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par des chaînes en fer. Ces ouvrages grossiers offrent aux hommes, et quelquefois aux bêtes de somme, un passage incommode et dangereux.

Pour appliquer cette idée à la construction des ponts destinés au passage des voitures, il fallait soutenir un plancher droit et horizontal, au moyen de chaînes courbes et flexibles; et il était nécessaire de proportionner tellement l'étendue de la construction, la courbure des chaînes, la résistance et le poids des matériaux, que ce plancher ne fléchit pas sensiblement sous la charge des voitures. M. Finley, propriétaire dans les États-Unis de l'Amérique septentrionale, paraît avoir réussi le premier, il y a vingt-sept ans, dans cette entreprise. Dans les ponts construits sous sa direction, les chaînes sont soutenues par des poteaux placés sur les rives, et le plancher est suspendu au-dessous de ces chaînes par des tiges verticales. Un trèsgrand nombre de ponts établis d'après ce système, et disposés de diverses manières, ont été construits dans les États-Unis. La plus grande ouverture des arches, dans ceux dont nous avons connaissance, est de 74 mètres.

Un ingénieur appartenant au corps des ponts et chaussées de France, M. Bélu, présenta, en 1807, le projet d'une arche suspendue de 250 mètres d'ouverture, destinée à franchir l'un des bras du Rhin, entre Wesel et Ruderich. Cet ingénieur n'avait aucune connaissance des ouvrages existant en Amérique, et il ne paraît pas avoir eu l'idée de placer le plancher du pont au-dessous des chaînes. Dans son projet, les chaînes étaient au contraire placées au-dessous du plancher : on ne pouvait leur donner qu'une très-faible courbure, et elles se trouvaient exposées à une tension très-considérable. Cette construction, quoique plus coûteuse que ne le croyait l'auteur, aurait cependant pu être exécutée : il est très-vraisemblable qu'elle aurait réussi, et l'on doit regretter que son idée n'ait pas été accueillie.

L'application du principe de la suspension à la construction des ponts paraît avoir excité, depuis une dixaine d'années environ, l'attention des ingénieurs anglais. M. Telford a donné, en 1813, le projet d'un très-grand pont de ce genre, qui doit être construit sur la Mersey, dans les environs de Liverpool; ce pont offre une arche de 305 mètres d'ouverture, accompagnée de deux demi-arches de 152 mètres d'ouverture chacune; le plancher est élevé de 21 mètres au-dessus du niveau des hautes eaux. On n'en a pas encore commencé l'exécution.

Depuis ce tems jusqu'à l'année 1819, on a construit, en Angleterre et en Écosse, plusieurs ponts suspendus peu importans, et destinés seulement au passage des personnes à pied : le plus remarquable a 79 mètres d'ouverture. Le plancher est soutenu, dans la plupart de ces ouvrages, par des tiges inclinées qui sont fixées à l'extrémité supérieure de poteaux placés sur les rives, et viennent s'attacher à divers points de ce plancher : un des ponts construits de cette manière a souffert plusieurs accidens, et enfin a été détruit par un coup de vent.

M. Telford a présenté, en 1818, un autre projet, pour la construction d'un pont suspendu sur le bras de mer qui sépare l'île d'Anglesea de l'Angleterre. La longueur du plancher, élevé de 30 mètres au-dessus des hautes marées, est de 152 mètres, et la distance entre les points de suspension des chaînes est de 171 mètres. L'examen de ce projet, par les commissaires de la chambre des communes chargés de la direction des travaux de la route de Londres à Holyhead, a donné lieu à une enquête intéressante, dont les résultats ont fixé les idées sur la résistance du fer, éprouvée par beaucoup d'expériences faites en grand, et sur la force qu'il convenait de donner aux chaînes. Les iningénieurs consultés par les commissaires n'ont élevé aucun doute sur le succès des constructions de ce genre: tous se sont accordés à affirmer que les ponts suspendus pourraient être fréquentés sans danger et sans incommodité par les voitures.

M. Rennie a déclaré qu'il regardait l'introduction de ces nouveaux ponts, comme étant très-avantageuse à l'État. L'exécution du projet de M. Telford a été commencée en 1820, et doit être achevée en 1825.

Le capitaine Brown, propriétaire d'établissemens où l'on fabrique des câbles en fer pour l'usage de la marine, a construit en Angleterre le premier pont suspendu destiné à donner passage aux voitures. Cet ouvrage a été livré au public le 26 juillet 1820: il est situé sur le Tweed, près du port de Berwick. La longueur du plancher est de 110 mètres, et la distance des points de suspension des chaînes, de 132 mètres; la largeur du plancher est de 5 mètres. Depuis l'ouverture de ce pont, le passage y est demeuré constamment libre, et la construction n'a été nullement altérée. Le plancher cède un peu sous la charge des voitures pesantes, et l'élasticité du fer donne lieu à des vibrations sensibles; mais il ne résulte aucun inconvénient de ces effets, dont les édifices les plus massifs, et les ponts de pierre même, ne sont pas entièrement exempts. L'expérience du pont érigé sur le Tweed, dont la construction est très-légère, montre avec certitude que les ponts suspendus, malgré la flexibilité des chaînes et du plancher, peuvent être suffisamment fixes, et que le passage y est aussi sûr et aussi commode que sur les autres ponts. Il n'existe dans celui-ci aucun balancement horizontal, le plancher offrant dans ce sens une résistance suffisante, quoiqu'on n'y ait point employé de pièces dirigées diagonalement.

Les chaînes de fer ont été également appliquées, par le capitaine Brown, à la construction d'un embarcadère, sur le golfe du Forth, près d'Édimbourg. Cet ouvrage consiste dans trois arches de 64 mètres d'ouverture chacune, formant une communication, pour les personnes à pied, entre le rivage et une plate-forme établie en mer sur un pilotis. Il a été construit dans l'été de 1821. Le même ingénieur a établi à Brighton un T. XXII.- Avril 1824.

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embarcadère semblable, dont les dimensions sont plus grandes, et qui doit être actuellement terminé.

Le capitaine Brown paraît attacher beaucoup d'importance à cette application des chaînes à la construction des embarcadères. Il regarde ces ouvrages comme donnant les moyens de faciliter et d'abréger le débarquement et l'embarquement des troupes et des marchandises à bord des bâtimens ; et, dans certains cas, de porter des secours assurés aux vaisseaux menacés par la tempête.

Les derniers ponts suspendus exécutés en Angleterre ont été construits par M. Brunel, ingénieur civil, membre de la Société royale, et doivent être transportés à l'île de Bourbon : l'un est composé de deux demi-arches, et l'autre d'une seule arche, de 37 mètres d'ouverture. Ces ponts donneront passage à des voitures légères. On remarque, dans le premier, l'emploi d'un support placé au milieu de la rivière, et dans tous les deux, l'usage de chaînes inférieures renversées, destinées à maintenir le plancher contre l'action des vents.

M. Dufour, officier du génie, a construit à Genève, en 1823, un pont pour le passage des gens de pied, dont les chaînes sont en fil-de-fer. Ce pont est composé de deux arches, ayant 25 et 33 mètres d'ouverture. La largeur du plancher est de 2 mètres.

On n'indique ici que les constructions les plus importantes. De petits ponts pour le passage des piétons peuvent exciter quelques instans la curiosité, mais n'offrent presque aucun intérêt sous le rapport de l'art.

Le principe de la composition des ponts suspendus est l'emploi du fer forgé tiré dans le sens de la longueur. Le fer est employé de cette manière dans un grand nombre de constructions; et ces exemples ne laissaient aucun doute sur la possibilité de soutenir un pont par des chaînes, en donnant aux anneaux une grosseur suffisante. Il était aisé de prévoir d'ailleurs,

qu'en employant plusieurs chaînes, indépendantes les unes des autres, dont la rupture simultanée ne pourrait être regardée comme possible, on se trouverait à l'abri de tout danger provenant de la fracture accidentelle de quelque pièce. Mais on pouvait craindre que le plancher ne pût être assez fixe et rigide pour donner un passage commode aux voitures les plus pesantes, et ne fût exposé à des balancemens horizontaux, produits par les secousses des voitures, ou par l'action du vent. Il était difficile aussi d'apprécier exactement d'avance la nature et l'étendue des oscillations et des vibrations qui devaient se manifester dans des constructions flexibles, et principalement composées d'une matière aussi élastique que l'est le fer forgé.

L'expérience des ponts exécutés dans les États-Unis de l'Amérique septentrionale et en Angleterre a prononcé sur ces objets. Il est actuellement constaté que ces édifices, dans les proportions adoptées pour le pont construit sur le Tweed, par le capitaine Brown, n'ont pas de balancemens horizontaux ; que le plancher est aussi ferme que l'on puisse le désirer, et que les vibrations dues à l'élasticité de la matière, quoique plus sensibles que dans les ponts ordinaires en bois et en fer fondu, ne sont pas assez grandes pour rendre le passage incommode. Le succès des édifices de ce genre paraît donc assuré, pourvu que l'on donne aux chaînes une force convenable.

Pour que les chaînes aient assez de force, deux conditions doivent être remplies: il faut employer une quantité de fer suffisante, et ce fer doit être bien fabriqué et sans défauts. Il est facile de satisfaire avec certitude à ces deux conditions, puisqu'on peut toujours connaître d'avance, par des calculs trèssimples, les efforts auxquels les chaînes seront exposées, et régler en conséquence les dimensions des fers; et, puisqu'on peut s'assurer, avant l'emploi, de la bonne exécution des pièces, en les soumettant à des efforts surpassant les plus grandes tensions que ces pièces puissent avoir à soutenir. Au moyen de

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