Mais, d'un autre côté, c'était une rude guerre faite aux finances. Voici comment le roi fêta le jour où il conféra la chevalerie aux fils du duc d'Anjou, prêts à partir pour revendiquer la malheureuse royauté de Naples: La solennité se fit à Saint-Denis, avec une magnificence et un concours de monde incroyables. « Toute la noblesse de France, d'Angleterre, d'Allemagne, était invitée; il fallut que que la vénérable et silencieuse abbaye, l'église des tombeaux, s'ouvrît à ces pompes mondaines, que les cloîtres retentissent sous les éperons dorés, que les pauvres moines accueillissent les belles dames. Elles logèrent dans l'abbaye même. Le récit du moine chroniqueur en est encore tout ému. << Aucune salle n'était assez vaste pour le banquet royal; on en fit une dans la grande cour. Elle était décorée comme une église, et n'avait pas moins de trente-deux toises de long. L'intérieur était tendu d'une toile immense, rayée de blanc et de vert. Au bout s'élevait un haut et large pavillon de tapisseries précieusement et bizarrement historiées; on eût dit l'autel de cette église, mais c'était le trône. « Hors des murs de l'abbaye, on aplanit, on ferma de barrières des lices longues de cent vingt pas. Sur un côté, s'élevaient des galeries et des tours où devaient siéger les dames pour juger des coups. « Il y eut trois jours de fêtes, d'abord les messes, les cérémonies de l'Église, puis les banquets et les joutes, puis le bal de nuit; un dernier bal enfin, mais celui-ci masqué, pour dispenser de rougir. La présence du roi, la sainteté du lieu, n'imposèrent en rien. Ce fut un véritable pervigilium Veneris. On était aux premiers jours du mois de mai (*).» « J'aurais abandonné, dit le religieux de Saint-Denis, le récit de ces faits aux déclamations de la scène, plutôt que de les exposer dans cette histoire, n'était l'avis d'un grand nombre de gens sages qui m'ont conseillé de ne pas passer sous silence tout ce qui peut servir d'exemple à l'avenir, soit en bien, soit (*) Michelet, Histoire de France, t. IV p. 45 et 46. en mal. J'engage donc la postérité à éviter de pareils désordres; car, il faut le dire, les seigneurs, en faisant de la nuit le jour, en se livrant à tous les excès de la table, furent poussés par l'ivresse à de tels déréglements, que, sans respect pour la présence du roi, plusieurs d'entre eux souillèrent la sainteté de la maison religieuse, et s'abandonnèrent au libertinage et à l'adultère. « Le lendemain, au sortir de table, le roi, voulant laisser pour longtemps dans tous les cœurs un agréable souvenir de ces fêtes, récompensa dignement les chevaliers et les écuyers, en les comblant de riches présents. Il prodigua aussi aux dames et aux demoiselles les marques de sa royale munificence, leur offrit des bracelets, des joyaux d'or et d'argent, et des étoffes de soie, donna, avant de partir, le baiser de paix aux plus illustres d'entre elles, et congédia sa cour (*). » <<< Mais estoit commune renommée que desdites joustes estoient provenues des choses deshonnestes en matière d'amourettes, et dont depuis beaucoup de maux sont venus (**).» Serait-ce par hasard dans ces nuits d'orgies que le jeune duc d'Orléans aurait plu, pour son malheur, à la femme de Jean sans Peur, comme il osa ensuite s'en vanter? La journée qui suivit ces bacchanales près des tombeaux fut assez bizarre. Pour aviver le plaisir par le contraste, le roi voulut se donner le spectacle des funérailles de du Guesclin. (Voyez FuNÉRAILLES.) Les fêtes appelaient les fêtes. Au bout de quelques jours, le roi ordonna aux bourgeois de Paris de faire à sa femme Isabeau une somptueuse entrée (voyez ce mot). Cette fois-là, le prince débonnaire, sachant qu'il y avait à la fête beaucoup d'étrangers qui regrettaient de ne l'avoir pas vu jouter, se mêla aux joutes pour leur faire plaisir, et pour s'assurer de puissantes amitiés. « Cependant, ajoute le religieux que nous avons déja cité, sa conduite fut jugée diversement. Bien des gens y trou (*) Chronique du religieux de Saint-Denis, liv. x, ch. 1 et 2. (**) Juvénal des Ursins. vèrent à redire, pensant que de tels divertissements n'étaient pas dignes de la majesté royale. >>> Il est inutile d'ajouter qu'aussitôt après on haussa les impôts; le peuple mourut de faim; quant au roi, il alla faire, à travers toute la France, nce, un long vovage qui ne fut qu'une série de fêtes ruineuses. Arrivés à Avignon, le roi et sa cour, « quoiqu'ils fussent logés de lez le pape et les cardinaux, si ne se pouvoient-ils tenir que toute nuit ils ne fussent en danses, en caroles et en esbattements avec les dames et damoiselles d'Avignon; et leur administroit leurs reviaux (fêtes) le comte de Genève, lequel estoit frère du pape (*). » Un des amphitryons les plus renommés pour la magnificence de ses fêtes était le comte de Foix. Lorsque le roi, revenant de la ville papale, visita la province de Gaston, ce furent de nouvelles profusions. En continuant à marcher de ce train, les grands menaient le royaume à sa ruine complète. Aussi le peuple de Paris, conduit par les Cabochiens (voyez ce mot), prit-il la résolution de pourvoir lui-même à son salut, et même de réformer la famille royale et le dauphin. Celui-ci, poursuivant le cours de ses débauches, malgré leurs fréquentes remontrances, n'en donnait pas moins des bals chaque nuit à l'hôtel de SaintPaul, et il y dansait jusqu'au jour avec des femmes de mauvaise vie, pendant qu'on tuait ses amis. Une fois Jacqueville, gouverneur de Paris, traversant au milieu de la nuit, avec sa milice bourgeoise, la rue Saint-Paul, entend le son des instruments, les accents de la joie: il monte, il arrive en présence du prince, comme il avait fait quelques semaines auparavant, lorsqu'il était venu dans le même palais mettre la main sur les seigneurs traîtres et debauchés que le peuple réclamait. Il reproche brutalement au jeune duc de se déshonorer, et lui demande, de la part des bouchers, s'il est décent à un fils de France de danser ainsi à une heure indue (**). La patience manqua au dauphin; il s'é (*) Froissard. (**) Entre onze et douze heures du soir.» Juvenal des Ursins. lança sur Jacqueville, et lui porta trois coups de poignard qu'arrêta heureusement la cotte de mailles. Le règne du voluptueux et faible Charles VII offrit encore une succession de fêtes et de longues famines, d'impôts excessifs et d'entrées triomphales, de malheurs de toutes sortes et de belles processions. Le palais des dues de Bourgogne avait alors mérité le nom d'hostel de toute gentillesse. Mais « ces grandes fêtes flamandes ne ressemblaient guère à nos froides solennités modernes. On ne savait pas encore ce que c'était que de cacher les préparatifs, les moyens de jouissances, pour ne montrer que les résultats; on montrait tout, nature et art. On jouissait moins de la petite part que chacun prend en une fête, que de l'abondance étalée, du superflu, du trop plein. Ostentation, sans doute, lourde pompe, sensualité barbare et par trop naïve.... les sens ne s'en plaignaient pas (*). » Mais nous avons déjà décrit ces pompes aux articles ENTREMETS, FESTINS. A cette époque, les repas solennels et les danses étaient les divertissements favoris de la noblesse; quant aux tournois, ils commençaient déjà à déchoir, à paraître puérils. Il est curieux de voir combien il y a peu de blessés, et combien les blessures sont légères dans les interminables histoires de tournois que nous a laissées Olivier de la Marche (**). Ces brillantes et voluptueuses fêtes voluptueuse de Philippe le Bon avaient d'ailleurs un côté sérieux: tous les grands seigneurs de la chrétienté y venant figurer se (*) Michelet, Histoire de France, t. V, p. 367. (**) Le pauvre Jacques de Lalaing, dernier héros de cette gymnastique, avait peine à trouver des gens qui voulussent le délivrer de son emprise (voy. EMPRISE). Son fameux pas d'armes de la Dame de Pleurs auprès de Dijon, à la rencontre des routes de France, d'Italie, etc., et dans l'année du jubilé, lui fournit peu d'adversaires : « Personne n'a pitié de la Dame de Pleurs et n'y veut toucher.» Le båtard de Saint-Pol a beau suspendre près de Saint-Omer l'écu de Tristan et de Lancelot du Lac, son pas de la Belle pèlerine est peu fréquenté. (Note de M. Michelet, passage cité.) trouvaient ses commensaux, ses sujets volontaires, aussi longtemps que les belles dames de Bourgogne et de Flandre les retenaient à sa cour. La vie du successeur de Charles VII était simple et profondément triste. Mais les fêtes reparurent avec Charles VIII. Le voyage du j oyage du jeune roi à travers la France jusqu'en Italie « ne fut qu'une pompe continuelle, dit un mémoire historique sur sa vie (*), et une feste solemnisée avec toutes les réjouissances imaginables. Ce n'estoit partout, comme en pleine paix, que festins, que tables mises par les chemins et par les rues, que concerts de musiques, poésies, représentations et mille gentillesses; de sorte qu'on pouvoit ire qu'il alloit à la conqueste d'un royaume au son des violons et marchant sur la jonchée et les fleurs. Les dames principalement estaloient tout ce qu'elles avoient de riche et de beau, et luy tesmoignoient par mille démonstrances le plaisir qu'elles avoient de le voir. >>> Ne s'aperçoit-on pas que le seizième siècle, le siècle de la renaissance va s'ouvrir? On est déjà initié à une culture nouvelle; on recherche pour les fêtes une pompe moins grossière, plus intelligente. Qu'il y a loin de ces poésies, de ces musiques, de ces gentillesses aux divertissements de la cour de Philippe le Bon, ou des noces de Charles le Téméraire avec Marguerite d'York (**)! Les fêtes les plus remarquables du règne de Louis XII, furent celles que ce prince donna pour son mariage avec la jeune Marie d'Angleterre. La cour fut alors en réjouissances continuelles pour le couronnement de la reine à Saint (*) Inséré dans les Arch. cur. de l'histoire de France, t. I, p. 185. (**) Elles durèrent plusieurs jours, et furent surtout remarquables par la bizarre incohérence de leurs tableaux. On y vit représenter, entre autres, les travaux d'Hercule. Une baleine de soixante pieds de longueur, et d'une hauteur proportionnée, fut ensuite amenée au milieu de la salle par deux géants; de son large gosier sortirent deux sirènes et douze chevaliers, qui dansèrent au son d'une musique guerrière exécutée dans le ventre du monstre. Après le divertissement, celui-ci engloutit de nouveau toute la troupe, et s'en alla comme il était venu. Denis, pour son entrée à Paris, pour les tournois offerts aux gentilshommes d'outre-Manche arrivés avec elle. Mais François Ier éclipsa tous ses prédécesseurs par la splendeur et le bon goût de ses fêtes. Dès son avénement, il fit célébrer les réjouissances les plus gorgiases et triomphantes qu'on eat vues en France, les banquets et festins les plus beaux du monde (*). Cette pompe contrastait fortement avec la sévérité de Louis XII, qu'on avait accusé de parcimonie. Mais François Ier croyait se montrer grand roi en épuisant le peuple, en donnant sans mesure à ses courtisans. « Et s'en estonnoit-on fort comment il pouvoit fournir à tant de pompes, somptuosités et magnificences. Il n'y avoit nopces grandes qui se fissent en sa cour qui ne fussent solemnisées, ou de tournois, ou de combats ou de masquarades, ou d'habillements fort riches tant d'hommes que de dames, lesquelles en avoient de lui de grandes livrées. J'ai vu des coffres et gardesrobes d'aucunes dames de ce temps-là, si pleines de robes que le roi leur avoit données en telles et telles inagnificences et fêtes, que c'étoit une très-grande richesse (**). » Il paraît cependant que les grandes dames n'étaient pas seules appelées à orner de leur présence les fêtes de la cour et à participer aux libéralités du roi; il fallait bien que le printemps de la cour eût des roses de toutes les couleurs et de toutes les espèces. On lit (*) Mémoires de Fleuranges et de Bayard. des comptes de dépenses de ce prince, in(**) Brantôme, Éloge de François Ier. Parmi sérés dans les Archives curieuses de l'hist. de France, t. III, p. 94, on trouve le suivant : « A Nicolas de Troyes, argentier du « roy, pour délivrer à Galliot d'Allebrancque, < marchant flourentin, pour son payement << des draps, toilles d'or et d'argent et de soye, « etc., qu'il a fournies pour les robes et cot« tes, à mesdames les daulphines et Margue«rite de France, et autres dames et damoi« selles de leur maison, ausquelles le roy en « a fait don à ce qu'elles fussent plus hon« norablement vestues, à cause de l'entrevue « qui s'est faite audit moys de juing et de <<< juillet (1538), entre notre saint-père le << pape, l'Empereur et notre seigneur le roy, «ci 11,610 liv. dans un compte de dépenses (*): « Aux « filles de joye suivant la court, en don, * tant à cause du boucquet qu'elles ont * présenté au roy le premier jour de « may, dernier passé, et de leurs es⚫ traynes du premier jour de ce présent «moys, janvier 1538, ainsi qu'il est « acoustumé, à prendre sur les deniers « ordonnez estre distribuez autour de a la personne du roy, ci..... 90 liv. » Grâce à ces déplorables habitudes, la seule entrevue du champ du drap d'or (voyez ce mot) suffit pour épuiser le trésor public, et pour ruiner et endetter la noblesse. « Les menus plaisirs, dit dans son < rapport un ambassadeur vénitien, en ■1535, coûtent au roi cent mille et ⚫ même cent cinquante mille écus par *an, car Sa Majesté dans ces choses-là ■ n'est pas ménagère; mais elle peut augmenter les tailles à plaisir, et plus «ses peuples sont grevés, plus ils payent gaiement (**). » Il ne faudrait pas pourtant prendre au pied de la lettre ces dernières expressions. Cependant l'économie dans les menus plaisirs resta jusqu'à la fin du dix-huitième siècle une vertu inconnue aux rois de France. A quelles sommes énormes ne durent pas monter, par exemple, les dépenses de la cour pendant le mois de juin 1549. Henri II fit couronner sa femme à Saint-Denis le 10; puis tous deux firent leur entrée à Paris, et le 23 s'ouvrit un tournoi qui dura quinze jours. Les combats en champ clos furent suivis d'un combat naval sur la Seine, où deux galères avaient été amenées pour amuser la cour par ces jeux nouveaux. Enfin, comme pour expier la perte de tant de temps et d'argent consacrés aux plaisirs, Henri II termina ces fêtes par une procession religieuse, de Saint-Paul à Notre-Dame, pour renouveler son vœu d'extirper l'hérésie; puis, après la messe et un dîner public donné à l'évêché, il alla assister, des fenêtres des Tournelles, au spectacle du supplice de quatre malheureux luthériens. Du reste, nous ne croyons pouvoir (*) Archiv. curieuses, t. III, p. 98. (") Relations des ambassadeurs vénitiens, Paris, impr. roy., 1838, t. I, p. 97. mieux faire, pour donner à nos lecteurs une idée des fêtes royales pendant cette partie du seizième siècle, qu'en citant ici le programme de quelques-unes d'entre elles, emprunté aux Mémoires de Michel de Castelnau, qui fut souvent témoin et acteur dans ces réjouissances ruineuses : « Or, le roi Charles IX se fâchant dans le séjour de Paris et de plusieurs affaires, et rompements de tête qui sont toujours plus grands en cette ville qu'en un autre lieu, résolut d'aller à Fontainebleau sur le commencement de l'année 1564. Je parlerai, en passant, des festins magnifiques, courses de bagues et combats de barrière qui s'y firent. Le roi et le duc d'Anjou, son frère, depuis roi, firent plusieurs parties auxquelles le prince de Condé fut des tenants. « La reine, mère du roi, qui n'en voulut pas être exempte, fit aussi de très-rares et excellents festins, accompagnés par une parfaite musique, par des syrènes fort bien représentées ès canaux du jardin, avec plusieurs autres gentilles et agréables inventions pour l'amour et pour les armes. « On avoit dressé un champ clos de fossés et de barrières, au côté duquel étoient élevés de grands théâtres richement ornés, et destinés pour les seigneurs et les dames de la cour. Au bout de ce camp paroissoit un ermitage, et étoit ce lieu par où les chevaliers entroient en lice pour combattre. <<Près de là, se voyoit un beau bâtiment, dressé exprès, que l'on appeloit le château enchanté, duquel l'entrée étoit gardée par des diables et par un géant et un nain, qui repoussoient ensemble les chevaliers. >>> L'auteur nomme ici les chefs des compagnies de combattants, et l'on y voit figurer les personnages les plus célèbres de l'époque; six dames à cheval, vêtues en nymphes, se faisaient autant remarquer par leur beauté que par leurs riches parures couvertes de pierres précieuses. « Dans le château enchanté, il y avoit six chevaliers, dont le prince de Condé étoit le chef; ils combattoient pour lesdites dames, et sitôt qu'il paroissoit un des chevaliers du dehors, l'ermite sonnoit sa cloche pour avertir ceux du château, l'un desquels sortoit promptement, et venoit au combat. Ils couroient l'un contre l'autre, et après avoir rompu leurs lances, mettant chacun l'épée à la main, ils se portoient trois coups si adroitement et avec tant de bonne grâce, qu'il ne se pouvoit mieux; et ainsi tous les chevaliers ayant combattu, le tournoi finit, et l'on alla au souper que le roi avoit fait préparer en la salle du bal. « Il y eut aussi un fort beau combat de douze Grecs et douze Troyens, lesquels avoient de longtemps une grande dispute pour l'amour et sur la beauté d'une dame. J'étois de ce combat sous le nom d'un chevalier nommé Glaucus, comme aussi des autres tournois et parties qui se firent à Fontainebleau. et semblablement d'une tragi-comédie que la reine, mère du roi, fit jouer en son festin; c'étoit la plus belle pièce, et aussi bien et artistement représentée que l'on pourroit imaginer, et de laquelle le duc d'Anjou voulut être, et avec lui Marguerite de France, sa sœur, et plusieurs princes et princesses. Le lendemain, pour clore le pas à tous ces plaisirs, le roi et le duc son frère, se promenant au jardin, aperçurent une grande tour enchantée, en laquelle étoient détenues plusieurs belles dames gardées par des furies infernales. Deux géants d'admirable grandeur étoient les portiers de cette tour; ils ne pouvoient être vaincus, ni les enchantements défaits que par deux grands princes de la plus noble maison du monde. Lors le roi et le duc son frère, après s'être armés secrètement, allèrent combattre les deux géants qu'ils vainquirent, et de là ils entrèrent dans la tour, où ils firent quelques autres combats dont ils remportèrent aussi la victoire, et mirent fin aux enchantements; au moyen de quoi ils délivrèrent les dames et les tirèrent de là, et au même temps la tour, a rtificiellement faite, devint toute en feu. >>> Catherine de Médicis et son fils, obligés de suspendre les plaisirs de la cour pendant la guerre civile, s'empressaient d'en donner de nouveau le signal dès qu'un traité de paix était conclu. En 1570, des mariages royaux furent le premier prétexte de ces divertissements, auxquels on assigna même un but politique; il s'agissait, disait-on, de réconcilier, en les faisant danser et banqueter ensemble, les familles rivales, et de consolider ainsi la paix publique. Mais les fêtes de cour couvraient aussi des projets d'une autre espèce. Tavannes, qui prétend que le massacre de la Saint-Barthélemy n'était point prémédité, expose dans ses Mémoires, avec de grands détails, le projet de tournoi qu'il avait suggéré : « C'étoit, << dit-il, une grande brèche défendue, « et une retraite derrière un retranche« ment, où les assaillants entrés eussent « voulu être dehors. » En effet, suivant d'Aubigné, « il s'agissoit de faire un << fort en l'île du Palais, qui seroit dé<< fendu par Monsieur et les siens, et << attaqué par les réformés. » Mais Tavannes avait désigné les lieux où de vaient être placés les arquebusiers qui auraient changé ce jeu simulé en un combat réel, et les réformés, attaqués tout à coup avec des armes à feu, auraient tous péri dans cette mêlée. Malheureusement, le piége parut trop grossier. « L'affaire sembla goffa, pour<< suit d'Aubigné, et nous ne vîmes « qu'une fois ce fort, parce qu'il fut <<< aussitôt ruiné. » Voici, d'après l'État de la France sous Charles IX (tome I), le récit des fêtes célébrées en 1592, pour le mariage du roi de Navarre avec Marguerite : « Le dimanche 17 d'aoust, jour des fiançailles, on souppa et balla au Louvre. Le lendemain au soir, après le mariage à Notre-Dame et le dîner à l'évêché, le roy festoya en la grand'salle du palais les princes et princesses, les cours de parlements, les aydes, chambre des comptes et des monnoies. Apprès soupper fut commencé le bal par le roy; cela dura peu à cause de la masquarade où le roy étoit. Premièrement se présentoient trois grands chariots qui étoient trois rochers ou écueils de mer tout argentés, et sur chacun y avoit cinq musiciens jouant de diverses sortes d'instruments. Sur l'un d'eux étoit ce chantre si renommé, Étienne Leroy, qui faisoit retentir toute la salle de sa voix harmonieuse. Après venoient sept autres chariots aussi argentés, dont trois étoient des rochers couverts |