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l'on y rencontre dans chaque ville, et qui ne le cedent assurément point en étrangeté aux fêtes du Midi. C'est en effet dans la Flandre et dans l'Artois qu'il faut aller pour voir figurer, comme en plein moyen âge, dans de brillantes processions, des gargouilles, des géants, des saints, des diables, tous l'appareil enfin du paradis et de l'enfer.

A Cambrai, le jour de la ducasse, on voyait autrefois s'avancer par la ville eing chars de triomphe, sur l'un desquels etait l'image de la Vierge, entourée de jeunes filles vêtues de blanc, et qui chantaient des cantiques en l'honneur de Marie.

On ne sait rien de positif sur l'institution de cette fête, la plus célèbre de celles de la province, ni sur l'époque où elle eut lieu pour la première fois. On pense que son origine remonte à une procession de reliques que fit, en 1220, l'évêque Godefroi de Fontaine ; mais rien ne coufirme cette version. Célébrée d'abord le lundi de la Trinité, elle fut, en 1682, remise au 18 août.

Le premier char de triomphe représentait l'Assomption. Un immense manteau bleu couvrait les épaules d'une jeune fille assise sur un trône, et soutenue par de grands anges en peinture. A un signal, une machine élevait le trône à une hauteur prodigieuse, et redescendait ensuite tout doucement.

Sur le devant du char, on voyait le tombeau de la Vierge et les douze apôtres.

Tout en bas, le diable se battait avec l'archange saint Michel; il blasphemait à cœur joie, et disait des bons mots qui faisaient au peuple et aux curieux beaucoup de plaisir. Quand saint Michel n'avait plus de bonnes raisons à donner au diable, il lui assenait un coup d'épée. Le diable tombait en hurlant, et une grande banderole de drap rouge, qui lui sortait du ventre, simulait le sang de la blessure.

Les autres chars, dit un vieux programme, représentaient quelques-uns des plus beaux faits choisis dans la sainte Ecriture.

Telle était la fête de Cambrai, en 1715.

Nous ne suivrons pas cette fête dans les différents changements qu'elle a su

bis jusqu'à nous. Disons seulement, qu'aujourd'hui, elle ne présente plus de caractère religieux, et que ses chars ne sont plus chargés que de jeunes filles.

A Valenciennes, c'étaient aussi des chars de triomphe, escortés d'une cavalerie bourgeoise qui se recrutait parmi les northiers (petits cultivateurs.) La fête sé célébrait le 8 septembre, en commémoration d'un bienfait de la Vierge, qui, en 1008, avait delivré la ville de la peste, en la ceignant d'un cordon miraculeux. Le lendemain de la procession, on promenait dans les rues un mannequin d'osier, représentant le brigand Anéen, qui avait tenté de voler cette précieuse relique; ce mannequin était ensuite attache à un pal. Il tenait d'une main un écusson garui de bagues, de l'autre un fouet, et servait de plastron aux coureurs de bague. Quand un maladroit frappait l'écusson, le mannequin se tournait brusquement, et lui lançait un coup de fouet, aux grands applaudissements des spectateurs.

Enfin, il n'est personne qui n'ait entendu parler de la fête de Douay, de la célèbre procession du géant Gayant et de sa famille. Un chevalier de ce nom sauva, dit-on, jadis, la ville assiégée par les Sarrasins. Suivant une autre tradition, la fondation de cette fête serait due à un miracle de saint Maurand, qui descendit du ciel pour défendre seul la porte de la ville, que l'amiral de Coligny avait essayé de surprendre, la veille des Rois. Mais ces deux origines sont également erronées ; une pièce authentique, existant dans les archives de Douay, fait remonter la procession à 1480, et porte qu'elle a été instituée « en l'hon

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neur de Dieu, de toute la cour célestiale, << et de monseigneur saint Maurand << pour rendre gràce que tel jour, 6 juin, «< cette ville fut gardée et conservée de l'emprinse que y firent les François « (l'année précédente), pour le cuider s'en prendre. » Quoi qu'il en soit, elle existait depuis 50 ou 60 ans, lorsque Charles-Quint y introduisit des figures gigantesques, comme il le fit à Dunkerque, à Lille (*), à Bruges, à Bruxel

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(*) Le géant de Lille s'appelait Phihar. On le disait assassin de Salvaer, prince de Dijon, dont le fils avait vengé ce meurtre et était devenu forestier de Flandre.

les, etc. Les souvenirs de la délivrance de la patrie prirent un corps dans la personne de Gayant. Les habitants de Douay se montrèrent reconnaissants envers lui, comme ceux de Beauvais envers Jeanne Hachette, comme les Orléanais envers Jeanne d'Arc (*).

Chaque année, le dimanche le plus voisin du 6 juin, ils promènent dans leurs rues un mannequin d'osier, que surmonte une tête de bois, peinte et ciselée, dit la tradition, par Rubens. Une riche armure du douzième siècle recouvre ce mannequin, haut de 20 à 30 pieds, et grâce à la cotte de mailles qui descend jusqu'à terre, on n'aperçoit pas les dix ou douze hommes qui font mouvoir le colosse. La lance au poing, l'épée au côté, le casque en tête et l'écu au cou, Gayant s'avance lentement, accompagné de sa femme, un peu moins grande, et n'ayant guère que 20 pieds. Près de ce couple, bondissent trois enfants, hauts de 12 à 15 pieds, et que le peuple salue des noms de Jacot, Fillion et Binbin. A côté, caracole le fou des canonniers, imitation du Sot-Seuris de Cambrai. (Voyez Fous.) Derrière Gayant vient la roue de fortune. Enfin, quatre autres chars de triomphe suivaient encore, au temps où la procession se célébrait dans toute sa pompe primitive. Ce divertissement tient, à ce qu'il paraît, fort à cœur aux Douaisiens. En 1745, le lendemain de la prise de Tournay, à laquelle avait concouru une compagnie composée presque tout entière de Douaisiens, le capitaine ne trouva plus, près de lui, un seul de ses soldats; mais il ne s'en étonna point, car il était Flamand: « Soyez tranquilles, mes<< sieurs, dit-il aux officiers qu'alarmait « cette désertion; c'est aujourd'hui Gayant; ils sont allés voir leur grandpère; ils reviendront tous demain. » En effet, le lendemain, tous avaient rejoint leurs drapeaux. En 1765, pareille chose arriva à Strasbourg, dans le régiment d'Auvergne, où se trouvaient un grand nombre de Douaisiens.

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La fête de Lille tenait des fêtes de Douay et de Cambrai ; Marguerite, com

(*) Arras, Châteaudun, la Ferté-Milon, Péronne, etc., avaient de même des processions destinées à rappeler le souvenir de la levée de quelque siége fameux.

tesse de Flandre, l'avait instituée en 1269; sa célébration était fixée au dimanche dans l'octave de la Fête-Dieu. On y portait toutes les châsses des saints dont les églises et les couvents possédaient des reliques. Les corps de métiers y tenaient leur place et y portaient les images de leur patron. Les quatre compagnies bourgeoises de canonniers, archers, arbalétriers et tireurs d'armes, ouvraient la marche : chaque compagnie avait ses valets habillés grotesquement, et qui faisaient toutes sortes de folies pour faire ranger le peuple: venaient ensuite des chars de triomphe, garnis d'enfants parés avec soin, et représentant le paradis, la cour des anges, l'enfer, etc.

Lille avait encore jadis une autre fête fameuse, et qui remontait à l'an 1220 c'était celle du roi de l'épinette. Voici quelques détails sur cette solennité, supprimée depuis 1486, mais dont les habitants de Lille conservent, par la tradition, le souvenir :

Le roi de l'épinette, ou sire de joie, était élu pour un an, le jour du mardi gras; amené aussitôt sur la place publique, il recevait, des mains d'un héraut d'armes, une branche d'épines, symbole ingénieux de la royauté; puis, il était reconduit en grande pompe à son domicile. Le lendemain, on réglait le détail des joutes qui devaient être célébrées. Le vendredi, le roi allait près de Lille, à Templemars, demander à saint George un heureux règne ; et dans toutes ses courses, il était accompagné de femmes vêtues en amazones, de chevaliers, et d'une grande foule de peuple. Le dimanche commençaient les joutes, où le vainqueur recevait, des mains des dames, un épervier d'or; il était ensuite porté en triomphe à l'hôtel de ville, entouré des quatre plus belles demoiselles de la ville, qui le tenaient par des rubans d'or; les magistrats lui offraient ensuite un magnifique festin.

Les premiers jours de la fête, le roi restait simple spectateur des joutes; mais, durant les quatre derniers, il entrait en lice avec le vainqueur, pour combattre à tous venants. En effet, des troupes de jouteurs arrivaient alors des villes voisines, accoutrés de vêtements bizarres ; les uns vêtus en moines blancs,

les autres en sauvages, ou en esclaves, ou en chevaliers errants. Le roi, non moins extraordinairement travesti, allait au-devant de ces compagnies, et les ramenait dans la ville au bruit des ins

truments.

Depuis le mercredi saint jusqu'au mardi suivant, le roi logeait au couvent des Dominicains, où il honorait la relique de la Sainte-Epine, et devait avec toute sa cour entendre le sermon de la Passion. A la fin de son règne, avant d'abdiquer, il invitait chez lui, le dimanche avant les Cendres, les principaux habitants et ceux qui avant lui avaient porté le sceptre de l'épinette. C'était dans un festin qu'il leur faisait ses adieux.

Les comtes de Flandre, les ducs de Bourgogne assistèrent souvent aux joutes de l'épinette; les derniers même décernèrent aux rois de cette fête des titres de noblesse, dans le but, sans doute, de donner plus de solennité à une cérémonie qui attirait en Flandre un grand nombre d'étrangers, et augmentait considérablement le produit des péages. Philippe de Valois exempta ces joutes de la proscription dont il frappa les tournois par son édit du 4 février 1328. Louis XI fit plus pendant son séjour à Lille, en 1464, il jouta en personne contre le roi de l'épinette.

Cependant, malgré ces honneurs, et même à cause de ces honneurs, les bourgeois élus à la royauté du mardi gras finirent par trouver cette distinction trop onéreuse. On fut obligé de les contraindre à se laisser faire rois, et l'on en cite un qui préféra la prison à la royauté. Philippe le Bon permit alors aux magistrats de lever quelques impôts sur les draps, le poisson, etc., et d'en consacrer le produit à fournir au roi une subvention de onze cents livres et un cadeau de cent livres aux jouteurs. La ville y ajouta un présent d'un muid de vin.

Enfin, il existe encore à Lille, outre la fête patronale, une fête du broquelet qui a lieu le jour de Saint-Nicolas, et a pour but de célébrer l'invention de la dentelle.

L'empressement des Flamands pour ces sortes de réjouissances a été de toutes les époques. Charles-Quint et

Philippe IV publièrent en vain des ordonnances qui défendaient de prolonger les réunions champêtres, connues sous le nom de ducasses (voyez ce mot) ou kermesses, au delà d'un jour; les goûts du peuple prévalurent contre les volontés souveraines. De nos jours encore, on se porte en foule à ces solennités communales qu'animent les jeux de toute espèce, les plaisirs de la table et ceux de la danse. Les villes inventent même presque tous les ans une fête nouvelle. La fête des Incas, par exemple, célébrée à Valenciennes le mercredi des Cendres, est instituée depuis trèspeu d'années seulement. Quelques personnes avaient conçu l'idée charitable de prendre des travestissements durant le carnaval, et de solliciter de la commisération publique des secours pour les pauvres. Cette association devint très-nombreuse, et donna naissance à une fête brillante, que l'on appelle les Incas ou la marche du Panca. Qu'estce que le Panca? Nul autre que le mardi gras, ou saint Pansard, le dieu de Rabelais et des Flamands, le dieu de la panse, de la bonne chère.

Dans l'origine, les acteurs de cette journée s'habillaient en Indiens; de là leur dénomination.

Les Amiénois, outre leurs combats de coqs, qui se donnaient au jeudi gras, avaient encore autrefois la fête du Mahonage: c'était un combat à coups de poing_auquel tout le peuple prenait part. Les habitants de toutes les paroisses, divisés en deux partis, se rendaient sur les remparts de deux côtés différents là, il s'engageait une lutte souvent ensanglantée, et qui durait jusqu'au moment où une des armées était repoussée jusqu'à un lieu désigné. Les magistrats voulurent interdire, en 1515, cet usage; mais François Ier ayant assisté à un mahonage, approuva cet exercice comme digne d'une ville frontière, et propre à rendre la jeunesse adroite et vigoureuse. L'usage de cette joute n'a été supprimé que dans le dix-huitième siècle.

En Provence, où le climat semble porter à la gaieté, les fêtes locales sont aussi en grand honneur. Chaque village a la sienne, où toutes les communes circonvoisines viennent prendre part.

Dans le département des Bouches-duRhône, ces fêtes sont connues sous trois noms différents : elles s'appellent Trins à Marseille, Joumavagis à Aix, et Votes dans les contrées de Lambesc et d'Istres.

Tantôt, au son du tambourin et d'une flûte champêtre, le Provençal s'anime à la danse de la farandole (voyez ce mot); tantôt la religion prête à ses jeux une pompe majestueuse. A Tarascon, le jour de la Pentecôte et le jour de Sainte-Marthe, après une procession pieuse, où assiste un clergé nombreux, commence une autre scène : on promène dans les rues une figure grossière, la Tarasque. C'est un dragon dont le corps, formé de cerceaux recouverts de toile peinte, porte sur le dos une espèce de bouclier hérissé de cornes droites, et ressemblant assez à la carapace d'une tortue. La procession de la Tarasque est une véritable saturnale; tout y est permis; on arrose d'eau les spectateurs; on leur jette des herbes qui font enfler la peau. Deux piquets sont plantés en terre, et la corde qui les joint renverse les étourdis. Un joli enfant bizarrement vêtu excite la curiosité; mais malheur à ceux qui s'approchent; on leur frotte la figure avec de l'huile fétide. Des crocheteurs portent un tonneau plein, font boire de force, et inondent les gens qu'ils peuvent attraper. Ces gentillesses, ainsi que la fête et la procession, reproduisent le dixième siècle dans le dix-neuvième.

Lorsqu'on promène le dragon, les hommes placés dans le corps de la machine font mouvoir une poutre qui joue le rôle de la queue de l'animal, et personne ne plaint ceux qui ne sont pas assez lestes pour en éviter les coups. Qu'a fa la Tarasco? A roumpu un jasioou. Piscio fai. — A tua un uganaou. A ben fai. Mai a tua un catoli. Perque se li trouvaro? (Qu'a fait la Tarasque? Elle a rompu un juif. Petite affaire. Elle a tué un huguenot. · Elle a bien fait. Mais elle a aussi tué un catholique. — Pourquoi s'y trouvait-il?)

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La procession d'Aix est encore plus célèbre. Cette fête avait été instituée vers 1462, par René d'Anjou, comte de Provence, grand amateur de cérémo

nies, de vignettes et de plain-chant. Plein de l'esprit de son siècle, il voulut orner la fête du Saint-Sacrement d'une espèce de tournoi, où l'on verrait jouter entre eux les dieux de la Fable et les personnages les plus célèbres de l'Ancien et du Nouveau Testament, le tout par allusion au triomphe du christianisme sur le paganisme. Peu de jours avant la Fête-Dieu, on fixait l'ordre des cérémonies. Les habitants de toutes les classes se réunissaient à l'hôtel de ville, sous l'autorité et avec le consentement des consuls, pour élire les grands dignitaires de la cérémonie. Un prince d'amour était choisi ordinairement dans la première noblesse de la ville. Un duc d'Urbin, qu'on appela par la suite l'abbé de la ville, était pris dans les rangs de la bourgeoisie. Les avocats, les procureurs, les clercs, élisaient aussi un roi de la basoche, chargé de la police du tournoi.

Pendant la marche du cortége, le prince d'amour devait faire distribuer des bouquets aux dames par des varlets.

Le jour de la procession arrivé, on voyait d'abord paraître à cheval la Renommée avec sa trompette; derrière elle venaient les chevaliers du croissant; une musique militaire separait ce groupe du duc et de la duchesse, montés sur des ânes. Les piteuses figures de ces malheureux princes rappelaient un des trophées de René, qui avait vaincu Urbin en 1460. Les vociférations et les railleries du peuple accueillaient toujours le représentant de ce géneral malheureux. Puis s'avançaient à cheval les dieux de la Fable: Saturne, Jupiter, Mercure, la Nuit, Momus avec une marotte et un costume garni de grelots. Ces personnages étaient suivis de Moïse, d'Aaron, des juifs, du veau d'or. Au milieu de tout cela paraissait le jeu du chat (lou jouec dau cat), lequel consistait à jeter un chat en l'air et à le retenir dans sa chute. Plus loin, voyait saint Christophe portant le Sauveur du monde sur ses épaules; Pluton et Proserpine à cheval, habillés de noir et portani les clefs de leur sombre empire, et les acteurs chargés du petit jeu des diables. Un enfant vêtu de blanc figurait une âme; elle tenait une croix

on

à la main et avait à côté d'elle un ange gardien. Les diables en vêtements horribles, chargés de grelots, armés de fouets et de fourches, l'entouraient de toutes parts; l'ange la défendait; mais il était lui-même attaqué par un diable armé d'une massue, et qui le frappait impitoyablement sur les épaules: l'ange avait eu soin de les garnir de coussins revêtus d'une espèce de cuirasse, et les coups retentissaient sans lui faire de mal. Au troisième coup, l'ange sautait, l'âme l'embrassait, et le combat était fini. Alors commençait un autre com bat, qu'on appelait le grand jeu des diables. C'était Hérode qui en faisait les honneurs. Armes de fusils, les soldats du tyran tuaient les enfants de Bethleem qui tombaient en poussant de grands cris. Mais bientôt une douzaine de démons entouraient le prince avec de longues fourches. Le pauvre homme, armé de son sceptre et la couronne en tête, se défendait comme roi responsable; enfin, après quelques moments d'un combat opiniâtre, il faisait un saut, et les diables le quittaient jusqu'à nouvel ordre.

A leur suite paraissaient Neptune et Amphitrite à cheval, suivis d'une troupe de faunes et de dryades dansant au son du tambourin; puis Pan et la nymphe Syrinx; Bacchus sur un tonneau; Mars et Minerve à cheval; Apollon et Diane; la reine de Saba au milieu des fanfares, suivie de ses dames du palais; les cheraouz frux (chevaux fringants), superbes coursiers en carton; les grands danseurs et les petits danseurs, parmi lesquels on remarquait le ballet des teigneux, ou des rascassetos; puis un char portant Junon, Vénus vêtue trèslégèrement; Cupidon, les Jeux, les Ris et les Plaisirs; enfin, un autre char pour les trois Parques. Cette marche était terminée par des tambours et des fifres.

Outre le jeu des diables, on représentait encore le jeu de la mort. C'était un spectre hideux élevé sur des ossements, et brandissant sa faux de tous côtés. Une troupe de jeunes pages égayaient la scène par des gestes et des mouvements fort licencieux; puis, derrière ces différents acteurs, s'avançaient Ja bannière, la croix, le clergé, le saint

sacrement, suivis des corps de la ville et des magistrats.

En 1645, et principalement en 1680, les archevêques d'Aix voulurent supprimer les scenes profanes de la cérémonie; mais le peuple, mecontent, menaça de brûler l'archevêché, et les prélats renoncerent à leurs censures, qui ne se renouvelèrent plus. La révolution put seule abolir la fête d'Aix. Cependant, après le concordat, une imitation dégénérée de ces bizarres solennités fut encore donnée en l'honneur d'une sœur de Napoléon.

Dans presque toute la Provence, le premier jour de mai est signalé par la fete de la Maye. On y célèbre le retour du printemps en promenant une jeune fille parée de fleurs; peut-être est-ce un reste des cérémonies du culte voué jadis par les Provençaux à Vénus.

Ce n'est pas d'ailleurs la seule des fêtes provençales qui remonte à une si haute antiquité. Près du village de Pourrières, sur la route d'Aix à SaintMaximin, se trouve la montagne de Sainte- Victoire ou de la Victoire (*), qui domine le champ de bataille ou Marius défit les Teutons. Tous les ans, le 23 avril, les habitants des environs célèbrent une fête commémorative de cet événement. Voici la description qu'en a donnée Millin : « Le bruit du tambour rassemble les habitants; les enfants, les garçons, les jeunes filles, et même des vieillards se réunissent. Ils choisissent, pour les conduire, un chef chargé de pourvoir à la subsistance de cette petite troupe. Tous partent le soir au son d'une musique guerrière. Arrivés sur la montagne, au lieu de se livrer au repos, ils s'occupent à ramasser du bois, en construisent un bûcher, et y mettent le feu, après s'être couvert la tête de fleurs. Alors le roulement du tambour redouble; on forme des ronds joyeux et des farandoles bruyantes autour du bûcher, qui semble encore consumer les dépouilles des barbares; la montagne retentit de cris de joie, et partout on entend répéter avec une espèce de délire : Victoire! victoire!

Ensuite la troupe, satisfaite d'avoir

(*) L'épithète de sainte n'a été sans doute ajoutée qu'au moyen âge.

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