appellent cette cérémonie 17 fumer le soleil. Voici comment elle se pratique. Les chefs de famille se rendent, dès le grand matin, chez un des principaux habitans du canton. Celui-ci allume le calumet, l'offre trois fois au soleil levant, et le conduit avec ses deux mains, en suivant le cours du soleil, jusqu'à ce qu'il revienne au point où il a com→ mencé. Pendant cette marche, il adresse au soleil ses prières, et le supplie de prendre sous sa protection tous les habitans du canton; après quoi, il fume dans le calumet, et le donne aux assistans, qui répètent, chacun à leur tour, la même cérémonie. Voyez, à l'article CALUMET, la description de cet instrument.

QUIÉTISME. « Ce mot exprime l'état de repos » ou d'impassibilité auquel une espèce de mystiques » contemplatifs croyoient arriver, en s'unissant à Dieu » par la méditation ou par l'oraison mentale. » L'auteur (1) dont nous empruntons cette définition, l'explique en ces termes : « Nous nous unissons en quel» que sorte aux objets par la pensée, et un objet qui » absorbe toute notre attention, semble s'identifier » avec nous. On a donc regardé la méditation, ou la » contemplation des perfections divines, comme un » moyen de s'unir à Dieu. On s'est efforcé de se déta» cher de tous les objets, pour se livrer sans distrac » tion à la contemplation des perfections divines. On » a imaginé des méthodes, et l'on a cru que l'ame » pouvoit contempler l'essence divine sans distraction, » et s'unir à elle intimement; qu'une vue si parfaite » de l'essence divine étoit jointe à l'amour le plus ar» dent; que les facultés de l'ame étoient absorbées » par son union avec Dieu; qu'elle ne reçoit plus au>> cune impression des objets terrestres. Cet état de (1) Mémoires pour servir à l'Histoire des Egaremens de l'esprit humain, par rapport à la religion.

IV.

» l'ame est ce qu'on appelle quiétude, ou le quiétisme. >> On voit aisément tous les excès auxquels l'esprit hu» main peut se porter en partant de ces principes.

Le quiétisme commença à paroître dans l'Eglise grecque, au XIVe siècle. Le prieur d'un couvent près du mont Athos, nommé Siméon, secondé de Grégoire Palamas, depuis évêque de Salonique, homme éloquent et instruit, forma une secte de mystiques, qui furent appelés Hésychastes, terme qui répond à celui de Quiétistes, et dont le systême étoit singulier par son extravagance. Ils prétendoient qu'en contemplant attentivement et sans distraction leur nombril, ils parvenoient à se procurer des extases, et à voir cette gloire, ces rayons de splendeur, cette lumière incorruptible qui part du trône du ToutPuissant. La doctrine mystique de ces moines s'accrédita tellement, que la ville de Constantinople se trouva remplie de dévots qui passoient les journées entières, immobiles sur un siége, les yeux attachés sur leur nombril, attendant la céleste vision. Barlaam, moine de l'ordre de S. Basile, combattit vigoureusement cette secte, qui, malgré son absurdité, fut favorisée et protégée hautement par les empereurs Jean Cantacuzène et Jean Paléologue.

Dans l'Eglise latine, on aperçoit aussi des traces du quiétisme, dès le XIVe siècle. Jean Rusbroc est regardé comme le premier qui ait paru donner dans ces mysticités dangereuses, quoique lui-même se soit élevé contre les faux spirituels de son temps, dans son Traité des Noces spirituelles. Rusbroc prétendoit que tout ce qu'il avoit écrit lui avoit été inspiré par le Saint-Esprit. Lorsqu'il croyoit sentir le mouvement de la grâce, il se retiroit dans une forêt du lieu de sa demeure, et là il écrivoit ce qui lui étoit ins piré; ce qui n'empêche pas que le célèbre Gerso n'ait regardé la plupart des ouvrages de Rusbro

comme le fruit d'une imagination échauffée, qui s'égare dans ses visions. Cependant c'est un des Quiétistes les plus modérés. Marie Dagréda, Jean Labadie, mademoiselle Bourignon, le ministre Poiret, et surtout Michel Molinos, ont été bien plus avant. Molinos, le plus fameux de tous les Quiétistes, et qui en est regardé comme le chef, prétendoit qu'il falloit s'anéantir pour s'unir à Dieu, et demeurer ensuite en repos, sans s'inquiéter de ce qui arriveroit au corps. Il enseignoit qu'aucun acte n'étoit méritoire ni criminel dans cet état d'anéantissement, parce qu'alors l'ame ni ses puissances, ábsorbées en Dieu, n'y prenoient aucune part. Il répandit long-temps dans Rome cette doctrine détestable, qui ouvroit la porte aux désordres les plus honteux. Voyez l'article MOLI

NOSISME.

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La doctrine du quiétisme fit aussi de grands progrès en France. Un Provençal, nommé Malaval, la publia dans un livre intitulé Pratique facile pour élever l'ame à la contemplation, dans lequel il avoit recueilli la plupart des sentimens de Molinos. Ce livre, dont on ne connut pas d'abord tout le danger, eut un grand cours, et fit illusion à un très-grand nombre de personnes. Parmi celles qu'il séduisit, on distingue particulièrement l'abbé d'Estival, de l'ordre des Prémontrés, en Lorraine. Cet abbé goûta tellement la doctrine de Malaval, qu'il vint à Paris pour l'enseigner, et tint dans cette ville des conférences où il donnoit publiquement des leçons de quiétisme. Malaval et l'abbé son apôtre ne firent que préparer les voies à un Quiétiste beaucoup plus célèbre. Ce Quiétiste fut madame La Mothe-Guyon, si connue par la fameuse querelle que sa doctrine suscita entre deux illustres prélats.

L'histoire de cette querelle est assez intéressante pour mériter un détail circonstancié, dont nous

prendrons la plus grande partie dans les Mémoires de madame de Maintenon, par M. de la Baumelle, et dans la Relation du Quiétisme, par M. Phelipaux, docteur de Sorbonne. Jeanne-Marie Bouvières de la Mothe, née à Montargis, de parens nobles, fut mariée à dix-huit ans au fils du célèbre Guyon, qui devoit sa noblesse et sa fortune à la belle entreprise du canal de Briare. Elle avoit beaucoup de noblesse dans les traits, de la douceur dans les yeux, une bouche formée pour la persuasion, l'humeur la plus insinuante, et l'éloquence la plus naïve. Son imagination tendre et flexible se tourna de bonne heure vers les choses du ciel. Son goût naissant de spiritualité fut fortifié par son directeur. Dom François Lacombe, religieux Barnabite, s'empara de sa confiance, et mit ses erreurs en systême. Lacombe étoit un homme d'un esprit subtil et pénétrant, d'une taille assez grande, composé dans son extérieur, affectant un air de modestie et de sainteté, quoiqu'on remarquât dans son visage je ne sais quoi de sinistre. Il avoit été fort débauché dans sa jeunesse : ayant éprouvé des remords, il chercha dans la doctrine du quiétisme des motifs pour les étouffer. Depuis plusieurs années, il couvroit du voile de la spiritualité la corruption de son ame, lorsque madame Guyon le choisit pour son directeur. Cette dame fit des progrès rapides sous un tel maître demeurée veuve à vingt-deux ans, maîtresse de grands biens, elle résolut, par l'avis de Lacombe, de travailler au salut de son prochain, c'està-dire à la propagation du quiétisme. Les malheurs de Molinos ne l'effrayèrent point; cependant son mari, avant de mourir, lui avoit en quelque sorte prédit sa destinée, en lui disant: « Je crains bien que » vos singularités ne vous attirent bien des affaires. >> Elle étoit très-propre à former une secte: de la beauté, de l'esprit, de l'éloquence, des richesses, c'étoit plus

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