L'univers DICTIONNAIRE ENGYCLOPÉDIQUE, PAR M. PH. LE BAS, MEMBRE DE L'INSTITUT (ACADÉMJE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES), MAITRE DE CONFÉRENCES A L’ÉCOLE NORMALE, ETC. FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS, IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'INSTITUT, AUB JACOB, NO 56. 1842. (C FÊTES. Nous croyons devoir diviser le boeuf rillé, violé ou viellé, sans doute cet article en quatre paragraphes. Dans parce que l'animal était promene par 1.2 le premier nous traiterons des fêtes pé- ville au son des violons et des vielles. riodiques et locales; dans le deuxième, Voici en quels termes un auteur du des fêtes royales et aristocratiques sous dix-huitième siècle décrit cette cérémol'ancienne monarchie; dans le troisième, nie, telle qu'il la vit célébrer à Paris, en des fêtes nationales; enfin, le quatrième 1739 : sera consacré aux fêtes religieuses. Les garcons de la boucherie de l'Apport - Paris n'attendirent pas en 1. Fétes périodiques et locales. cette année le jour ordinaire ( le jeudi Parmi les fêtes qui semblent nous qui précede le dernier jour du carnaval), avoir été léguées par le paganisme , il pour faire leur cérémonie du baufgras: faut mettre en première ligne la prome le mercredi matin, veille du jeudi gras, nade du bouf gras, cet usage bizarre ils promenèrent par la ville un bæut qui ne s'observe plus aujourd'hui qu'à qui avait sur la tête, au lieu d'aigrette, Paris("), mais qui, autrefois, avait lieu une grosse branche de laurier-cerise; il dans plusieurs provinces , et s'appelait était couvert d'un tapis qui lui servait de housse. » Ce bouf, ajoute-t-il, était (") Les Parisii adoraient le taureau zodiacal; c'est ce que prouve la découverte que l'on paré comme les victimes que les anciens fit à Notre-Dame d'un monument dont les immolaient à leurs dicux: il portait sur bas-reliefs représentaient, parmi plisieurs son dos un enfant décoré d'un ruban divinités gauloises et romaines , ce taureau bleu passé en écharpe, et tenant d'une revêtu de l'étole sacrée et surmonté de trois main une épée nue, et de l'autre un grues, oiseaux de bon augure. La promenade sceptre doré. Cet enfant, appelé le roi du boeuf graz serait donc un reste des céré- des bouchers , était escorté par une monies célébrées à l'équinoxe du printemps, quinzaine de garçons, vêtus de corsets à l'entrée du soleil dans le signe du taureau. rouges avec des trousses blanches, et T. VIII. 1re Livraison. (DICT. ENCYCLOP., ETC.) 1 M169221 : coiffés de turbans ou de toques. Cette abondance. Le soldat fut pris, attaché mascarade était précédée de fifres , de à un poteau, en face de l'image miracuviolons et de tambours. « Ils parcouru- leuse, et frappé depuis 6 heures du marent dans cet équipage plusieurs quar. tin jusqu'au soir, avec une telle barbatiers de la ville, se rendirent aux mai- rie, que les entrailles lui sortaient du sons des divers magistrats, et ne trou- corps. On lui perça la langue avee un vant pas dans la sienne le premier pré- fer rouge, et ensuite on le jeta au feu. sident du parlement, ils se décidèrent C'est, dit-on, en mémoire de ce crime à faire monter dans la grand'salle du que se faisait la procession de cette palais, par l'escalier de la Sainte-Cha figure gigantesque. Toutefois, l'auteur pelle, le beuf gras et son escorte. Et, du Journal des bourgeois de Paris, leaprès s'être présentés au président, ils quel a parlé, au 3 juillet 1418, des évépromenèrent le pauvre animal dans di- nements de ce jour, ne dit rien ni du verses salles du palais, et le firent des sacrilege, ni du miracle, ni du supplice; cendre par l'escalier de la cour neuve, il fait mention seulement d'une belle du côté de la place Dauphine. » Le len- procession qui eut lieu ce jour-là. De demain la même cérémonie se renou- plus, de nombreuses contradictions se vela : les bouchers des autres quartiers rencontrent entre les diverses relations de Paris promenèrent aussi par la ville qui, toutes , ont été, pour la première leur bæuf gras, sans toutefois le faire fois, écrites environ 150 ans après l'émonter dans les salles du palais. vénement. Des feux de joie ou d'artifice, Cette fête cessa pendant la révolu- la promenade d'un mannequin énorme tion; mais elle fut remise en vigueur ont-ils, d'ailleurs, quelque analogie avec sous l'empire. Depuis elle a perdu , la profanation commise par un fou fucomme le carnaval, une grande partie rieux, puni d'un horrible supplice ? de sa splendeur. L'esprit public a fait Il est assez probable que cette céréjustice de ces folies, presque toujours monie avait lieu bien avant le quinjicencieuses, auxquelles ne prend part zième siècle, et qu'il faut en chercher maintenant qu'une certaine classe de l'origine dans les anciennes fêtes du gens. solstice d'été. On fabrique aussi, dans Les Parisiens célébraient encore au- plusieurs villes de France, aux fêtes de trefois une fête , dont l'origine ne sem- saint Jean et de saint Pierre , des manble pas moins ancienne que celle du nequins que l'on brûle dans un feu de bouf gras. Tous les ans , les habitants joie, comme on faisait à Paris : ces fêde la rue aux Ours faisaient fabriquer tes, qui se célèbrent à l'époque du solsun mannequin d'environ 20 pieds de tice d'été, sont une allégorie du triomhaut, qui représentait un homme tenant phe du soleil sur les ténèbres. Le peren main un poignard. Il était, pendant sonnage du géant a toujours eu un plusieurs jours , promené dans les rues caractère hostile; ainsi qu'à Rome et de Paris par des porteurs qui ne man- en Égypte, il représentait, à Paris, un quaient pas de faire la quête; ensuite, être odieux dont on voulait se venger. on le condamnait à être brûlé dans la Mais aujourd'hui Paris est la ville de rue aux Ours. Cette exécution a, pen- France où il subsiste le moins de traces dant longtemps, été accompagnée d'un de l'originalité des mœurs antiques, et feu d'artifice , qu'en 1743 la police fit c'est à peine si le bouf gras a survécu supprimer , à cause des accidents qui aux autres fêtes locales. Il nous faut, pouvaient en résulter dans une rue pour trouver ce qui reste des vieux usaaussi étroite. Voici, suivant le vulgaire, ges, parcourir nos diverses provinces : l'origine de cette cérémonie : Le 3 juil- commençons par les departements seplet 1418, un soldat suisse, sortant d'un tentrionaux. cabaret où il avait perdu son argent au Les départements du Nord sont une jeu , osa , dans son désespoir , frapper contrée pleine de poésie, et ceux-là en d'un coup de couteau une image de la ont une bien fausse idée qui accusent de Vierge, placée au coin de la rue aux froideur d'imagination les habitants de Ours et de celle de Salle au-Comte ; le cette partie de la France. C'est qu'ils coup fit jaillir de la pierre du sang en n'ont pas assisté à ces fêtes bizarres que |