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les Sept devant Thèbes, dans Ajax, parce qu'après la mort du héros, la pièce continue, et qu'il s'élève un débat au sujet de leur sépulture, ce que ces critiques considèrent comme une action nouvelle. J'avoue que je ne me rangerais pas de leur avis; la sépulture chez les Grecs était un objet si religieux, si important, qu'elle faisait une partie de l'histoire de chaque homme; et qu'elle achevait, pour ainsi dire, sa vie; ajoutez que dans l'une et l'autre pièce les cadavres sont présens aux yeux des spectateurs; et enfin, ce débat sur les honneurs à leur rendre produit de si grandes beautés, surtout dans Ajax, qu'on regretterait qu'il ne se trouvât point dans la pièce, dont il semble faire une partie nécessaire.

7° Je justifierais à peu près de même la fin de l'OEdipe-Roi de Sophocle. On a prétendu que cette fin était inutile, puisque l'action était dénouée, lorsqu'une fois OEdipe est reconnu pour le fils de Laïus, et pour son meurtrier. Corneille et Voltaire ont terminé là leurs tragédies; mais la dernière partie de celle de Sophocle est si pathétique; les douleurs d'OEdipe sont si profondes, si attendrissantes! loin que l'intérêt languisse, il semble augmenter et n'avoir jamais été plus fort qu'au moment où cette grande infortune est dévoilée tout entière. Le spectateur a pris trop d'intérêt à OEdipe et à Jocaste, pour qu'il ne veuille pas savoir ce qu'ils deviennent; et c'est ce que leur apprend cette fin, qui par conséquent n'est pas inutile. Je regrette que Voltaire ne l'ait pas transportée sur la scène française; mais le tems où il a traité ce sujet, l'état de notre théâtre à cette époque, ne le lui ont pas permis; on oserait aujourd'hui davantage, et l'on ferait bien.

8° Quoi qu'en dise le P. Brumoy, il se trouve dans les pièces grecques des scènes épisodiques, des personnages même qu'on pourrait retrancher; tel est le rôle du soldat déguisé en marchand, dans le Philoctete de Sophocle; tel est encore dans l'Antigone du même poëte, le rôle d'Eurydice, qui n'entre

que pour écouter un récit, et qui sort aussitôt après l'avoir entendu; tel est le rôle d'Égée dans la Médée d'Euripide, etc. On en pourrait citer encore quelques autres.

Mais, en général, les tragédies grecques sont courtes, claires, attachantes; l'intérêt n'y languit point; et lors même qu'elles réunissent deux actions, ces deux actions ne sont point mêlées ensemble; la seconde succède à la première, d'une manière assez prompte et assez adroite, pour que le spectateur ou le lecteur, qui se laisse entraîner, s'aperçoive à peine du passage.

N'avons nous pas, dans l'Andromaque de Racine, un exemple d'une duplicité d'action qui ne nuit point à l'intérêt, tant les deux actions sont conduites avec art, tant elles sont enchaînées et nécessaires l'une à l'autre!

Il en faut convenir, il n'y a guère de règle qui ne puisse être combattue par un exemple, et à laquelle on ne puisse opposer un succès contraire. Mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'on puisse et qu'on doive mépriser et rejeter toutes les règles. Elles ne donnent pas le génie; elles ne le remplacent pas; mais elles le servent et le guident vers la perfection de l'art.

ANDRIEUX, de l'Institut.

(La fin au cahier prochain.)

MÉMOIRES SUR LA VIE ET LE Siècle de Salvator ROSA, par Lady MORGAN; traduits de l'anglais par le traducteur de l'ITALIE, du même auteur, et par M... (1).

Lady Morgan, déjà connue par la hardiesse et la singularité de ses productions littéraires, craignant que la mémoire de Salvator Rosa ne fût entièrement perdue chez les Italiens, a voulu la ressusciter, et nous faire mieux apprécier les qualités de cet artiste napolitain, ainsi que l'esprit de son siècle. Elle s'acquitte avec d'autant plus de plaisir de cette nouvelle tâche, qu'elle a trouvé à ce célèbre peintre un caractère extraordinaire pour son siècle, et digne en cela de fixer encore plus notre attention. Malgré la variété des circonstances et des événemens dans lesquels Salvator Rosa se trouva comme entraîné, et qui semblent entrainer aussi parfois son biographe, lady Morgan ne cesse pas de le suivre partout, depuis sa naissance jusqu'au dernier jour de sa vie. Elle retrace son éducation domestique, au sein de la misère la plus affligeante et des préjugés les plus ridicules qui dominaient ses parens; elle signale les indices précoces de son génie, et ses efforts contre la philosophie scolastique de son tems, à laquelle on voulait en vain le soumettre. Les subtilités futiles et rebutantes de cette fausse institution ne firent, au contraire, que l'exciter plus vivement, comme tant d'autres, à s'adonner encore plus aux lettres et aux beaux-arts, et surtout à la musique et à la poésie.

(1) Paris, 1814; Alexis Eymery, libraire, rue Mazarine, no 3o. 2 vol. in-8°; prix 13 fr., et par la poste 16 fr.

La mort de son père et l'indigence de sa famille, l'obligèrent enfin de chercher à tirer parti de ses talens; il embrassa la profession de peintre. Mais, la manière de l'école napolitaine, et plus encore, l'autorité de Joseph Ribera, surnommé le Spagnoletto, qui dominait cette école, en ôtant à Salvator Rosa les moyens de se procurer de l'ouvrage, lui firent, à trois reprises différentes, chercher un asile et quelque fortune à Rome. C'est-là qu'il continua à exercer son art, dans les circonstances les plus décourageantes, et en refusant toujours d'entrer dans aucune des écoles qui régnaient alors. Ne pouvant ainsi se faire assez remarquer, il chercha et trouva un moyen de célébrité dans l'improvisation, et dans le talent de jouer cette comédie, que les Italiens appellent comédie dell' arte. Ce ne fut, en effet, que par le rôle de Coviello ou de Formica qu'il força ses admirateurs à reconnaître, dans le comédien, un peintre encore plus digne de leur admiration.

Les applaudissemens extraordinaires que lui prodiguèrent les Romains, ne lui firent pas oublier sa patrie; il ambitionnait aussi les suffrages de ses compatriotes. Il partit donc pour Naples, et se trouva enveloppé dans la fameuse révolution des Lazzaroni, dont le chef Masaniello devint bientôt le capitaine général du peuple napolitain. Mais, la mort de ce personnage, qui n'eut qu'une existence politique éphémère, le fit bientôt retourner à Rome, où il ne resta pas long-tems tranquille. Ses opinions trop hardies, ses manières trop indépendantes et son mérite supérieur lui attirèrent des persécutions qui l'obligèrent de se retirer à Florence, où bientôt, déployant tous ses talens, il fut généralement honoré par la cour, par les savans, et par le peuple. Après quelques années d'absence, il voulut aussi revoir Rome, où il fut accueilli avec la même faveur qu'auparavant. Les nombreux ouvrages qu'il ne cessa d'exposer au public commandèrent, pendant quelque tems, l'admiration et le respect, même à ses rivaux et à ses ennemis.

Toujours indépendant et souvent bizarre, il se dégoûta quelquefois de son art même, auquel il doit aujourd'hui sa plus grande célébrité. Enfin, après une vie pleine de travaux, de vicissitudes et d'honneurs, sa santé s'altérant de plus en plus, il mourut, en 1673, au milieu de ses amis, dans les bras de sa femme et de ses enfans, et laissa un grand nombre de tableaux de divers genres et quelques satires, qui sont autant de preuves de ses talens et de son esprit.

Tel est à peu près le resumé exact et rapide de la vie de Salvator Rosa, dont lady Morgan a cru pouvoir faire un ouvrage en deux volumes. Sans doute, des lecteurs sévères ou impatiens auront quelque peine à la suivre dans ses excursions trop fréquentes ; ils n'approuveront guère qu'on destine le premier chapitre tout entier à l'histoire de la peinture, depuis le x111e siècle jusqu'au xvii, pour dire à peine que Carlo Maratti et Salvator Rosa ont été les deux derniers maîtres italiens. Ils pourraient reprocher aussi à l'auteur de s'arrêter un peu trop sur des détails minutieux de l'éducation domestique et des premiers voyages du jeune Salvator Rosa; sur l'état politique de Naples, de Rome et de l'Italie; ainsi que sur la musique, la comédie italienne, les masques, les bandits, Masaniello, etc. Il est vrai que lady Morgan nous rappelle souvent, par occasion, des choses plus ou moins curieuses et piquantes ; mais ces détails ne doivent-ils pas faire perdre de vue le sujet principal de son histoire? Lady Morgan elle-même a prévu le danger; elle croit se justifier, en donnant à son ouvrage le titre de Mémoires sur la vie et le siècle de Salvator Rosa. Mais, ce titre est-il suffisant pour transformer une biographie particulière en une histoire presque générale? Sans nous arrêter plus longtems à la critique du plan général de l'ouvrage, nous croyons plus utile de faire quelques observations à l'occasion de certaines propositions historiques, sur lesquelles lady Morgan ne paraît pas toujours aussi exacte que l'exige le genre de rc

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