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Nous devons aussi réclamer en faveur d'une vérité que la science a consacrée. M. de Montvéran attribue en grande partie la décadence des manufactures anglaises à l'adoption générale des machines. Telle est, en effet, la triste situation où le système du gouvernement a placé la nation, qu'un perfectionnement devient pour elle une calamité; des millions de prolétaires vivent d'un certain travail manuel, et l'impossibilité est constatée de leur en procurer d'un autre genre: lorsqu'il vient à leur manquer, ils tombent à la charge des paroisses. Mais si les grandes fermes n'avaient détruit les petites, si le luxe des grands n'absorbait la substance du peuple, croit-on que des manufactures dont les produits sont hors de proportion avec les besoins de la consommation, seraient si nécessaires? Croiton que, lorsqu'une machine nouvelle faciliterait la confection d'un objet quelconque, le petit nombre de ceux qu'elle priverait de travail ne trouveraient pas facilement une occupation productive, au moyen de l'aisance générale et de l'infinie complication qu'elle apporterait dans les besoins nationaux? n'est-il pas vrai qu'alors seulement un heureux équilibre s'établirait entre ces besoins et les moyens de les satisfaire? Avec une population manufacturière de 2 millions d'hommes, sur 11 de population totale, le gouvernement anglais se voit forcé d'agiter et d'ensanglanter le monde pour obtenir..... des débouchés.

L'histoire que M. de Montvéran a tracée du commerce et de la navigation de l'Angleterre n'est, à notre avis, que le développement complet de ces vérités.

La balance du commerce ne prouve rien. A cet égard, tout le monde avoue qu'on est réduit à des approximations. Pitt estimait que le bénéfice annuel du commerce anglais s'élevait à 12,000,000 liv. sterl. Les capitaux productifs, selon ses calculs, montaient à 80,000,000 liv. sterl. Mais, si l'on considère que les salaires et les profits ont dû être diminués par le renchérissement des denrées, résultant de l'immodération des

taxes et de la dépréciation du papier - monnaie, et qu'en effet un plus grand nombre d'individus ont graduellement eu recours à la charité des paroisses; si l'on considère les autres causes de ruine du commerce extérieur, et les diminutions de capitaux qu'ont dû produire les prises sur mer, l'accumulation des objets manufacturés dans les marchés, l'avilissement des prix, les pouritures dans les magasins de Gothembourg, d'Heligoland, de Gibraltar et de Malte; si l'on considère enfin qu'en 1813 le résultat de ces causes était, pour la seule ville de Londres, 1600 banqueroutes annuelles, au lieu de 400, l'on concevra la détresse du commerce, et combien les calculs de Pitt sont peu applicables à son état actuel.

Mais, l'Angleterre s'est assuré la compensation de ses pertes par les deux traités de Paris et les diverses pacifications dont ils ont été le complément. Elle a détruit les commerces rivaux, ceux de la Hollande et de la France. La réunion de la Hollande et de la Belgique a opéré la destruction du premier; la seconde invasion de la France a eu pour but ou pour effet la ruine de ses manufactures et la déperdition de ses capitaux. La France se relève; mais, en attendant, l'Angleterre profite. Par ces mêmes traités, elle a régné à Lisbonne, et en a dirigé à son gré le système commercial. La malheureuse Espagne, épuisée de luttes et de révolutions, lui a aussi abandonné son commerce, et l'exploitation de ses colonies, que favorisaient encore leurs tentatives d'indépendance. Puisse du moins l'Angleterre, en proclamant cette indépendance, restituer à l'humanité une partie des biens que ses monopoles lui ravissent sur tous les points du globe!

Mais ces avantages sont en quelque sorte négatifs; l'Angleterre en a trouvé de positifs dans les acquisitions nombreusos de territoires et de stations maritimes que la paix lui a conservés. C'est dans l'ouvrage de M. de Montvéran que nous engageons nos lecteurs à en examiner le trop fidèle tableau.

On s'arrête involontairement à la vue de ce colosse, qui s'est arrogé la domination de toutes les mers, et qui dicte des lois dans toutes les parties du monde. L'étonnement fait place à l'admiration, dès qu'on suit dans ses détails le système maritime à l'aide duquel ont été obtenus des résultats d'une si imposante étendue. Les actes de navigation sont une série de restrictions qui tendent toutes à coordonner à l'utilité de la Grande-Bretagne le commerce que font ses sujets, et qui dès lors influent d'une manière plus ou moins raisonnable sur la navigation des autres états. Leur but est le monopole du commerce du globe tout est sacrifié à ce but. Lorsque les matelots ont manqué, on n'a pas craint de violer les droits de l'humanité, et d'ordonner la presse des gens de mer. Les encouragemens ont été prodigués aux marins, et en même tems des lois terribles ont maintenu parmi eux la discipline, et qualifié la lâcheté de crime capital. Avec de tels élémens, la puissance maritime de l'Angleterre a triomphé de toutes les résistances, et imposé aux nations les prétentions les plus dures. Pendant la guerre, le principe que le pavillon couvre la marchandise a été abandonné par les états neutres, et l'Angleterre s'est attribué ce droit de visite, qui produisit, en 1800, la neutralité armée des puissances du Nord, bientôt détruite par le courage et l'habileté de Nelson. A la reprise des hostilités, en 1803, l'Angleterre ne garda plus de mesure, et osa déclarer bloqués nonseulement des ports, mais des rivières et des côtes entières : c'est ce qu'on appelle le blocus sur papier. Mais, un système de représailles, non moins nouveau et non moins redoutable, fut employé contre elle, et le blocus continental révéla au monde le point vulnérable de la puissance anglaise. Celle-ci éprouva des pertes prodigieuses. Depuis, elle a enveloppé l'Europe d'une chaîne non interrompue de positions commerciales, qui atténueront peut-être les effets d'un nouveau blocus. Mais la marine des États-Unis, qui déjà lui a été redoutable, l'éman

cipation de l'Amérique du sud, et les progrès des marines européennes, lui préparent de nouvelles luttes, et finiront par la contenir dans des limites plus naturelles.

Nous examinerons, dans un second article, la situation de l'Angleterre, sous les rapports de sa constitution et de ses lois. F. MALBOUche.

CHOIX DE RAPPORTS, OPINIONS ET DISCOURS prononcés à la tribune nationale, depuis 1789 jusqu'à ce jour; recueillis dans un ordre chronologique et historique ; avec cette épigraphe vox POPULi, vox dei (1).

TROISIÈME Et dernier ARTICLE.

(Voy. ci-dessus, tome vIII, page 276, et tome xv, page 71.)

Cet ouvrage, sur lequel j'ai déjà deux fois appelé l'attention des lecteurs de la Revue, est, à tous égards, une entreprise considérable qui a exigé plusieurs années de soins et de travaux. Mes deux premiers articles, publiés pendant la durée de cette entreprise, et qui en ont, pour ainsi dire, constaté les progrès, sont d'une date déjà assez reculée, pour qu'il me soit permis de retracer à grands traits le plan que j'ai suivi dans l'examen de cette collection.

J'ai d'abord recherché, et je crois avoir indiqué, les seules causes naturelles et vraies de la disposition où se trouvaient tous les esprits, à l'époque de la convocation des états-géné raux; j'ai montré la France attentive au spectacle de la liberté

(1) Paris, 1819-1822; Eymery, rue Mazarine, no 30. —L'ouvrage entier, maintenant terminé, se compose de 20 vol. in-8°, qui comprennent jusqu'à l'année 1815. Prix 100 fr., et 140 fr. avec 6 portraits par chaque volume.

anglaise; instruite, par l'émancipation des États-Unis, de ce que pouvait un peuple qui voulait réellement la liberté; éclairée, peut-être même agitée par les écrits qui ont signalé le cours du XVIIIe siècle; impatiente enfin du joug des priviléges et des entraves sans nombre que le commerce et l'industrie éprou vaient de toutes parts,

J'ai rappelé que le pouvoir, après avoir suivi une marche incertaine, quelquefois hostile, s'était trouvé sans appui dans l'opinion, lorsque l'opinion avait pu avoir un organe légal.

J'ai dit, et je crois encore, que le monarque, doué de toutes les vertus privées, et pénétré d'une véritable et sincère philanthropie, dont il avait donné des preuves réitérées, n'avait pas, comme homme public, comme prince, l'énergie de caractère, la force de volonté, qui maîtrisent ou dirigent les évé

nemens.

Passant à des considérations d'une autre nature, j'ai donné un résumé complet des cahiers remis par les trois ordres à leurs députés aux états-généraux. C'était mettre à la fois sous les yeux du lecteur le tableau des besoins et des vœux de la nation, et lui faire connaître les devoirs qu'avaient à remplir ses mandataires. C'est là que l'on peut recueillir, tout entier, le secret de notre révolution et des causes qui l'ont produite. Les circonstances qui en ont accompagné les premiers actes, ont été le produit de la résistance que devaient naturellement manifester les classes qui s'étaient approprié tous les avantages, en rejetant toutes les charges sur le peuple; c'était une nouvelle lutte entre les patriciens et les plébéiens. Le succès ne fut pas long-tems douteux : le forum fut bientôt couvert des débris des oppresseurs. Heureux si l'enivrement de la victoire n'eût pas fait promptement dépasser le but que tous les cœurs généreux, que tous les esprits éclairés s'étaient proposé! Mais, semblables à ces oiseaux qui n'apparaissent qu'au moment de la tempête, et se réjouissent, en poussant des cris, à l'aspect d'un naufrage,

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