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estimables de tous les partis, et quelles que soient leurs opinions politiques, s'accorder pour éclairer la marche du gouvernement; et certes, ils ne peuvent rendre un plus grand service que d'obtenir l'application des capitaux à l'amélioration du sol, la propagation de l'instruction dans les campagnes, la résidence fréquente et la surveillance perpétuelle des riches propriétaires sur leurs exploitations rurales; le défrichement des terres incultes, l'amélioration des méthodes de culture, le partage des biens communaux et l'abolition des parcours, ainsi que le rehaussement de la condition de ces cultivateurs, dont la prospérité, intimement liée à celle du commerce, doit être considérée comme la base de la puissance et de la grandeur françaises. B. de M.

HISTOIRE COMPARÉE DES SYSTÈMES DE PHILOSOPHIE considérés relativement aux principes des connaissances humaines; par M. DEGERANDO, membre de l'Institut de France. Seconde édition, revue, corrigée et augmentée (1).

Une histoire complète de la philosophie serait une histoire de l'esprit humain, puisqu'elle doit reproduire le tableau complet des doctrines enfantées par les différens siècles sur la nature de l'homme, sur ses facultés intellectuelles et morales, et sur les questions innombrables qu'enferme ce vaste sujet. Mais, pour ne pas s'égarer sur cette mer des opinions humaines, il faut, avant tout, se marquer un but, et déterminer clairement la route que l'on veut suivre. La plupart des auteurs qui ont écrit l'histoire de la philosophie n'ont suivi

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(1) Paris, 1822 et 1823. 4 vol. in-8°. Eymery, rue Mazarine, n° 30; prix 7 fr. le vol.

d'autre marche que celle des siècles, et se sont contentés de présenter une table chronologique des diverses doctrines et des systèmes qui ont régné tour à tour. Sans doute on ne saurait avoir trop de reconnaissance pour les savans qui ont consacré leurs veilles à l'exact et laborieux inventaire des opinions philosophiques. Cette méthode a le mérite de se prêter parfaitement à l'exposition fidèle et successive des doctrines; mais, ne les appréciant pas, elle ne peut suffire au besoin des esprits curieux d'exercer le jugement plutôt que la mémoire. Détruisant ainsi la liaison des systèmes, omettant la comparaison de leurs analogies et de leurs différences, elle réduit l'histoire de la philosophie à un registre de théories incohérentes sans lumière et sans intérêt.

En effet, l'historien de la philosophie n'a pas rempli sa tâche, quand il a fait connaître isolément les différens systèmes; il faut encore qu'il les rapproche pour les embrasser dans une critique générale; il faut qu'il les éclaire l'un par l'autre, en les comparant entre eux, non sous les rapports arbitraires et fortuits des tems où ils ont pris naissance, mais suivant leurs caractères analogues, qui seuls peuvent donner lieu à des comparaisons précises et fécondes en résultats. Et si l'histoire doit concourir aux progrès de la science, une histoire qui classerait les doctrines suivant leur plus grande analogie, serait donc celle qui s'accorderait le mieux avec les besoins et les intérêts de la science elle-même.

Qui ne sent combien l'histoire de la philosophie mériterait de la philosophie spéculative, si elle pouvait lui fournir sur chaque question importante un tableau comparatif de toutes les doctrines célèbres, qui offrît comme un point de vue élevé, d'où l'on aperçût d'un coup d'œil les opinions évidemment fausses qu'il faut abandonner pour jamais, et bannir de la discussion, et les opinions au moins probables qui sont encore à débattre, et parmi lesquelles on pourra choisir.

On voit qu'un pareil ouvrage suppose nécessairement deux parties, deux sortes de travail, de nature tout-à-fait différente d'abord, un tableau complet des questions fondamentales qui constituent la science; puis, l'inventaire historique des opinions, des doctrines, des systèmes; et du rapprochement de ces deux parties résultera une véritable histoire critique de la philosophie. Mais, là est précisément l'écueil d'une pareille entreprise; là est l'obstacle le plus difficile à surmonter. Un semblable tableau de toutes les questions possibles est le dernier résultat auquel les plus vastes génies puissent arriver; le tenter, c'est supposer que la science est complète, ou du moins fort avancée. Or, qui oserait dire cela des sciences philosophiques? Et pourtant, lorsqu'on veut faire l'histoire. de la pensée, il faut avoir le courage de la systématiser.

Toutefois, quelque bornés que puissent être les progrès faits jusqu'ici dans ce genre de recherches, il n'y a point à désespérer de quelque utile tentative. Même sans être fort avancée, la science reconnaît toujours certaines questions éminentes, certains problèmes fondamentaux qui ont de tout tems sollicité les curieuses méditations des penseurs, et auxquels se rattachent une foule de questions particulières, dont la solution dépend de ces premiers problèmes. Si donc il y a, en philosophie, un petit nombre de questions qui, se trouvant à l'origine de toutes les autres, doivent exercer sur cellesci une influence inévitable, et qui renferment en elles-mêmes leur solution; si les opinions adoptées par chaque philosophe sur ce petit nombre de questions primitives ont dù déterminer, par une conséquence nécessaire, toute la suite de leurs opinions; si ces questions fondamentales peuvent être reconnues, énumérées, clairement définies, on aura un moyen sùr de caractériser chaque doctrine par ses traits essentiels; on aura un moyen de les résumer plus facilement et plus clairement, puisqu'on en possèdera la clef; leur classification.

deviendra plus simple et plus facile. Par-là, on embrassera d'un coup d'œil les divergences qui ont mis les différentes sectes aux prises entre elles; et, au moyen de toutes ces comparaisons, il deviendra plus facile d'apprécier les solutions adoptées par les diverses écoles, et de reconnaître celles qui s'approchent le plus de la vérité.

Telle est l'idée qui a frappé M. Degerando, et qui lui a servi de guide dans son ouvrage. Je vais le laisser parler lui-même. « Nous avons cru découvrir, par l'étude que nous avons faite de la nature des divers systèmes philosophiques, qu'il y a réellement une question première et fondamentale, qui est comme le pivot de la philosophie tout entière. Cette question est celle qui a pour objet de fixer les principes des connaissances humaines, c'est-à-dire, celle qui tend à examiner quel est le rapport de l'esprit humain avec les objets de ces connaissances, quel est le fondement du droit qu'il s'attribue pour en juger, quelles sont par conséquent la réalité, l'étendue et la garantie légitime de ces connaissances elles-mêmes. Telle est, à nos yeux, cette véritable philosophie première, dont parlent Bacon et Descartes, qui renferme en elle l'essence et les élémens constitutifs de toute philosophie, parce que les principes universels de toutes les sciences ne peuvent résider que dans la nature même de la science, parce qu'avant de décider sur Dieu, l'univers, l'homme, ces trois grands objets de toute doctrine philosophique, il faut examiner, avant tout, en vertu de quel titre l'homme décide sur quelque chose. Nous avons donc cru reconnaître que les systèmes relatifs aux principes des connaissances humaines ont déterminé constamment, et d'une manière presque infaillible, les caractères dominans et les destinées principales de chaque doctrine philosophique, parce que ces systèmes renfermaient, si l'on peut dire ainsi, la législation de ces doctrines. >>

Par-là, le travail de M. Degerando s'est divisé naturelle

ment en deux parties. La première est une simple exposition historique des systèmes imaginés par les philosophes touchant les principes des connaissances humaines, avec l'indication du rapport qui unit chacun de ces systèmes aux opinions qui en sont dérivées. La seconde est une analyse critique de ces mėmes systèmes, où leurs motifs sont opposés, et leurs effets comparés les uns aux autres. Telle est la division générale de l'ouvrage. Lorsqu'il parut en 1804, il attira d'abord l'attention des penseurs, et fut traduit en plusieurs langues. Tout le monde s'accorda à louer le nouveau point de vue d'où l'auteur envisageait l'histoire de la philosophie, et les généralisations hardies par lesquelles il ramenait à quelques points principaux, tous les systèmes anciens et modernes. Quelques écrivains, particulièrement les philosophes allemands, mêlèrent à leurs louanges certaines observations critiques. Ils lui reprochèrent des éloges exagérés de Bacon, la prééminence accordée à son école, et sa préférence hautement avouée pour la philosophie de l'expérience. On doit convenir qu'à l'epoque où cet ouvrage parut, l'École française était encore sous le joug des doctrines de Locke et de Condillac; et ce fut un véritable service que lui rendit M. Degerando, en facilitant la connaissance de plusieurs systèmes auxquels nous étions restés tout-à-fait étrangers.

Depuis long-tems, la première édition de cet ouvrage était épuisée; et l'impulsion nouvelle, donnée en France depuis plusieurs années aux recherches philosophiques, faisait sentir plus vivement le besoin d'un guide sûr pour diriger les jeunes gens dans l'étude des anciens systèmes. M. Degerando s'est donc décidé à en donner une nouvelle édition, avec des corrections et des augmentations importantes. La première partie surtout a été considérablement étendue. Les quatre premiers volumes, qui ont déjà paru, ne contiennent que l'exposition historique des systèmes, pas même tout entière. En effet,

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