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racheté d'ailleurs par une pureté de dessin que Michel-Ange et Raphaël n'ont jamais surpassée, ni peut-être même atteint, nous allons voir que le peintre l'aura lui-même aperçu. Les Sabines sont de 1799; le Léonidas est de 1814. La différence qui existe entre ces deux ouvrages est aussi grande que la distance qui les sépare. Les Sabines offrent la forme idéale; sans doute la nature a été prise pour type; mais ce type a été bien épuré. Dans le Léonidas, ce n'est plus le même sentiment qui dirige l'artiste, c'est une idée opposée : David croit avoir été, dans les Sabines, au delà de ce que permettait la peinture; maintenant, il reste en deçà. On l'entend s'écrier dans son école : Mes amis, faites nature, copiez le modèle. Ainsi, le même peintre qui avait élevé le beau système auquel nous devons les Sabines, ainsi que les principales productions de ses premiers élèves, telles que l'Amour et Psyché, l'Endymion, etc., détruit son propre ouvrage, et préconise un autre dogme. - Dans sa première marche, David avait entraîné tous ses élèves avec lui; nous verrons toute l'école se précipiter également sur ses traces, dans la nouvelle voie qu'il va parcourir, parce qu'il a pour lui l'autorité du nom et du talent. Honneur à M. Girodet, qui seul a su résister à cette nouvelle tendance, et qui est resté dans la belle route, qu'il a semée de chefsd'œuvre. Après le Léonidas, les événemens politiques obligent David à s'éloigner de la France. L'âge auquel il était parvenu, les chagrins qu'il éprouvait, semblaient devoir lui arracher le pinceau des mains; mais bientôt il envoie à Paris un ouvrage que tout le monde s'empresse d'aller considérer : c'est l'Amour s'échappant des bras de Psyché. Ici, le peintre n'a pas su ou n'a pas voulu éviter l'écueil l'on rencontre en suivant de trop près une nature peu élevée, et il semble seulement s'être occupé de produire un éclat de couleur dont le sentiment paraissait lui avoir été refusé. Enfin, un nouveau tableau de ce grand maître vient d'être exposé aux regards du public, qui s'est rendu en foule au lieu de l'exposition.—MARS DÉSARMÉ PAR VÉNUS, L'AMOUR ET LES GRACES; tel est le sujet. « Le moment choisi par M. David, dit le Programme, est celui où Mars, revenant des combats, se rend près de Vénus. » Voici maintenant comment la scène est disposée. Le lieu choisi est l'Olympe; devant un temple, dont la base se perd dans les nuages, est placé un lit sur lequel Mars s'est assis, faisant face au spectateur; son bras droit, appuyé sur le chevet, tient encore sa lance redoutable, et de sa main gauche il tend son épée pour qu'on l'en débarrasse; une guirlande de laurierrose, fleur consacrée à ce Dieu, passe en écharpe autour de son

que

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corps; c'est Vénus qui s'est plu à en orner son amant. A demi-couchée sur le lit, dans la longueur, la déesse est tournée du côté de Mars ; conséquemment le spectateur ne voit le corps que par le dos, et le visage que de profil; sa main gauche est appuyée sur l'une des cuisses du dieu, et de l'autre, qu'elle élève, elle tient une couronne, également de laurier-rose, qu'elle va lui poser sur la tête. L'Amour, placé au bas du lit, détache son cothurne; deux des Grâces emportent ses armes, tandis que la troisième lui verse le nectar. — L'ensemble de cette composition a une simplicité qui rappelle les peintures antiques; mais, par un contraste assez frappant, l'auteur est resté dans le nouveau système qu'il a adopté, c'est-à-dire qu'il s'est principalement proposé pour modèle la nature dans toute sa vérité. Ce n'est donc pas le peintre des Sabines que l'on a sous les yeux, mais le peintre du Léonidas et de l'Amour et Psyché. Ce tableau a été très-diversement jugé : les artistes qui préconisent la première manière de David ont été plus sensibles aux défauts qu'aux beautés réelles qu'il contient; ceux, au contraire, qui suivent son nouveau système, ont tout admiré. Quoique je sois rangé sous la première de ces deux bannières, je crois pouvoir affirmer que je suis resté impartial ; je vais donc exprimer mon opinion avec une entière franchise. - Les Grâces sont au-dessous de ce que l'imagination se crée, lorsqu'elle essaie de se les représenter; et la déesse de la beauté, sur laquelle le peintre semble avoir épuisé ses efforts, laisse à désirer dans le caractère de la tête, qui me paraît manquer d'élégance; mais le mouvement général du corps est trèsgracieux ; la main élevée qui tient la couronne, et le bras auquel elle est attachée, sont charmans; il y a, dans toute cette figure, une puissance et une finesse d'exécution très - remarquables; si la déesse attire le plus les regards, c'est elle aussi qui les satisfait davantage. La tête de Mars est d'un beau caractère, mais d'une expression froide et incertaine. Ce n'est plus le dieu des combats, dont la voix est sémblable à celle de dix mille guerriers livrés à une fureur homicide ( 1 ) ; dont le casque est surmonté de la fureur et de la colère; dont le char est conduit par la Terreur et la Crainte; ce n'est pas non plus Mars amoureux; le peintre paraît avoir voulu exprimer que le dieu de la guerre peut bien se délasser près de la beauté, mais que toutefois il reste toujours maître de lui-même, qu'il n'est jamais subjugué.—Les anciens nous ont laissé plusieurs monumens dans lesquels ils ont re

(1) HOMERE, Iliade, chant v.

présenté Vénus triomphant de la passion guerrière du dieu des combats; je n'hésite point à dire que ce sujet, aiusi conçu, me paraît plus heureux. Ce qui produit impression dans une semblable composition, c'est précisément l'effet sensible, irrésistible de la beauté sur la force, et, sans que je l'explique, il est facile de comprendre que cette idée sert de voile à un sentiment instinctif. Je n'entrerai dans aucune critique de détails : plusieurs personnes ont voulu me faire remarquer des parties faibles et incorrectes, la roideur du mouvement de l'Amour, etc.; pour toute réponse, je les ai entraînées dans la pièce voisine, et je leur ai fait voir un tableau, daté de 1782, dans lequel le grand artiste, parvenu maintenant à l'âge de 77 ans, a représenté Andromaque près du corps d'Hector; je leur ai demandé quel était, parmi tous nos maîtres, celui qui serait capable de faire un semblable ouvrage ; j'ai attiré leur regards sur une copie du Valentin, faite à Rome par David, alors élève; je les ai forcés de considérer attentivement une étude d'homme renversé; celle du Romulus des Sabines; bientôt elles ont été confuses de leurs propres observations, et, rappelant avec moi les beaux ouvrages que nous devons à l'auteur des Sabines, elles n'ont pas hésité à le proclamer le plus grand peintre que la France ait produit. P. A.

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N. B. Nous sommes forcés de renvoyer à notre prochain cahier, faute d'espace, le compte rendu du Panorama de Rio-Janeiro, d'une statue antique découverte à Paris, et de plusieurs autres ouvrages. NECROLOGIE. - BAIL (Charles-Joseph), ancien inspecteur aux revues, auteur de différens ouvrages, né à Béthune, le 29 janvier 1777, mort à Margency, près Paris (vallée de Montmorency), le 20 février 1824. Le jeune Bail faisait ses études à Douai, en 1792, et n'avait pas encore atteint sa quinzième année, lorsque voyant passer un corps organisé, les chasseurs francs du Hainault, qui marchaient au secours de Lille, bombardée par les Autrichiens, il fut saisi d'enthousiasme et s'enrôla sur-le-champ. Il fit la campagne de Dumouriez et les suivantes, comme simple volontaire, passa ensuite dans l'artillerie et dans l'administration de l'armée, où les circonstances le portèrent contre son gré. Depuis, il a toujours suivi la carrière administrative dans les guerres de la révolution, et s'est distingué par une grande aptitude aux affaires, et par un goût décidé pour l'étude. Adjoint à l'intendant d'Erfurt et du pays d'Eichsfeld, en 1807, M. Bail honora le nom français et mérita l'estime des peuples conquis. Il s'occupait de recherches et de travaux scientifiques, lorsqu'il fut appelé à diriger les bureaux de la régence du

royaume de Westphalie. C'est là surtout qu'il eut occasion de déployer ses talens. Il dirigea, dans un court espace de tems, les notices connues en Allemagne sous le titre de Statistique générale du royaume de Westphalie, imprimées à Goettingue par ordre du gouvernement en 1809, ouvrage le plus complet qui ait encore paru sur ce pays, et qui suppose d'immenses recherches. — Après avoir concouru à l'organisation administrative du royaume, sous les ordres de M. le comte Beugnot, membre de la régence et ministre des finances, M. Bail fut appelé aux fonctions de secrétaire général des finances, qu'il exerça auprès de M. Beugnot et ensuite de M. Bulow, son successeur. Nommé inspecteur aux revues et commissaire du roi de Westphalie, avec des pouvoirs extraordinaires, à la fin de 1808, il fut envoyé à Magdebourg pour rétablir l'harmonie momentanément troublée entre les Français et les Westphaliens; commission délicate dont il s'acquitta avec beaucoup d'habileté et de bonheur. Prisonnier de guerre en 1813, M. Bail perdit alors, par l'invasion étrangère, tous les fruits de ses économies; rentré dans son grade au service de France, en 1814, et employé, à la fin de juillet 1815, à l'armée qui se retira sur les bords de la Loire, il concourut aux opérations du licenciement et revint ensuite à Paris, où il fut quelque tems en butte aux persécutions de l'esprit de parti. Admis pour cinq ans au traitement de réforme, en février 1818, il se retira ensuite dans la vallée de Montmorency pour s'y livrer en paix à son goût pour les lettres. Il publia successivement plusieurs ouvrages qui eurent du succès : les Juifs au XIXe siècle ; l'État des Juifs en France, en Espagne, en Italie; Essai sur l'organisation des armées; Histoire politique et morale des révolutions de France; de l'Arbitraire dans ses rapports avec nos institutions, etc.; il fournit aussi quelques articles à la Revue Encyclopédique, entre autres sur le commerce des anciens et des modernes. ( T. v, p. 407; t. vi, p. 22). — M. Bail avait depuis long-tems une santé fort chancelante; l'assiduité avec laquelle il travailla à son dernier ouvrage, intitulé : Études littéraires des classiques français, à l'usage de la jeunesse (Paris, 1824; 2 vol. in-8°. Eymery, voy. Rev. Enc., xxI. p. 426), l'altéra d'une manière sensible.-L'air de la campagne, une vie douce et paisible, les soins les plus tendres ne purent arrêter les progrès d'une hydropisie, à laquelle il succomba, malgré les secours éclairés du docteur Coster, après six mois de souffrance. Il laisse une veuve inconsolable, dont l'unique fortune est le nom d'un homme de bien, et deux fils d'un premier mariage qui ont embrassé l'état militaire.

C.

CONTENUS

DANS LE SOIXANTE-SIXIÈME CAHIER.

JUIN 1824.

I. MÉMOIRES, NOTICES ET MÉLANGES.

1. Notice sur la navigation et la guerre sous-marines.

De Montgéry. 521 2. De la précision dans le style. . . . Lémontey, de l'Institut. 540 II. ANALYSES D'OUVRAGES.

3. Cours de philosophie générale; par H. Azáïs .... Ferry. 557 4. De l'économie publique et rurale des Égyptiens et des Carthaginois; par L. Reynier.

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5. Histoire de l'Égypte sous le gouvernement de MohammedAly; par M. Félix Mengin.

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573

J. Mauviel. 578

6. OEuvres complètes de Machiavel, traduites par J.-V. Périès.

M. Avenel, 586

7. Discours concernant l'influence de l'Amérique, sur l'esprit humain (ouvrage américain ). Lanjuinais, de l'Institut. 603

8. CEuvres complètes d'Alexandre Duval. 9. OEuvres complètes d'Étienne Jouy...

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H. Patin. 611

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Année. 624

III. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Annonces de 102 ouvrages, français et étrangers. AMÉRIQUE.— États-Unis, 3; Amérique méridionale, 2. ASIE, I..

EUROPE. Grande-Bretagne, 11.- Russie, 2. Allemagne, 4. Suisse, 6. Italie, 9. pagne, 4.- Pays-Bas, 6.

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- FRANCE, 50; savoir: sciences physiques, 17; sciences morales et politiques, 12; littérature, antiquités et beaux-arts, 18; Mémoires et Rapports de Sociétés savantes, 1; ouvrages périodiques, 1; livres en langues étrangères 1.

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IV. NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES. AMÉRIQUE. Etats-Unis, New-York, nouveau recueil périodique. Haïti; Port-au-Prince, Nécrologie: Laprée et Colombel..

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ASIE. Batavia, Académie des sciences. — Chine, Jurisprudence criminelle.— Indes Orientales, Littérature ancienne.

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