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curerait à l'agriculture des avantages réels: cette distribution des consommateurs ne ferait que déplacer le lieu des dépenses. Si le centre en profitait, ce serait au détriment de la frontière, pour laquelle le bénéfice des armées est un juste dédommagement des ravages de la guerre.

Il est vrai que M. d'Harcourt conseille d'occuper, en tems de paix, nos soldats à défricher nos terres (1); quant à moi, je préfèrerais qu'on en réduisît alors le nombre à ce qui serait strictement utile à notre défense, afin que, pour orner nos drapeaux, on n'enlevât point à l'agriculture une multitude de bras qui lui sont nécessaires.

Je me vois donc réduit à chercher, dans la réunion d'un grand nombre d'hommes riches au centre de la France, les moyens d'accroître la consommation et le commerce intérieur. Mais, comment opérer cette réunion sans qu'elle ait lieu aux dépens de ce Paris, qui vivifie tout ce qui l'entoure, ou de cés campagnes elles-mêmes, dans lesquelles M. d'Harcourt voudrait voir les capitalistes et les négocians s'établir comme fermiers? Et cependant, il regrette que la destruction des châteaux, la perte des prééminences féodales, la continuité de possession qui dérivait du droit de primogéniture, enfin, tout ce qui attachait à la glèbe les familles riches des provinces ne les empêche plus d'aller chercher à la cour les jouissances d'une vie moins sédentaire, et des récompenses ou des encouragemens trop souvent offerts à l'ambition la moins honorable.

(1) Cette proposition fait voir que M. d'Harcourt connaît peu l'esprit du soldat français, et qu'il n'a pas assez médité sur la nature des gouvernemens constitutionnels. Dans ces gouvernemens, la loi peut ordonner des levées d'hommes pour la défense de l'état, mais non pour le défrichement des terres, et aucun pouvoir n'a le droit d'employer de la sorte les armées nationales.

Je sais que M. d'Harcourt recommande la confection des canaux et des routes comme un moyen de ranimer notre commerce intérieur, et de lui donner une assez grande activité pour nous dédommager de l'abandon de nos vaisseaux et de nos colonies; sans doute, il serait très-important de creuser des canaux et d'améliorer nos routes, si mal entretenues. Mais je ne présume pas que les barrières, dont il regrette l'abolition, et l'accroissement des impôts indirects, qu'il propose comme ressource, fussent très-goûtés par les habitans des villes même agrandies, et par les capitalistes cultivateurs. Les projets de cette nature ne plairont qu'à ceux qui reçoivent quelque partie de ces énormes impôts, « qui attirent une si grande masse d'intérêts individuels, que toutes les idées ambitieuses se tournent vers un désir d'emplois. » Les canaux et les routes sont improductifs par eux-mêmes; si on ne trouvait pas un autre moyen d'animer la culture et le commerce, ces communications traverseraient des provinces désolées, et ne seraient qu'une charge de plus pour l'état qui en aurait fait la dépense.

Je ne crois pas non plus que l'assiette de l'impôt territorial puisse rester constamment la même; certes, il y aurait de l'avantage à favoriser ainsi les améliorations rurales, et par ce motif, on ne doit la changer que rarement, et progressivement. Néanmoins, on ne doit point regarder les évaluations comme invariables; car, alors, les terres améliorées au moment des estimations se trouveraient, au bout de quelques années, beaucoup trop imposées par rapport à celles qui n'auraient été améliorées que postérieurement à cette époque.

Nonobstant ces objections, que m'a suggérées le système de M. d'Harcourt, je dois signaler d'excellentes choses renfermées dans son ouvrage, et qui, certes, ne sont pas inspirées par l'esprit de cour.

J'aime à reconnaître avec lui que, si le gouvernement rele

vait la condition des fermiers, s'il leur accordait une protection spéciale et les aidait par des avances, il ferait beaucoup pour sa gloire et pour son propre avantage. J'aime à l'entendre louer la manière de penser des Anglais, chez lesquels aucun citoyen ne trouve que les occupations agricoles puissent être au-dessous de lui; je partage entièrement son opinion sous ce rapport.

Je conviens aussi que les meilleures terres sont improductives sans l'industrie et le travail; et que, si la culture d'un pays est mauvaise, c'est autant par le manque de capitaux que par l'insouciance des colons. Pour remédier au mal, il est donc indispensable de répandre l'instruction, l'amour du travail, les bons exemples et des secours suffisans. Il serait à désirer que les capitalistes sentissent toute l'importance des spéculations agricoles, et qu'en France, comme en Angleterre et en Allemagne, les hommes bien élevés s'adonnassent en grand à ce genre d'industrie. Pour obtenir ce résultat, il faudrait environner les agriculteurs d'une grande considération; et l'on y parviendrait, si, comme le propose M. le vicomte d'Harcourt, on relevait cette honorable profession, en assimilant, dans les colléges électoraux, les fermiers qui possèdent de riches mobiliers d'agriculture, aux propriétaires fonciers.

Notre auteur n'attache, avec raison, aucune importance à la prétendue rivalité entre le commerce et l'agriculture; car, celle-ci est nécessaire à l'autre, comme le commerce lui est indispensable à elle-même. Ce sont les populations prises en masse qui consomment le plus, surtout quand elles jouissent d'un peu de bonheur; la consommation croît avec l'aisance, et c'est ainsi que le bien-être général fait prospérer tous les genres d'industrie.

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Fort peu de capitalistes français connaissent les ressources de l'agriculture... Si l'éducation développait parmi eux le goût de l'amélioration de leurs biens, de grands placemens de fonds

très-productifs se trouveraient à l'abri des chances commerciales, et deviendraient pour le commerce le point d'appui le plus solide. »...... « Les étrangers ont, avant nous, et mieux que nous, reconnu les avantages d'une éducation agricole; et déjà plusieurs états retirent les fruits de leur prévoyance à cet égard. Malheureusement, en France, les améliorations agricoles ne sont pas généralement propagées; ce n'est qu'en petit, autour des villes et dans les pays favorisés déjà par leur situation, qu'on s'est aperçu de l'influence d'une culture mieux réfléchie; mais, dans les pays pauvres, des essais partiels et quelques succès individuels n'ont pas suffi pour les tirer de leur état d'inertie. »> Que leur faut-il pour cela ? y répandre l'instruction: les bénéfices y viendront avec l'industrie, et les capitaux renaîtront du sein de la terre, quand l'ignorance en aura été bannie. C'est ainsi que la sagesse du gouvernement pourra fixer des capitalistes sur toutes les parties de la France.

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Nous pensons, comme l'auteur des Réflexions, que les triomphes de Louis XIV nous ont appauvris, tandis que l'or répandu par Colbert dans nos villes manufacturières, a prévenu notre ruine. Que le gouvernement fasse pour l'agriculture ce que Louis XIV a fait pour les arts et le commerce; bientôt les arts, le commerce et les manufactures feront la richesse de la France, plus réellement que les plus brillantes conquêtes.

M. d'Harcourt a très-bien reconnu que, plus un canton est peuplé, plus la terre y est productive, et il en a conclu que notre population pouvait beaucoup s'accroître, sans que nous ayons à redouter les famines; malgré sa prédilection pour les grandes propriétés, il était trop judicieux pour méconnaître les avantages du morcellement des terres, dans les pays de petite culture, et pour ne pas voir jusqu'à quel point les biens et les pâtu rages communaux sont funestes à l'état. La destruction des anciens droits de parcours que possèdent les communes et les particuliers, lui a paru également désirable. « Si, dit-il, par des

transactions légalement autorisées, on pouvait dégager les biens soumis à ces dévastations journalières, on rendrait un éminent service aux propriétaires. Une loi, qui fixerait un mode de partage ou ce rachat des prés et des bois soumis à des droits de parcours, reproduirait des valeurs nouvelles qui profiteraient à tout le monde, tandis que l'habitude de vagabonder sur les terres d'autrui ne sert qu'à paralyser l'industrie. » Il faut que l'on prenne les moyens nécessaires pour mettre en valeur ces terres incultes et presque improductives.

C'est pour cela que l'idée de colonies intérieures à établir dans nos provinces peu peuplées, me plaît plus que celle des colonies extérieures et lointaines; j'aime à penser, et des observations positives me donnent la conviction que notre sol est capable de nourrir une population dont les accroissemens ne peuvent encore être assignés; mais je crois qu'on sera plus assuré d'obtenir ce beau résultat, en multipliant les villages, qu'en fondant avec luxe quelques villes superbes qui serviraient d'asiles aux gens oisifs, et non pas aux cultivateurs, essentiellement attachés à leur charrue. Je tiendrais d'autant plus à cette opinion, qu'il importe toujours que ce soit le travail qui préserve les hommes de la mendicité, et que, comme l'a fort bien dit M. d'Harcourt, il ne faut pas que la culture soit entre les mains d'hommes sans force et sans instruction. « L'AIlemagne, suivant lui, a senti l'avantage que l'on retire d'une culture éclairée. La science de l'agriculture y fait partie de l'éducation des hommes les plus opulens. Les familles les plus considérables, les princes souverains même ne dédaignent plus des connaissances de détail, dont l'ensemble influe si puissamment sur la fortune des états; et ce pays est, sous ce rapport, de vingt ans plus avancé que le nôtre. »

Telles sont les réflexions que M. le vicomte d'Harcourt a publiées sur l'état agricole et commercial des provinces centrales de la France. On voit toujours avec intérêt les hommes

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