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ces précautions, on ne peut concevoir aucune inquiétude sur la solidité des ouvrages de ce genre, à moins qu'on ne suppose que la qualité des fers doit changer avec le tems. Mais, d'après un examen très-attentif, il y a tout lieu de penser qu'en peignant à l'huile la surface des fers, comme on le fait ordinairement, ce qui suffit pour les préserver de la rouille, les chaînes des ponts suspendus se trouveront à l'abri de toute altération. D'ailleurs, on aura toujours la précaution de disposer ces chaînes de manière que l'on puisse remplacer facilement celles de leurs parties qui paraîtraient défectueuses. La nature de la construction permet, au moyen d'appareils très-simples, sans étayer le pont, et presque sans interrompre le passage, d'élever le plancher, d'accourcir les chaînes, si elles s'étaient allongées par quelque cause que ce fût, et de remplacer en partie ou en totalité les anneaux dont ces chaînes sont formées. Ainsi, en supposant même que les fers viendront à s'altérer avec le tems (ce qui ne paraît pas vraisemblable), la durée des ouvrages de ce genre peut être prolongée autant qu'on le voudra, au moyen de réparations faciles et peu coûteuses. Si les chaînes étaient formées en fil de fer, elles n'offriraient probablement pas la même durée; et, comme, à force égale, les chaînes en fil de fer coûtent autant que celles en fer forgé, il paraît que les dernières doivent toujours être préférées.

La construction d'un pont en maçonnerie exige que des masses énormes soient extraites de la terre, transportées péniblement, et entassées, non sans difficulté et sans danger, sur la rivière qu'il s'agit de traverser. Les ponts suspendus à des chaînes appartiennent évidemment à une industrie plus parfaite. En effet, lorsqu'il s'agit d'établir sur une rivière une communication, l'art consiste à faire le moins de dépense, et à employer le moins de matière qu'il est possible. Les cons-. tructions en chaînes de fer satisfont bien mieux à ces conditions que les constructions en maçonneric; elles coûteront

toujours beaucoup moins, et seront incomparablement plus légères. On peut remarquer aussi que la dépense causée par un pont en pierre est ordinairement employée en très-grande partie à payer des chevaux de transport, et des ouvriers qui exercent une industrie grossière, et gagnent trop peu pour vivre avec aisance. La même dépense, appliquée aux ponts suspendus à des chaînes, sert à développer une industrie plus relevée, qu'il est de l'intérêt de l'État d'encourager, et à faire vivre des ouvriers plus habiles.

La propriété caractéristique de ces ponts consiste en ce qu'ils forment un système flexible qui peut se prêter, sans qu'aucune pièce soit exposée à rompre, à tous les changemens de figure que des causes quelconques tendraient à produire; et qu'après ces changemens, la construction, abandonnée à ellemême, reprend spontanément la figure qui lui avait été donnée. Les ponts ordinaires n'offrent pas la même propriété, et c'est surtout par cette raison qu'il n'est pas possible de donner à leurs arches une ouverture très-considérable. Les ponts suspendus, au contraire, paraissent éminemment propres à franchir sans points d'appui intermédiaires les plus grands espaces; et l'ingénieur qui a construit en Angleterre le premier pont de ce genre destiné au passage des voitures, n'a point hésité à lui donner une étendue qui dépasse beaucoup celle des arches les plus hardies qui aient été faites en fer fondu. On reconnaît effectivement, d'après la manière dont la force des chaînes doit être proportionnée à l'ouverture des arches, que les limites de cette ouverture, dans les ponts suspendus, sont trèsétendues, pourvu que l'on soit le maître d'élever suffisamment les points d'attache des chaînes. On pourrait facilement construire une arche de 500 mètres, avec des supports de 30 mètres de hauteur; et cet édifice, du succès duquel il n'est aucune raison de douter, ne causerait pas une très-grande dépense.

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Une autre propriété particulière aux ponts suspendus, est la facilité avec laquelle on les mettrait en place sans construire de cintre ou d'échafaud. Cette propriété sera précieuse dans beaucoup de circonstances. Il serait très-difficile, et presque impossible, avec les moyens ordinaires, dans le cas où l'ouverture dépasserait 150 ou 200 mètres, de franchir un valon très-escarpé et très-profond, ou un bras de mer agité par les vents. La construction d'un pont suspendu, dans des cas semblables, ne trouverait au contraire aucun obstacle.

On sait que le bois offre une grande résistance aux efforts exercés dans le sens de la longueur des pièces : l'idée d'employer cette matière à la construction des chaînes des ponts suspendus, se présentait naturellement. Des chaînes en bois, seraient aussi légères et beaucoup moins coûteuses que les chaînes en fer; mais, dans les ponts construits de cette manière, les oscillations dues à l'élasticité des matériaux, seraient plus sensibles.

La courbure que les chaînes affectent, lorsqu'elles se mettent en équilibre sous l'action du poids du plancher, diffère très-peu de la parabole. Cette courbure est altérée lors du passage des voitures. Ces altérations et les effets des secousses imprimées au plancher ont été soumis au calcul. On ne peut entrer ici sur ce sujet dans des détails qu'il faut chercher dans le mémoire de M. Navier. Nous remarquerons seulement que la connaissance des lois qu'il a reconnues est indispensable pour régler convenablement les proportions des ponts suspendus. La conclusion la plus générale et la plus importante, à laquelle on se trouve conduit par ces recherches, est que les effets qui peuvent être à craindre, tels que la flexion du plancher sous le poids des voitures, l'étendue et la rapidité des oscillations et des vibrations, demeurent les mêmes, ou deviennent moins sensibles, lorsque l'ouverture des arches augmente. Ainsi la difficulté de ces constructions diminue quand l'étendue des

arches devient plus considérable, et le succès est d'autant mieux assuré, que l'entreprise est plus grande et semble plus hardie.

M. Navier propose deux projets. Le premier est un pont d'une seule arche de 150 mètres d'ouverture, qui doit être établi à Paris, entre l'Esplanade des Invalides et les ChampsÉlysées. Les chaînes sont soutenues de chaque côté sur deux grandes colonnes de style égyptien, placées sur les bords de la rivière. Elles s'inclinent ensuite en traversant les quais, et pénètrent dans des piédestaux supportant des lions, qui se trouvent placés à l'entrée des deux promenades. Le second, est un pont-aquéduc d'environ 100 mètres d'ouverture, destiné à un canal de grande navigation.

M. le comte de Chabrol, préfet du département de la Seine, a eu l'idée de suspendre le tuyau d'une conduite d'eau à une chaîne de fer forgé, pour faire traverser à cette conduite un valon de 195 mètres de largeur. Cette invention ingénieuse est susceptible de recevoir de grands développemens, et semble devoir apporter des améliorations essentielles à l'art de construire les acquéducs, les canaux d'arrosage et les canaux navigables. De petits canaux formés par des feuilles de zinc ou de cuivre, et suspendus à deux chaînes parallèles, pourraient être substitués avec avantage aux aquéducs en maçonnerie, tels que ceux d'Arcueil ou de Buc, et ne coûteteraient peut-être pas la dixième partie du prix de ces ouvrages. Il existe en Angleterre plusieurs ponts-aquéducs formés par un canal en fer porté sur des arches du même métal. On peut aussi suspendre un canal semblable à des chaînes, et une construction de ce genre, praticable pour les plus grands canaux, offrirait une économie très-considérable sur les pontsaquéducs ordinaires en maçonnerie. L'application du principe de la suspension aux ponts-aquéducs, paraît même plus naturelle et plus satisfaisante encore que l'application du

même principe aux ponts destinés au passage des voitures. En effet, dans ce dernier cas, la construction est exposée à fléchir sous le poids de la voiture, et peut être fatiguée par l'effet de ces flexions fréquemment répétées, aussi bien que par les mouvemens causés par les secousses. Ces inconvéniens disparaissent dans les ponts - aquéducs, puisqu'il ne peut y avoir de secousses sensibles; et parce que l'eau qui supporte les fardeaux mobiles en répartit toujours également le poids, en sorte que les chaînes ne sont point sollicitées à changer de figure, par l'effet du passage des bateaux.

La dépense des ponts suspendus dépend en grande partie des circonstances locales. Pour offrir à cet égard quelques aperçus, on remarquera que les ponts que l'on construit ordinairement, se divisent en quatre espèces : 1o les ponts formés par des travées en bois portées sur des palées, qui sont les moins coûteux de tous; 2o les ponts formés par des arches en bois portées sur des piles et culées en pierre; 3o ceux formés par des arches en fer fondu, également portées sur des piles et culées en pierre; 4o enfin, les ponts construits entièrement en pierre. Les ponts suspendus causeront généralement une dépense qui surpassera très-peu celle des ponts de la seconde espèce, et qui sera fort inférieure à celle des ponts de la troisième et de la quatrième espèce. Les constructions où l'on emploiera les chaînes de fer, coûteront toujours beaucoup moins que toute autre construction également durable. Cette diminution dans la dépense apporte de grandes facilités pour exécuter ces ouvrages avec des fonds fournis par des compagnies et remboursés par des péages à terme; et déjà plusieurs entreprises de ce genre vont être mises en activité.

Nous terminerons cette notice en citant un passage du mémoire de M. Navier, qui en offre en quelque sorte le résumé.

. Il est vraisemblable que l'usage des ponts suspendus deviendra bientôt général; on formera par ce moyen des com

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