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I

professeurs des diverses écoles, s'empressèrent de concourir à la rédaction de cet ouvrage, et rivalisèrent de zèle pour élever, à la médecine française, un monument digne de la gloire nationale. Mais une entreprise aussi longue ne tarda pas à lasser leur constance; la mort vint frapper les plus zélés; enfin, l'intérêt voulut exploiter à son profit les laborieuses veilles du génie (1).

On ne peut néanmoins refuser à cet ouvrage un juste tribut d'éloges. Cette immense collection de faits, de théories et de recherches, méritera toujours d'être consultée, et nous disons avec confiance que la terminaison d'une entreprise aussi difficile fait honneur au zèle et à la persévérance de M. Panckoucke, éditeur.

J'ai cru, avant de parler du nouveau Dictionnaire de Médecine, devoir faire l'histoire de celui qui l'avait précédé. Plusieurs des dispositions prises par les rédacteurs ont eu pour but d'éviter les écueils nombreux que l'expérience avait signalés; et deux conditions essentielles servent de garantie aux souscripteurs qui pourraient craindre de s'abonner à un ouvrage indéfiniment continué : les rédacteurs se sont constitués propriétaires et s'engagent à donner gratuitement les volumes qui dépasseraient le 20o. Ainsi, l'entreprise est limitée d'une manière convenable, et la coopération des mêmes auteurs assurée jusqu'à la fin.

Dans ce dictionnaire, chaque partie de la science médicale est confiée à ceux qui s'en sont le plus spécialement occupés. Ce n'est pas que cette manière de distribuer le travail n'ait

(1) Ce dictionnaire, qui ne devait avoir que 12 à 15 volumes, a été porté jusqu'à 60 ; le manuscrit seul a coûté à l'éditeur 240,000 fr. Pour expliquer cette extension vraiment monstrueuse, rappelons que le nombre des souscripteurs s'est élevé à près de 6,000; ce qui, à 6 fr. le volume, produit une recette de plus de 2,000,000

quelques inconvéniens, puisqu'alors l'auteur ne fait que reproduire les mêmes idées et répéter ce qu'il a publié antérieurement. Est-il nécessaire, en effet, que chaque article contienne des choses neuves que le tems et l'expérience n'ont point encore confirmées? Un dictionnaire né doit-il pas plutôt exposer l'état positif de la science, rassembler les divers documens épars sur chaque objet, et en offrir l'inventaire précis et méthodique? Ce qui appartient au rédacteur, c'est la forme, c'est l'ordre qu'il donne à ces matériaux, suivant leur degré d'importance. Mais ce n'est point son opinion particulière qu'il doit soutenir; ce ne sont point ses prétendues découvertes qu'il doit discuter; il faut seulement qu'il présente, dans une sorte de tableau, ce que la science possède de vérités démontrées et de préceptes utiles sur chaque point.

Les rédacteurs du Dictionnaire de Médecine que nous annonçons, donnent toutes les garanties d'un talent éprouvé par d'excellens ouvrages et par une longue expérience. On ne remarque même point parmi eux cette unité de doctrine et cette similitude d'opinions qui est le plus souvent le résultat des études systématiques; mais leurs articles renferment des vues différentes, et se distinguent par une certaine variation de sentimens, qui montre au lecteur l'incertitude des questions discutées devant lui, et qui excite à faire de nouvelles recherches, en s'appuyant sur celles qui ont précédé.

Comme un ouvrage de cette nature n'est point susceptible d'analyse, je vais donner une idée de l'esprit dans lequel certaines parties ont été traitées. En me bornant ainsi aux généralités qui conviennent d'ailleurs à un recueil purement philosophique, je pourrai présenter quelques aperçus utiles et m'abstenir de discussions trop spéciales et trop sérieuses.

L'Anatomie s'occupant de la description matérielle des organes, il semblerait qu'elle ne doit se composer que de notions sûres, que de détails positifs; cependant, elle a aussi ses

doutes, ses hypothèses. La distinction des tissus, la structure intime des organes, la composition des diverses humeurs offrent encore des erreurs à combattre et des vérités à dévoiler. L'anatomie est comme la géographie : il est encore pour elle des terres inconnues et des points que l'industrie humaine n'a pu découvrir. Quand on veut s'en tenir aux descriptions grossières des organes, tout est certain et matériellement démontré; mais ce n'est point là que doivent se fixer les bornes de l'anatomie; c'est dans l'intimité des tissus qu'elle doit pénétrer; c'est l'organisation moléculaire des solides et des liquides qu'elle doit connaître; là, en effet, se trouve le siége des actions vitales; et nous n'avons pas encore atteint la ligne qui sépare à jamais les tentatives des hommes, et les secrets impénétrables de la nature. Les anatomistes, disait un médecin, sont comme les guides des voyageurs dans une ville étrangère; ils vous conduisent dans toutes les rues, dans toutes les places; mais ils ne peuvent vous introduire dans l'intérieur des maisons et dans le sein des familles.

La partie anatomique est confiée principalement à M. le professeur Béclard, qui s'occupe avec tant d'ardeur de faire avancer cette branche importante des sciences médicales. Ce savant anatomiste a su enrichir ce sujet aride par des observations et des recherches curieuses qu'il était plus que personne en état d'apprécier.

La Physiologie a presque toujours été regardée comme une partie conjecturale et hypothétique, comme le roman de la médecine. Il ne faut cependant pas croire que toutes les connaissances physiologiques soient erronées ou incertaines. Nous avons vu que l'anatomie avait ses doutes et ses erreurs; nous verrons que la physiologie a aussi ses vérités, peu nombreuses encore, mais auxquelles l'observation vient ajouter chaque jour. Montesquieu, qui embrassait d'un coup d'œil philosophique toutes les sciences, disait, en employant le ton d'une

spirituelle ironie: qu'il renfermerait dans douze pages tout ce que nous savons de bien démontré sur la métaphysique, la politique et la morale. Il aurait pu, surtout pour le tems où il vivait, y joindre la physiologie; et je le demande, en la dégageant de toutes les notions anatomiques, resterait-il un bien grand nombre de propositions démontrées et de principes certains? Cependant, je dois rectifier ici une prévention défavorable et assez généralement répandue contre la physiologie. On a quelquefois enveloppé dans le même anathème tout ce qu'elle contient de vrai et de faux, de positif et de douteux; on a même été jusqu'à dire que les vérités physiologiques n'étaient point susceptibles d'une démonstration rigoureuse, parce que nous ne connaissons dans cette partie de la science de l'homme, ni le principe, ni les moyens d'action. Mais qu'importe, si les phénomènes vitaux sont assez constans dans leur durée, et assez réguliers dans leur succession, pour qu'on puisse en apprécier l'intensité et en établir les lois? Le cœur se contracte pour chasser le sang dans les vaisseaux; il réagit contre un stimulus, etc.; voilà un fait aussi incontestable que le mouvement communiqué par un corps en mouvement. Puis-je mieux expliquer ce dernier phénomène que le premier? Ainsi, la physiologie possède des vérités qui ne sont pas moins évidentes et positives que celles des sciences physiques; elles sont d'un autre ordre; elles exigent une autre méthode d'observation; mais que deviendraient les sciences si l'on voulait les confondre toutes, et leur appliquer les mêmes principes et les mêmes lois ?

Les articles de physiologie sont rédigés par MM. Adelon, Coutanceau, et Rullier, qui se distinguent chacun par un mérite différent. M. Coutanceau s'est plus particulièrement chargé de ce qui regarde la philosophie médicale dans ses rapports avec la physiologie et la pathologie. Ses articles, remarquables par une discussion spirituelle, forment la partie vraiment littéraire de cet ouvrage.

La pathologie a été divisée entre plusieurs rédacteurs, suivant les classes de maladies que leur position les avait mis à même d'observer. En voyant les aliénations mentales traitées par M. Georget, les accouchemens, par M. Désormeaux, les empoisonnemens, par M. Orfila, les maladies chirurgicales, par M. Roux, etc., on est assuré de trouver des articles originaux, et enrichis d'observations pratiques sur ces divers points. Quant à la doctrine qui préside à la rédaction de ce dictionnaire, on pourrait la rapporter à l'Ecclectisme, qui est celle des esprits judicieux et amis de toutes les vérités. On voit que les auteurs connaissent bien les systèmes qui divisent le monde médical, et qu'ils adoptent dans chacun les opinions qui leur paraissent justes; mais, sur les questions en litige, ils demeurent en suspens et ne décident point dans l'intérêt d'un parti. Ils se contentent d'offrir d'abord les faits confirmés par l'observation, et ne parlent qu'en passant des théories systématiques qui appartiennent plutôt à l'histoire qu'à la pratique de l'art. Toutefois, dans une science qui, comme la médecine, se compose de parties positives et conjecturales, il est bien difficile de garder un juste milieu. Les systèmes poussent toujours d'une extrémité à l'autre l'un ne reconnaît que des humeurs; un autre n'admet que des solides; d'après celni-ci, tout est asthénie; celui-là proclame l'irritation. En détruisant d'anciennes erreurs, on en consacre de nouvelles, et pour éviter un excès, on tombe dans l'excès contraire. Le monde, disait un réformateur, ressemble à un homme ivre; veut-on le mettre en selle d'un côté, il retombe de l'autre. On peut en dire autant de la médecine systématique, dont les rédacteurs de ce Dictionnaire ont su heureusement éviter l'influence (1).

(1) Nous examinerons, dans un article particulier, l'influence et les progrès de la nouvelle doctrine médicale de M. Broussais; et

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