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Depuis le 31 mai jusqu'à l'établissement du gouvernement révolutionnaire, la convention n'a point rendu d'importants décrets contre le catholicisme, par la raison bien simple que la persécution religieuse était, avant la chute des girondins, arrivée à son apogée. Déjà des prêtres coupables d'avoir exercé en France leur ministère avaient été mis à mort. Il ne restait plus aux prêtrophobes qu'à se défaire de l'église constitutionnelle. Depuis le 10 août, ils lui avaient déjà porté de graves atteintes. De juin à novembre 1793, ils préparèrent son abolition.

Le 7 juin, la convention ordonne au comité de salut public de préparer des vaisseaux pour expédier en Guyane les prêtres réfractaires déjà condamnés à la déportation. Mais, depuis quelque temps, jacobins et cordeliers déclament tout autant contre les constitutionnels que contre les réfractaires, et beaucoup de personnes s'attendent à voir ces énergumènes réclamer aussi leur déportation. La convention veut amadouer les naïfs, et leur faire croire que le coup d'État du 2 juin n'entraînera aucune proscription; aussi elle décrète le même jour «< que tout membre qui se permettra dans son sein de demander la déportation des prêtres qui se sont soumis à la loi, et sont salariés des deniers publics, sera envoyé pour huit jours à l'Abbaye ».

Le 25 juin, la convention constitue un nouveau département, celui de Vaucluse, et décide que les électeurs seront convoqués pour procéder à l'élection de l'administration, du

tous les siècles... Qui porterait obstacle à ce que le vœu du peuple soit exprimé sur la constitution ?... Des prêtres? Mais leur subsistance est liée à la dette publique garantie par cette constitution même.... Des fanatiques? Mais nous avons assuré la liberté des opinions et le libre exercice des cultes. » A la fin du rapport, pour mieux séduire les assemblées primaires, Barère annonce que la convention se dissoudra après le 11 août, jour du recensement des votes sur l'acceptation de la constitution. « Après cette époque solennelle, un gouvernement énergique doit naître, l'ordre public doit s'affermir et une nouvelle assemblée nationale, dont on a tant de fois réclamé la réélection des députés, fera les lois civiles... Le peuple formera une nouvelle représentation investie d'une confiance plus récente et plus immédiate. » Et les affidés des jacobins disaient aux naïfs et aux peureux : « A quoi bon protester et s'exposer à la guerre civile en faveur des députés expulsés le 2 juin, puisque la convention va se dissoudre et que vous allez être libres de les nommer? »

tribunal criminel et de l'évêque. L'établissement d'un département nouveau rendait donc nécessaire un nouvel évêché constitutionnel. Le 27, pour mieux rassurer encore les partisans de la constitution civile, elle décrète, sur le rapport du comité de salut public, « que le traitement des ecclésiastiques fait partie de la dette publique »>. Quel bon billet pour l'église constitutionnelle!

Du reste, la convention s'appliqua immédiatement à rogner le budget qu'elle venait de lui garantir. Le 1er juillet, Mallarmé, au nom du comité des finances, lui propose de supprimer une partie des vicaires épiscopaux, parce que « la majorité de ces fonctionnaires salariés par la république reste oisive au sein des villes chefs-lieux de département, tandis que beaucoup de cures vacantes ne sont pas desservies ». En effet, le clergé constitutionnel, qui n'avait jamais été nombreux, s'était affaibli depuis quelque temps par des désertions. Certains ecclésiastiques, pressentant l'abolition prochaine de leur église, quittaient leurs cures, et se faisaient donner des fonctions civiles en récompense des services qu'ils avaient rendus à la révolution. Mallarmé proposa de réduire au tiers le nombre des vicaires épiscopaux et d'accorder aux évêques le droit de choisir ceux qui resteraient attachés à leur conseil; les vicaires supprimés recevraient la moitié de leurs traitements; ceux qui accepteraient des cures recevraient en plus de leur traitement de curés le tiers de ce qu'ils recevaient comme vicaires. Taillefer, Dartigoyte, Jean Bon-Saint-André, trouvèrent ce projet très imprudent et en demandèrent le rejet. Grégoire, au contraire, le défendit avec vivacité. La convention était très indécise: une partie des députés voyait dans le décret proposé l'occasion de réaliser une économie; les autres, quoique déterminés, aussi bien qu'eux, à abolir bientôt l'église constitutionnelle, craignaient de démasquer trop vite leurs projets. La discussion fut d'abord ajournée, puis le décret d'ajournement rapporté. Dartigoyte combattit de nouveau le projet comme impolitique à plusieurs points de vue; d'abord comme augmentant « la puissance et l'arbitraire des évêques, et c'est là sans doute ce qui engage les évêques de cette assemblée à appuyer la suppression des membres de leur conseil avec tant de chaleur »... Ensuite il objecta la

déclaration récente de la convention que ces traitements faisaient partie de la dette publique; il déclara qu'il fallait bien se garder d'exciter des inquiétudes sur l'existence du clergé constitutionnel, et d'alarmer les malveillants «< au moment de l'acceptation de la constitution ». Dartigoyte devait, quelques mois plus tard, abolir l'église constitutionnelle avec beaucoup de scandale; le projet de Mallarmé rentrait parfaitement dans ses vues; mais il sentait la nécessité de ne pas effrayer les départements. Basire dénonça les constitutionnels comme des partisans des girondins et proposa de décréter que pour remplir les places vacantes, les évêques seraient tenus de donner des cures aux vicaires épiscopaux qui ne leur seraient pas absolument nécessaires. Sur la proposition de Mallarmé, la convention prit le décret suivant :

«< Considérant que le nombre des vicaires épiscopaux est plus considérable que n'exigent leurs fonctions; que beaucoup de paroisses de campagne manquent de curés ou de desservants, décrète que les évêques seront tenus de faire desservir les paroisses vacantes par leurs vicaires épiscopaux, jusqu'à la prochaine réunion des assemblées électorales, et que lesdits vicaires nommés par les évêques seront tenus de desservir les paroisses, sous peine de privation de leurs traitements, et renvoie aux comités des finances et de législation réunis, la proposition tendante à réduire le nombre des vicaires épiscopaux.

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Quelques semaines après le 2 juin, les jacobins, très inquiets au début, avaient déjà remporté des avantages signalés, grâce à l'irrésolution de leurs adversaires; et toutes les chances paraissaient être en leur faveur. Cependant, ils jouaient toujours leur comédie de modération. Les députés mis en arrestation chez eux n'avaient été emprisonnés que le 24 juin, et plusieurs avaient déjà réussi à s'échapper. Lorsque la constitution fut publiée, quelques agitateurs des cordeliers, dirigés par le prêtre apostat Jacques Roux, qui avait été si brutal et si grossier envers Louis XVI, le 21 janvier, jetèrent les hauts cris parce que la constitution ne contenait rien contre les accapareurs, et présentèrent à la convention une pétition très violente au nom de la section des Gravilliers. Les chefs du jacobinisme furent très irrités de cette incartade, et foudroyèrent ces amis compromettants. Thuriot reprocha à Jacques Roux d'avoir été

prêtre et l'accusa d'être venu « dans une intention perfide ». Robespierre, qui sentait la nécessité de jouer encore la modération, et qui, du reste, par caractère et par système, détestait les turbulents et les indisciplinés, déclama violemment aux Jacobins contre cette pétition :

« Défiez-vous de telles manœuvres ! Défiez-vous de ces ci-devant prêtres coalisés avec les Autrichiens. Prenez garde aux nouveaux masques dont les aristocrates vont se couvrir. J'entrevois un nouveau crime dans l'avenir qui n'est peut-être pas loin d'éclater. »

Voilà bien l'homme qui fera guillotiner les hébertistes. Collot soutint que les ennemis de la république voulaient pouvoir dire aux départements : « Vous voyez, Paris approuve le discours de Jacques Roux. » La pétition fut rétractée, Jacques Roux exclu et conspué.

Mais, lorsque les jacobins furent plus rassurés sur les départements, Saint-Just présenta un rapport demandant que les girondins fussent traduits devant le tribunal révolutionnaire, et le 10 juillet, ce même comité de salut public, qui les avait si perfidement livrés, était renouvelé comme trop modéré (1). Le meurtre de Marat détermina les terroristes à jeter complètement le masque : la plèbe jacobine réclama vengeance à grands cris et ses chefs saisirent avidement ce prétexte pour se débarrasser des girondins. A peine la convention est-elle instruite de la mort de Marat, que Fauchet et Duperret, chez qui Charlotte Corday s'est présentée, sont dénoncés, couverts d'outrages, et décrétés d'arrestation (2). Billaud fit le lendemain un long discours

(1) Bien que Couthon, Saint-Just et Jean Bon-Saint-André lui eussent été adjoints, les jacobins ne le trouvèrent plus à la hauteur des circonstances. Barère et Lindet seuls furent conservés et formèrent le nouveau comité avec Couthon, Hérault-Séchelles, Saint-Just, Thuriot, Jean Bon-Saint-André, Gasparin, Prieur. Robespierre y entra seulement le 26 juillet à la place de Gasparin.

(2) Fauchet, dénoncé par Chabot, demanda la parole. Danton s'écria: « Qu'il ne souille pas la tribune et qu'il passe à la barre ! » Lorsque Fauchet voulut se défendre, Danton, qui le détestait doublement comme girondin et comme évêque opposé au mariage des prêtres, dit ironiquement : « Je demande qu'on entende Fauchet, cet apostat de la liberté; peut-être son discours donnera-t-il lieu à ce qu on le mette en état d'accusation. » Duperret dut, comme Fauchet, s'expliquer à la barre. Son arrestation fit découvrir la fameuse protestation de soixante treize députés contre le 31 mai, qui avait été déposée chez lui.

rempli d'accusations absurdes contre les girondins. De nombreux décrets de proscription furent lancés en quelques jours contre leurs partisans. Le 28, sur le rapport de Barère, l'orateur ordinaire du comité de salut public, Custine, qui avait été si bruyamment exalté par les jacobins comme le général patriote par excellence, est décrété d'accusation comme coupable de trahison avec les alliés et les girondins. Barère demande ensuite à la convention de statuer sur le rapport présenté le 8 par Saint-Just, contre les députés proscrits (1); dix-huit d'entre eux, qui ont pris la fuite, sont déclarés traîtres à la patrie; un décret d'accusation est rendu contre onze autres qui sont prisonniers.

II

Les jacobins, qui voulaient encore attendre un peu avant d'abolir l'église constitutionnelle, crurent alors qu'ils pouvaient se donner la satisfaction de lui imposer définitivement le mariage des prêtres. Le 19 juillet, la convention, saisie de la pétition d'un curé constitutionnel du Coudray, district de Corbeil, qui s'était marié et que ses paroissiens avaient voulu expulser, passa à l'ordre du jour motivé sur ce qu'aucune loi ne peut priver de leur traitement les ministres du culte catholique qui se marient, et ordonna au ministre de la justice de poursuivre les auteurs des troubles qui avaient eu lieu au Coudray à l'occasion de ce mariage. Avant le 2 juin, elle aurait certainement pris la même décision; girondins et jacobins avaient été toujours d'accord pour imposer des prêtres mariés à l'église constitutionnelle. Maintenant, les jacobins veulent trancher souverainement la question et édicter des peines contre ceux qui combattent le mariage des prêtres. Bréard demande que les évêques

(1) Dans ce rapport, les girondins sont représentés comme de royalistes. D'après Saint-Just, en déposant le roi le 10 août, ils ont joué une comédie, en le condamnant le 21 janvier ils en ont joué une autre. Ils ont voulu mettre Philippe-Égalité sur le trône; ils avaient organisé, vers la fin de mai 1793, un complot royaliste; ils devaient proclamer le fils de Louis XVI roi de France et sa mère régente, etc., etc.

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