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munications dans des lieux où il paraît actuellement impossible d'en obtenir. On ne trouvera pas plus difficile de construire avec des chaînes de fer un pont de 500 mètres d'ouverture, qu'il ne l'a paru de construire des voûtes en pierre de 60 mètres, des travées en bois de 119 mètres, et des arches en fer fondu de 73 mètres. On suspendra aux chaînes des tuyaux pour conduire les eaux, et même des aquéducs praticables aux bateaux. Ces constructions offriront des formes élégantes, invariablement fixées par les lois naturelles de l'équilibre. Elles pourront également, dirigées par un ingénieur habile, contribuer à l'embellissement des capitales, ou, suspendues au travers des valons escarpés, produire dans les sites pittoresques des pays de montagnes les effets les plus imposans. L'imagination trouvera dans l'aspect de ces édifices le spectacle de la puissance des arts, surmontant pour l'utilité publique de grands obstacles offerts par la nature et long-tems jugés invincibles. >>

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR LORD ERSKINE.

L'immense réputation que lord ERSKINE s'est acquise comme orateur, les services nombreux qu'il a rendus à la liberté de son pays, ses constans efforts pour l'amélioration de l'état social de toutes les nations, lui assurent une place parmi les hommes d'un mérite distingué, et d'un noble caractère, que l'on peut considérer comme citoyens du monde, et doivent naturellement lui faire accorder une notice particulière dans la Revue Encyclopédique, où nous aimons à consacrer la mémoire des bienfaiteurs de l'humanité.

Thomas ERSKINE naquit en 1748, dans le sein d'une famille respectable de l'Écosse. Son père eut trois fils, dont l'aîné a été connu sous le nom de comte de Buchan; le second, Henri Erskine, a exercé avec succès la profession

d'avocat à Édimbourg; le troisième est celui dont nous allons nous occuper. Les trois frères avaient reçu une excellente éducation par les soins de leur père, homme d'un grand sens, et capable d'apprécier tous les avantages de l'instruction.

Très-jeune encore, Thomas Erskine entra dans la marine, où il servit d'une manière distinguée; mais ses services ne lui obtinrent point l'avancement qu'il méritait, et il quitta cette carrière pour celle de l'armée de terre. Il s'engagea en 1768, dans le premier régiment d'infanterie, quoique ses goûts ne le portassent point vers l'état militaire. Mais, la fortune de son père ne lui permettant pas d'en exiger de grands sacrifices, il dut renoncer à une profession qui ne lui aurait pas offert de prompts moyens d'existence.

Erskine demeura dans son régiment pendant six années, dont il en passa trois en garnison à Minorque. De retour en Angleterre, son esprit délicat et pénétrant, ses saillies pleines de sel, et la variété de ses connaissances, lui firent une grande réputation. Boswell, dans ses Mémoires sur la vie du docteur Johnson, parle du plaisir que la conversation d'Erskine fit éprouver à cet homme célèbre, toutes les fois qu'ils eurent occasion de se trouver ensemble dans les cercles de Londres.

Cependant, les amis d'Erskine ne tardèrent point à s'apercevoir qu'il pouvait courir les chances d'une profession beaucoup plus analogue à ses goûts. Ils l'engagèrent fortement à se livrer à l'étude des lois, ne doutant pas que de brillans et solides succès ne dussent l'attendre au barreau.

M. Erskine avait vingt-neuf ans, lorsqu'il commença à étudier le droit. Il entra, en qualité de fellow commoner (sorte d'étudiant pensionnaire), au collège de la Trinité, à Cambridge, et se fit inscrire aussi sur le registre des étudians de Lincoln's inn (collége de droit à Londres). Quoiqu'il parût

consacrer tout son tems à la jurisprudence, il trouvait des instans pour cultiver les lettres. Son imagination, naturellement exaltée, lui faisait chérir la poésie, et l'on sait qu'il est l'auteur d'une jolie imitation du Barde de Gray, et d'un petit poëme sur le geranium, qui fut d'abord attribué à Sheridan.

Ce fut en 1778, que M. Erskine développa pour la première fois, en public, toutes les ressources de son admirable éloquence. Le capitaine Baillie, lieutenant-gouverneur de l'hôpital de Greenwich, ayant perdu cette place par l'influence de lord Sandwich, premier lord de l'amirauté, fut accusé d'avoir publié contre lui un libelle diffamatoire, et traduit devant la cour du banc du roi. Le capitaine confia sa cause à M. Erskine, qui n'était pas encore connu au barreau, et il eut lieu de s'applaudir de son choix, qui servit à révéler à son pays l'existence d'un grand orateur de plus.

M. Erskine, après le triomphe éclatant qu'il remporta dans la défense du capitaine Baillie, dut s'attendre à voir beaucoup augmenter sa clientelle. En effet, les causes les plus importantes lui furent confiées. Bientôt il eut occasion, dans le célèbre procès de lord Gordon, accusé du crime de haute trahison, de faire connaître que les doctrines politiques les plus profondes ne lui étaient pas étrangères. On n'a point oublié l'effet produit par une péroraison citée pour sa hardiesse et son énergie. Après avoir discuté avec une grande lucidité les charges de l'accusation, après s'être fait remarquer par une modération calme qui contrastait avec la gravité du crime imputé à son client, l'orateur élève tout-à-coup la voix et s'écrie : « Je dis, par Dieu, qu'il faudrait être un scélérat pour oser fonder « encore une preuve de crime sur une conduite aussi sage et aussi dépourvue d'artifice que celle de lord Gordon. »

a

Chaque pas de M. Erskine dans sa carrière était marqué par un succès. On ne pouvait se lasser de l'entendre; et toujours il étonnait par la puissance de son talent. Il faudrait citer tous

ses plaidoyers pour mettre le lecteur à même de connaître les immenses travaux sur lesquels sa réputation est fondée. Les plus importans de ces plaidoyers ont été réunis dans cinq volumes in-8. (Londres, 1810-1812), et Mme de Stael les recommande avec raison aux lecteurs français.

Cette femme célèbre a traduit, dans ses Considérations sur la révolution française, l'exorde du plaidoyer pour James Hatfield, accusé d'avoir tiré un coup de pistolet sur la personne vénérée de Georges III. En lisant cet exorde, on ne sait ce que l'on doit le plus admirer, ou de la sublime générosité des lois anglaises pour le malheureux courbé sous le poids d'une accusation de haute trahison, ou de l'éloquence simple et majestueuse d'Erskine. Ce morceau est trop connu pour être rapporté ici. Je citerai de préférence un passage de la défense de Stockdale, libraire, traduit au banc du roi pour avoir, dans une réfutation de l'accusation portée par la chambre des communes contre Hastings, offensé le parlement. M. Erskine eut occasion, dans sa défense, de parler de l'affaire d'Hastings lui-même, et c'est le tableau de la domination anglaise dans l'Inde que je vais rapporter, en priant toutefois le lecteur de vouloir suppléer à l'insuffisance de ma traduction. « Ce peuple infortuné de l'Inde, que la douceur de son climat a tellement affaibli, que notre civilisation, si perfide pour lui, est parvenue à subjuguer et à écraser, sait néanmoins se relever encore, dans l'occasion, avec toute la dignité et tout l'instinct énergique de la nature insultée. C'est une verge de fer qu'il faut pour le gouverner, et notre empire dans l'Inde aurait disparu depuis long-tems, si une politique astucieuse, et d'habiles opérations militaires, n'avaient concouru à soutenir une autorité que le Ciel ne donna jamais, par des moyens qu'il ne saurait jamais approuver..... Messieurs, je crois pouvoir observer que vous êtes touchés de la manière dont j'envisage mon sujet; je puis vous en donner la raison. Ce n'est pas en feuilletant froidement des livres que

je m'en suis pénétré; mais j'ai parlé de l'homme, de sa nature et du pouvoir humain, tels que moi-même j'en ai puisé l'expérience parmi les peuples soumis avec indignation à notre autorité. Je sais ce que ces peuples éprouvent, et quel est l'unique moyen de comprimer ces sentimens. Dans ma jeunesse, j'ai entendu un sauvage s'exprimer avec l'accent indigné d'un prince qui s'adresse, entouré de ses sujets, au gouverneur d'une colonie anglaise. Aucun vêtement ne couvrait son corps, et il tenait à la main un faisceau de baguettes. Quel est celui, dit ce chef jaloux du désert usurpé par des aventuriers anglais, quel est celui qui fait sortir cette rivière des hautes montagnes où elle prend sa source, pour aller se perdre ensuite dans l'Océan ? Quel est celui qui fait souffler les ouragans de l'hiver, et les apaise ensuite à l'approche de l'été? Quel est celui qui a créé l'ombre de ces antiques forêts pour les détruire ensuite avec la foudre, à sa volonté? le même être qui vous a donné une patrie au-delà des mers, et à nous celle-ci : à ce titre, nous la défendrons, ajoute le guerrier, en jetant sur la terre le tomahawk (1) dont il était armé, et en poussant le cri de guerre de sa nation... Tels sont, dans tout l'univers, les sentimens de l'homme asservi; la crainte seule peut contenir ceux dont il est inutile de chercher l'affection. »>

Jusqu'ici, nous n'avons parlé de M. Erskine que comme avocat; nous devons le suivre maintenant dans sa carrière politique.

En 1783, les électeurs de Porstmouth le nommèrent leur représentant à la chambre des communes, où il s'assit sur les bancs de l'opposition. Il y prit part à toutes les grandes discussions qui eurent lieu à cette époque entre M. Pitt et M. Fox. Ses opinions ne pouvaient être douteuses; souvent, dans ses plaidoyers, il avait été à portée de les manifester, et toujours il fit ses efforts pour seconder Fox dans ses proposi

(1) Espèce de massue des sauvages.

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