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communauté des biens et l'anéantissement des devoirs de la famille.

Robespierre fut le premier à s'apercevoir que la plupart de ses partisans compromettaient ses doctrines par la manière dont ils les appliquaient. Il voulut les arrêter; mais ils résistèrent! il les envoya à l'échafaud !

Alors la terreur prit un nouveau caractère. On avait d'abord égorgé pêle-mêle et au hasard, Robespierre organisa la proscription; il songea même à y mettre un terme. Son but avait toujours été de fonder en France une démocratie austère dont il fût le chef. Il avait fallu, pour cela, faire table rase; mais il pensa que l'heure était enfin venue d'édifier, et il commença à rassembler les éléments d'ordre, au milieu du désordre même.

Ces nouvelles tendances s'exprimèrent d'abord par des attaques contre les anarchistes de la commune, des démarches pour les députés expulsés comme complices de la Gironde, des paroles de tolérance en faveur des officiers nobles et des prêtres.

Robespierre comptait surtout sur ces

derniers pour une organisation générale, dont il eût donné le plan à titre de régulateur de la France; c'était le nom significatif que les amis intimes donnaient déjà tout bas au nouveau protecteur. Il fut même question, aux approches de la fête de l'Être suprême, d'appeler à Paris tous les évêques constitutionnels, afin de s'entendre avec eux sur la nouvelle forme religieuse proclamée par Robespierre et qui devait servir désormais de base au mouvement révolutionnaire.

En essayant de lier ainsi l'action politique à celle du rationalisme symbolisé dont il avait fait une religion, le nouveau Cromwell devenait en effet une sorte de pape, réunis. sant dans sa personne deux caractères et deux autorités.

Or, un pareil espoir devait lui sourire plus qu'aucun autre ; il y avait toujours eu du prêtre dans cet homme qui n'avait été fort que par la patience, la ruse et la continuité.

Il savait d'ailleurs qu'une société ne pouvait se maintenir sans règle morale et qu'il

en existait deux bien distinctes : la règle chrétienne encore puissante sur le plus grand nombre, et la règle naturelle, adoptée par cette portion de la nation plus instruite, sinon plus éclairée, qui avait accepté l'héritage philosophique du dix-huitième siècle; ce fut à concilier ces deux règles qu'il employa tous ses efforts. Son discours sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, révéla complétement sa pensée à cet égard. Il y fit sentir vivement la nécessité d'une croyance à laquelle fussent liés « les motifs «des devoirs et les bases de la moralité, et déclara qu'en touchant avec trop peu de prudence et de délicatesse à la religion du peuple, on l'avait perverti.

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C'était là un langage nouveau, sans doute, et qui dut singulièrement déconcerter les élèves de Marat et d'Hébert. Ils sentirent alors qu'ils s'étaient trompés sur le compte de Robespierre.

Celui-ci réclama bientôt l'épuration du comité de salut public et la punition des fonctionnaires qui avaient abusé de leur au

torité; c'était demander leur condamnation à tous. Les révolutionnaires dans le sens du crime, comme les appelait Saint-Just, virent que la chute du chef était désormais leur seule chance de salut; ils se réunirent pour l'amener.

Robespierre découvrit le complot; mais ses récents ennemis étaient, malheureusement, ses anciens partisans; toutes leurs iniquités avaient été commises en son nom; il en restait plus chargé qu'eux-mêmes, et les honnêtes gens firent avec les conspirateurs cause commune contre lui. Il comprit tellement le danger de cette position qu'il voulut s'en expliquer publiquement.

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«Les infàmes disciples d'Hébert, s'écria«<t-il à la tribune, ont dit aux nobles en parlant de moi : C'est lui seul qui vous « a proscrits; aux patriotes: Il veut sauver les nobles; aux prêtres : Sans lui << vous seriez paisibles et triomphants; aux républicains persécutés : C'est lui qui << ordonne de vous poursuivre, ou ne veut pas l'empêcher. Ils m'ont ainsi renvoyé « toutes les plaintes dont je ne pouvais faire

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« cesser les causes, en disant : Votre sort

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dépend de lui; et maintenant ils m'appellent tyran! »

Ces reproches étaient vrais au fond, mais le préjugé public était plus fort que toutes les apologies. Robespierre avait proclamé le culte de la terreur et s'en était déclaré pour ainsi dire le grand prêtre; on ne chercha point si ses intentions avaient été méconnues ou exagérées; toute la haine de cette longue douleur lui revint, et le neuf thermidor fut accueilli par des acclamations unanimes.

Ainsi, pour Robespierre comme pour beaucoup d'autres, le préjugé populaire a prévalu sur la vérité, et son nom semble destiné à conserver longtemps encore, sinon toujours, une célébrité injurieuse! Cependant il restera constant pour ceux qui regardent au fond des choses, que Robespierre fut le moins inique et le plus intelligent des terroristes; que les dépravations effrontées du sans-culottisme l'eurent constamment pour ennemi, et qu'il succomba, non par ses excès révolutionnaires, mais pour avoir voulu les arrêter.

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