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s'éleva de nouveau avec non moins de vivacité et de chaleur dans la Chambre des Communes. Les mêmes partis étaient encore également en présence. C'était, d'un côté, le ministère et les Wighs; de l'autre, les Torys et les Jacobites (les partisans des Stuarts). Plusieurs Wighs, cependant, qui avaient été pour le bill, en étaient devenus les adversaires. Ce fut BROMLEY qui fit la motion de l'abrogation de l'acte; on n'en fût point étonné, il en avait combattu chaudement la proposition; mais, ce qui surprit extrêmement, ce fut de voir le célèbre PULTENEY, qui en avait été un des plus ardens défenseurs, en devenir un des plus violens antagonistes. Il invoquait la différence des tems et des circonstances, et appuyait son opinion sur les inconvéniens qui étaient résultés de l'adoption de ce bil. Les argumens pour et contre, qui avaient été employés en 1716, reparurent en 1734, et les uns et les autres reçurent plus ou moins d'appui des faits qui avaient eu lieu dans cette période de tems. En examinant dvec impartialité ces nouveaux débats, on est obligé de convenir qu'ils étaient moins puisés dans l'intérêt public, que dans des ambitions particulières. C'était la possession du pouvoir qui était le but que se proposaient les deux contendans, lord BOLINGBROKE et Robert WALPOLE. Les discours de ce dernier et ceux de WYADHAM, ami de Bolingbroke, sont des chefsd'œuvre d'énergie et d'éloquence, mais sont remplis des personnalités les plus violentes. Walpole l'emporta par une majorité de 247 voix contre 184; il resta au ministère, et Bolingbroke se retira en France.

La septennalité occupa encore la Chambre des communes, dans un tems bien plus rapproché de nous. Ce fut dans la séance du 7 mai 1783, que M. PITT, parlant en faveur de la réforme parlementaire, s'exprimait ainsi : « L'un des plus grands vices de la représentation nationale, est dans la durée des Parlemens, qu'il faudrait rendre triennaux, comme ils l'étaient d'après

la loi rendue sous le règne de Guillaume et Marie; c'est au moyen du funeste accroissement de la durée du Parlement que les représentans du peuple se placent dans la dépendance, ou de la couronne, ou de l'aristocratie; ce qui, dans deux cas différens, affecte et altère l'essence de la constitution, dont le but est que le peuple, par le moyen de la représentation, ait une influence sur le gouvernement. »

« Otez la fréquence des élections, comment s'exercera cette influence?» ajoutait M. Fox, en appuyant la proposition de M. Pitt, qui ne fut rejetée qu'à une majorité de 11 voix.

Alex. LAMETH.

LITTÉRATURE.

Le Théatre des GRECS, par le P. BRUMOY. Seconde édition complete, revue, corrigée, et augmentée de la traduction d'un choix de fragmens des Poëtes grecs, tragiques et comiques; par M. RAOUL-ROCHette, membre de l'Institut de France (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) (1).

QUATRIÈME ARTICLE.

(Voyez ci-dessus, pag. 326-344.)

Corneille travailla pour son tems; il n'imita point du tout les Grecs (2); il inventa une tragédie nouvelle. Au lieu du dogme de la fatalité, au lieu des fables mythologiques et héroïques, il puisa dans l'histoire, qu'il avait beaucoup lue, des faits remarquables, propres au développement et au jeu des passions. Le souvenir des guerres civiles, encore récent, tourna ses pensées vers la politique; il mit dans ses tragédies beaucoup de discussions sur les gouvernemens; il choisit souvent, pour sujets, ces grands événemens, qui changent la face des empires: Horace, Cinna, la Mort de Pompée, Héraclius, Rodogune, Sertorius, Attila sont de grands tableaux historiques; les actions de ses tragédies furent intéressantes, théâtrales; les dénoûmens ordinairement pleins de force et d'éclat, le dialogue

(1) Paris, 1821-1823. 16 vol. in-8°; prix 6 fr. 5o c. le vol. Mad. ve Cussac, rue Montmartre, no 3o. (V. Rev. Enc., 1re série, t. xv, p. 165, ci-dessus, p. 77-102 et 326-344. )

(2) Il ne leur a emprunté que le seul sujet d'OEdipe, qui même lui fut proposé, dit-on, par M. Fouquet.

élevé, rapide, énergique, étincelant de traits sublimes; heureux s'il ne tombait pas quelquefois dans la déclamation ou dans les subtilités! Corneille traça pour nous les règles de l'art, et les enseigna par des exemples; il montra comment il fallait distribuer et conduire une action, soutenir continuellement l'attention et la curiosité par des incidens variés et gradués, augmenter l'intérêt de scène en scène, jeter dans les entr'actes les faits qui ne doivent pas être mis sous les yeux des spectateurs; ne point laisser la scène vuide, motiver les entrées et les sorties des personnages; enfin, composer tout l'ouvrage et le mettre ensemble, de façon

Que d'un art délicat les pièces assorties

Ne fassent qu'un seul tout de diverses parties.

La tragédie de Corneille fut moins poétique, moins musicale que celles des anciens; elle représenta non pas les actions des dieux et des demi-dieux, mais celles des hommes illustres par leur courage, par leurs vertus; elle diffère de la tragédie grecque, comme l'histoire diffère de la fable.

N'ayant point les chœurs des anciens, et obligé de mettre, dans chacune de ses tragédies, plus de faits et d'incidens qu'ils n'y en a dans une tragédie grecque, Corneille consulta encore le goût de son siècle, et en suivit l'impulsion. Après les romans et les poëmes de chevalerie, étaient venus les romans d'une longueur interminable, chargés d'événemens, de beaux faits d'armes, et de fidèles amours, l'Astrée, les Polexandre, les Clélie, les Cyrus, etc... Notre littérature avait pris quelque chose de la littérature espagnole, laquelle se ressentait du séjour que les Maures, peuple galant et bien plus civilisé que les Espagnols, avaient fait dans la Péninsule. Roxas, Guillen de Castro, Cervantes, Lopez de Vega avaient mis dans leurs pièces beaucoup d'amours romanesques; Corneille crut ne pouvoir mieux faire que de montrer ses héros amoureux, braves et

galans; mais il faut avouer que, si l'on excepte Rodrigue et Chimène, Pauline et Sévère, et quelques scènes de ses autres pièces, ce grand homme n'a pas fait parler l'amour aussi bien que l'héroïsme et les passions généreuses.

Racine, adorateur des anciens, commença par prendre un sujet dans Euripide; d'après les Phéniciennes, il composa les Frères ennemis; mais dans sa seconde pièce (Alexandre), il n'imita malheureusement que trop le langage des romans d'alors; son Alexandre, son Taxile, son Porus lui-même et les reines de l'Inde, parlèrent comme les héros et les héroïnes de la Calprénède et de Mlle de Scudéri. Dans le chef-d'œuvre même d'Andromaque (1), Oreste et Pyrrhus ont encore bien des galanteries qui ne conviennent point à leurs mâles caractères. Dans cet ouvrage, et dans ceux qu'il composa depuis, ce poëte admirable égala les anciens par la noble et touchante simplicité, par l'éloquence entraînante, par l'harmonie et par le charme continuel de son style; il marcha d'ailleurs sur les traces de Corneille, et adopta son système tragique; il l'imita surtout dans la régularité des plans, dans le soin d'observer les vraisemblances, et d'enchaîner les événemens avec tant d'art, que cet art même disparaît; enfin il n'existe, dans aucun théâtre, des tragédies qui

(1) Racine lui-même nous apprend qu'il a puisé le sujet de cette tragédie dans le troisième livre de l'Énéide; il cite le passage dans sa préface. Il n'a emprunté à l'Andromaque d'Euripide que quelques traits du caractère d'Hermione. Voltaire veut absolument que le Pertharite de Corneille ait fourni à Racine la fable et le fonds de son Andromaque. Il faut du courage pour lire Pertharite jusqu'au bout; j'ai fait cet effort; et, en vérité, je ne crois pas que Grimoald et Garibalde, qu'Édüige et Rodelinde soient les originaux, et que les personnages de la pièce de Racine soient les copies. Il y a bien quelque rapport éloigné entre les situations, mais c'est tout. Je pense que Racine n'eût pas moins composé Andromaque quand Pertharite n'eût pas existé; ni lui ni Corneille n'y auraient rien perdu.

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