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ils ont inspiré un intérêt plus général par des talens qui s'annoncèrent avec éclat, mais dont une mort prématurée ne permit pas le développement, et par des vertus qui ne trouvèrent pas une direction assez sûre dans des tems de discorde. »

Que si, passant rapidement en revue les acteurs du drame sanglant représenté par la Convention, on cherche à reposer ses regards sur des vertus et du courage, il ne manque point d'hommes dont les noms, à divers titres, seront toujours cités avec honneur. Faut-il rappeler celui d'un législateur, Lanjuinais, qui a rarement manqué de dire ce qu'il fallait et quand il le fallait; qui, au mépris des dangers les plus imminens (voyez particulièrement tome xII, page 81), s'est constamment roidi dans ses généreuses résistances? En crayonnant le portrait de l'orateur de l'Assemblée constituante, j'ai dû éviter de parler de l'homme moral; ici, c'est à ce dernier que je m'attache. C'est le même qu'Horace nous a si bien dépeint. La probité politique et la force d'âme nous eussent encore mieux servis que les entraînemens de la tribune.

Relativement à la partie militaire, à l'instruction et aux sciences, je ne craindrai pas de conseiller la lecture et la méditation de plusieurs rapports de Carnot, de Fourcroi, de Robert Lindet, etc., etc. Je crois qu'en fait d'administration générale, le dédain, à raison seulement des époques, servirait mal ceux qui refuseraient de mettre à contribution les travaux utiles dont la révolution française est si fortement empreinte. Grâce à ces travaux, d'éclatans triomphes sur les étrangers repoussés loin de nos frontières, vaincus, humiliés partout au delà des leurs, nous procurèrent d'honorables, quoique d'insuffisantes consolations. L'anarchie était au dedans, la république au dehors. Du moins l'honneur français avait un asile, l'armée était devenue la patrie. Tite-Live n'eût pas désavoué des proclamations faites au sein même de l'Italie, et qui ne le cèdent en rien à celles dont il anime à loisir ses nar

rations. Mais, dès ce moment, domina l'esprit hasardeux des conquêtes, inséparable de celui de déprédation et de rapine : un homme en profita. Nous étions destinés à envahir et à être envahis, à prendre dérisoirement en main la cause des nations contre les rois, et, afin que rien ne manquât à cette série de contrastes, celle des rois contre les nations. Trahi plutôt que vaincu, le Français rentra dans ses plus étroites limites; il a beaucoup appris, et les ouvrages sérieux qui se succèdent et se multiplient le mettent en mesure de ne rien oublier. Toutefois, il ne me semble pas qu'il soit de la compétence d'un recueil d'opinions, de juger un gouvernement militaire, ni d'en faire apprécier les actes. Le lecteur trouvera mieux ailleurs (1) que dans les trois volumes du recueil réservés pour cette période.

Sous le dernier gouvernement, les opinions ne pouvaient que bien rarement se faire entendre; les rapports étaient commandés; les discours (voyez ceux de M. de Fontanes) paraissaient d'une hardiesse téméraire, quand, sous l'enveloppe d'éternelles flatteries, ils laissaient entrevoir l'intention d'une leçon indirecte. Celle que le conquérant reçut à Moscou fut terrible et décisive; les suites qu'elle dut avoir ont ouvert devant nous de nouvelles destinées. Puisse la France, éclairée par une longue et triste expérience de fautes et de malheurs, devenir à la fois plus sage et plus heureuse (2)!

P. A.

(1) Voy. le Précis des événemens militaires, par M. Mathieu DUMAS, analysé dans la Revue Encyclopédique, t. xx, p. 45-55.

(2) L'éditeur de la collection dont je viens de rendre compte se propose de publier périodiquement le résumé des rapports, discours et opinions auxquels donnera lieu la discussion des affaires publiques dans nos assemblées législatives. Cette publication, en complétant F'histoire politique de la France, mise à la portée de toutes les classes de lecteurs, ne pourra qu'ajouter un nouveau prix à une entreprise dont le mérite réel et l'utilité sont déjà généralement appréciés.

LITTÉRATURE.

GRAMMAIRE COMPARÉE DES LANGUES DE L'EUROPE LATINE, dans leurs rapports avec la langue des Troubadours; par M. RAYNOUARD, Secrétaire perpétuel de l'Académie française, etc. (1).

Le célèbre auteur de cette grammaire entend, par la langue des Troubadours, cette branche des idiomes romans qui se forma dans la Provence, dans le Languedoc, et généralement dans le midi de la France, d'après le latin corrompu de chaque pays, et qui fut illustrée par nos troubadours, autrement par les poëtes de cette moitié du royaume; conséquemment, lorsqu'il dit langue des troubadours, c'est par opposition aux idiomes romans nés aussi dans la France mais hors des provinces du midi, et dans lesquels ont écrit nos poëtes appelés trouvères ou trouveurs. M. Raynouard soutient que la branche méridionale est la source, le type ou le modèle primitif de tous les idiomes romans du nord de la France, de l'italien même, de l'espagnol et du portugais, en un mot, de ce qu'il appelle les idiomes romans de l'Europe latine, dans le sens qu'il donne à cette dernière expression.

Cependant, les poëtes du midi de la France, ou troubadours, se nommaient eux-mêmes trouveis (trouvères où trouveurs); et, sans parler de l'italien, de l'espagnol, du portugais, et de leurs dialectes, les idiomes romans de l'orient, du nord et du couchant de la France, et le français correct, en usage de nos jours, semblent avoir aussi leurs types, leurs règles propres,

(1) Paris, 1821; Firmin Didot. 1 vol. in-8° de 520 pages.

comme ils ont eu auparavant leur latin, corrompu souvent dans chaque contrée d'une façon particulière et avec des mots particuliers. Il est d'ailleurs tout naturel que les altérations successives du même fonds commun de bon et de mauvais latin, aient produit partout, sans aucun dessein d'imitation, des ressemblances très-nombreuses entre tous les idiomes romans; ces analogies se trouvent communes, par exemple, sans dessein d'imiter, entre le provençal et le valaque, et d'autres langages sortis du latin.

M. Raynouard insiste partout sur sa prétention, que le provençal a servi d'original, de modèle, de type, de règle à tous les idiomes romans. Pour établir ce système qui, à la vérité, n'est pas nouveau, il compare avec complaisance le langage des troubadours avec l'italien, l'espagnol, le portugais, le français d'aujourd'hui. Ces comparaisons ne sont pas toujours concluantes, ni toujours favorables à son système et, lui fussent-elles toutes favorables, elles ne prouveraient peut-être pas d'une manière assez convaincante que les romans méridionaux de la France, nommément le provençal, qui lui-même varie selon les lieux, soient les modèles des vingt autres principaux dialectes romans de la France et de tous ceux de l'Europe.

La population du midi de la France n'a pas émigré au nord, à l'orient, à l'occident de cette vaste contrée; le midi de la France n'a point conquis, ni colonisé, ni même gouverné les autres parties du royaume. C'est tout le contraire. Pourquoi donc la Provence ou le midi auraient-ils donné à tout le reste les formes de leurs mots et leurs propres tournures de langage? Ne sont-ce pas l'émigration, la conquête, la colonisation, ou le centre commun de gouvernement, qui transforment et rapprochent ou unissent les différens dialectes? Chaque pays des Gaules qui, dans son langage, était principalement, ou celtique, ou phénicien, ou cantabre, ou grec, ou bithynien, ou teuton, ou latin, avant la conquête de Jules-César, s'est lati

nisé de plus en plus, durant les six siècles de la domination romaine, mais chacun avec les caractères propres de son origine et de ses institutions. Ensuite, les conquêtes des Francs et des autres barbares, les irruptions des Maures, celles des Normans ou Anglo-Saxons, le gouvernement féodal, et la domination anglaise dans une partie de la France, enfin le commerce avec l'Espagne, l'Italie et d'autres états, ont naturalisé chez nous, çà et là, beaucoup de mots étrangers. En même tems, le latin commun et le latin spécial se corrompant en chaque lieu d'une manière nécessairement un peu différente et un peu semblable, des dialectes romans, assez ressemblans et fort distincts, se sont formés et sans cesse modifiés d'euxmêmes, jusqu'à ce que nos meilleurs écrivains aient fixé la langue française et l'aient enfin amenée à l'état brillant où elle se trouve. Les poésies romanes du midi ont été lues et de même imitées au dehors de nos régions méridionales; et réciproquement, dans le midi, on a lu et imité les œuvres écrites en roman du nord; mais il paraît que c'est un pur système que de vouloir trouver, dans un roman du midi, le type original de tous les langages romans et de toutes les langues nées de dialectes romans.

Cette question peut s'éclaircir par un exemple tiré du sanscrit, qui est lié si étroitement au persan, à bien d'autres langues parlées en Asie, à ce qui nous reste de celtique, et surtout au grec, au latin et au teuton ou germanique.

On parle et on écrit dans l'Indostan, outre le sanscrit, ou la langue ancienne et générale de ce pays, et outre l'indostani, langue générale d'aujourd'hui, non pas seulement vingt, mais environ trente dialectes indous, analogues et différens, et tous dérivés principalement du sanscrit, comme plusieurs langues de l'Europe sont, en tout ou en partie, dérivées du latin pur et du latin barbare. Nul érudit ne s'est encore avisé de soutenir qu'il y ait un de ces dialectes, chacun plus ou moins riche

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