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tions généreuses. Le plus beau triomphe parlementaire de ces deux grands hommes fut sans doute celui qu'ils obtinrent, en 1792, à l'occasion du bill du libelle. Jusqu'alors, les jurés n'avaient été appelés, dans les causes de liberté de la presse, que pour constater que le libelle incriminé avait bien été fait par l'accusé ; mais ils ne devaient pas connaître du fond de l'ouvrage et des intentions de l'auteur. Quoique, dans les affaires criminelles ordinaires, le jury ait à prononcer nonseulement sur l'acte commis, mais encore sur l'intention qui seule constitue la criminalité de cet acte, d'anciennes traditions semblaient autoriser les juges à s'écarter de ces principes du droit commun; et, en matière de liberté de la presse, ils prétendaient avoir seuls la faculté de connaître de l'intention de l'auteur. M. Fox, par son bill célèbre, fit cesser un abus aussi grave. M. Erskine prononça, dans cette occasion solennelle, un discours qui mérite d'être placé à côté de celui de l'auteur de la proposition. De plus, il eut l'avantage de provoquer le premier la réforme de cette fausse interprétation de la loi, dans l'affaire du doyen de Saint-Asaph.

M. Erskine suivit constamment les principes de l'opposition des Whigs; et, lorsqu'en 1806, après la mort de M. Pitt, le chef de cette opposition, M. Fox, fut appelé de nouveau au ministère, M. Erskine reçut le titre de lord-chancelier. Il fut nommé aussi baron et membre du conseil privé. On sait dans quelle circonstance le ministère Whig fut composé. Le besoin de la paix était généralement senti, et l'opinion publique appelait dans les conseils du Roi ceux qui l'avaient toujours demandée avec instance. Cependant, des considérations particulières avaient obligé de former un ministère composé d'élémens hétérogènes, qui faisaient présager sa courte durée. D'un côté étaient Fox, lord Henry Petty, lord Erskine, lord Holland, lord Grey et M. Sheridan; de l'autre, lord Grenville, M. Windham et lord Sidmouth. De pareils hommes ne pouvaient être long-tems d'accord; aussi, ce ministère n'eût-il

qu'une passagère existence, durant laquelle il ne put réaliser toutes les espérances qu'il avait fait concevoir. Cependant, ce fut lui qui présenta au parlement le bill pour l'abolition de la traite des noirs, et qui fit cesser ce trafic infâme, auquel on s'était livré jusqu'alors, sous la protection même des lois (1).

Après son élévation à l'importante place de chancelier, qui lui avait fait donner la pairie et le titre de lord, M. Erskine continua de soutenir les principes de l'opposition dans la chambre haute, et jamais il n'abandonna le parti qu'il avait embrassé dès sa jeunesse. Souvent il plaida la cause des catholiques d'Irlande; il appuya constamment les propositions qui tendaient à la réformation des lois pénales; enfin, il éleva la voix en faveur des Grecs pour engager le cabinet Britannique à provoquer une alliance contre les Mahométans et à embrasser la défense des chrétiens opprimés.

Lors de la paix d'Amiens, M. Erskine vint en France avec M. Fox, et il fut présenté au premier consul. On a prétendu que Bonaparte l'accueillit assez mal, et lui dit sèchement: N'étes-vous pas légiste? Je ne crois pas que cette anecdote soit vraie d'abord, Bonaparte savait trop bien que l'opposition anglaise ne partageait point les préventions des Torys contre lui, pour choquer ainsi l'un de ses principaux membres; en second lieu, ayant eu plusieurs fois l'honneur de voir lord Erskine, dans un voyage que je fis en Angleterre au printems dernier, il me parla de son entrevue avec Bonaparte, sans se plaindre de la manière dont il en avait été accueilli, et il me fit voir le portrait du premier consul, qui lui avait été donné par lui-même.

ter

(1) Le ministère anglais actuel vient de s'honorer en faisant adoppar le Parlement un bill qui range la traite des nègres parmi les crimes de piraterie. M. Canning, auteur de cette proposition, s'est acquis des droits à la reconnaissance des amis de l'humanité, par les efforts d'éloquence qu'il a employés pour convaincre les membres du Parlement. Ce bill a reçu la sanction royale le 31 mars de cette année.

Lord Erskine est mort, à l'âge de soixante-quinze ans, d'une maladie de poitrine, dans le courant de novembre 1823, auprès d'Édimbourg, où il était allé passer quelque tems. Il avait une physionomie spirituelle et ouverte, des manières élégantes, une grande vivacité d'esprit, et un caractère qui fut toujours jeune. Sa voix était si flexible, qu'elle se prètait admirablement bien à toutes les nuances de sentimens qu'il voulait exprimer.

Lord Erskine était doué d'une âme élevée, et toujours il sut faire respecter la dignité de sa profession. Comme il insistait, dans la cause du doyen de Saint-Asaph, pour que le juge consentît à ce que les jurés eussent à prononcer, non-seulement sur le fait matériel de la publication de l'ouvrage incriminé, mais encore sur le fond de cet ouvrage, et sur l'intention de l'auteur, M. le juge Buller s'opposa énergiquement à cette proposition, et ordonna vivement à M. Erskine de s'asseoir. « Mylord, s'écria celui-ci, je ne m'assiérai pas; Votre Seigneurie peut faire son devoir, et moi je ferai le mien. » Le juge garda le silence, et M. Erskine termina cette partie de sa harangue par ces mots prononcés d'un ton de voix solennel : « Le premier commandement et le premier conseil que l'on m'a donné dans ma jeunesse, ont été de suivre toujours ce que ma conscience me dirait être mon devoir, et d'en abandonner la conséquence à Dieu. Jusqu'à présent, j'ai agi de cette manière, et je n'ai pas lieu de me plaindre que mon obéissance m'ait jamais causé un sacrifice passager. Au contraire, j'ai trouvé la route de la prospérité et de la fortune, et je l'enseignerai de même à mes enfans. >>

M. Erskine s'était marié jeune, et il eut de ce mariage quatre fils et quatre filles : l'aîné de ses fils hérite de son titre de pair de la Grande-Bretagne.

Indépendamment des plaidoyers dont il a été question dans cette notice, on doit citer encore, comme des modèles, ceux

que M. Erskine a prononcés dans les causes de Thomas Paine, de James Perry, éditeurs du Morning Chronicle, de Hardy, de Horne Tooke, du comte de Thanet, etc.

Comme orateur du barreau, Erskine est incontestablement le premier qu'ait eu l'Angleterre, et il a donné un exemple qui a été honorablement suivi par MM. Mackinstosh, Brougham, Denman, etc. Au parlement, ses succès furent peut-être moins éclatans, parce qu'il trouva des rivaux plus redoutables. Mais, on peut le comparer à ses contemporains les plus illustres, aux Pitt, aux Fox, aux Burke, aux Sheridan, aux Samuel Romilly, et à tous ces grands hommes qui ont fait la gloire de la tribune anglaise.

Lord Erskine est aussi l'auteur de différens ouvrages qui n'ont rien ajouté à sa réputation. Cependant, on remarque parmi eux, des Considérations sur les causes et les conséquences de la guerre actuelle avec la France, publiées en 1797. Il a fait encore imprimer un volume intitulé, Réflexions sur l'évidence intrinsèque de la vérité du christianisme, qui a obtenu plusieurs éditions en Angleterre, où ces sortes d'ouvrages sont ordinairement très-recherchés. Ce livre a été traduit dernièrement en français par Mlle Sobry, avec une préface de Mme la duchesse de Broglie. Enfin, lord Erskine est l'auteur d'une Lettre au comte de Liverpool au sujet des Grecs, dans laquelle il embrasse avec chaleur la cause sacrée de ce peuple généreux; cette lettre a aussi été traduite en français.

On annonce que, pour perpétuer la mémoire de lord Erskine, ses concitoyens se proposent de lui décerner un monument dans Westminster-Hall, comme nous voyons la statue de Malesherbes s'élever au milieu de la grand'salle du Palais de Justice de Paris; digne hommage rendu par des hommes qui connaissent le prix du courage et de la grandeur d'âme, à celui qui offrit l'accord d'un beau talent et d'un beau caractère ! A. TAILLANDIER.

T. XXII. · Avril 1824.

3

II. ANALYSES D'OUVRAGES.

SCIENCES PHYSIQUES.

DICTIONNAIRE DE MÉDECINE, en

18 volumes; par

MM. ADELON, Béclard, Biett, Breschet, Chomel, COUTANCEAU, DESORMEAUX, GEORGET, etc. Tomes I à IX. A-F (1).

C'est à l'Encyclopédie que l'on peut attribuer ce grand nombre d'ouvrages qui paraissent sous la forme de dictionnaires, et qui, trop souvent favorables à la paresse et à la médiocrité, semblent borner les sciences et les arts à de stériles nomenclatures et à des divisions alphabétiques. Cette grande entreprise, qui marque la fin du dernier siècle, nous a été laissée comme un héritage dont personne n'a osé se charger; mais le grand mouvement qu'elle a imprimé à l'esprit humain, s'est étendu à toutes les branches des connaissances, et perpétue parmi nous le goût de ces ouvrages trop généraux, et surtout trop superficiels dans leurs résultats pratiques.

On a pensé, avec plus de raison, que chaque science, isolée et traitée d'une manière spéciale, pourrait fournir le sujet d'un dictionnaire renfermé dans des limites certaines. La Médecine, aussi vaste qu'intéressante dans ses applications, a offert l'un des premiers exemples en ce genre; et le Dictionnaire des Sciences médicales a obtenu un succès brillant et mérité. Dans son origine, les plus habiles médecins, les savans

(1) Paris, 1822, 1823, 1824. 18 vol. in-8°, dont 9 ont paru jusqu'ici. Béchet jeune, place de l'École de Médecine; prix, par vol.

6 fr 50.

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