Slike stranica
PDF
ePub

mystère, l'époque (milieu du xve siècle), le lieu (les Pays-Bas et sans doute Grammont), la langue, les autres compositions dramatiques sur saint Adrien, sont successivement étudiés avec autant d'érudition que de critique, et qui comprend en outre une soigneuse analyse du mystère. Celui-ci, qui compte dans le ms. 9.588 vers (mais M. P. croit qu'il a été abrégé), est publié avec le plus grand soin, accompagné d'une Table analogique des noms et des matières et d'un excellent glossaire. L'œuvre n'est pas d'une valeur extraordinaire, mais elle emprunte de l'intérêt au fait qu'elle a été composée et représentée à la limite des pays roman et flamand, et qu'elle garde de son origine des traces que le savant éditeur a fort bien signalées (il conjecture ingénieusement que le Rusticus, dont le rôle n'est pas écrit, s'exprimait en flamand). Il faut retrancher venir (qui serait pour venu) du nombre des mots où l'r s'écrit sans se prononcer (ce qui donne lieu à des remarques fort curieuses de l'éditeur): au v. 3009 sera venir = saura venir (cf. v. 636 et le v. Savoir au glossaire). V. 88 nous lirions cest' hoste (= cette hotte) au lieu de cest hostel, pour la rime et le sens. V. 413 m'en fault, 1. n'en fault. V. 1236 1. Mesuy au lieu de Mesny, pour lequel l'éditeur propose diverses explications.

Dr M. G. OBEDENARU. Texte macedo-române. Batnu di poesii poporale de la Cruşova, publicate dapă manuscritele originale de prof. J. BIANU. Edițiunea Academici române. Bucarest, Göbl, 1891, in-8°, Ix-380 p. Ce livre nous a été adressé longtemps après sa publication, ce qui excusera notre retard à l'annoncer. Il contient deux longs contes fantastiques et de nombreuses poésies populaires, dans le dialecte macédo-roumain de Cruşova, recueillis par M. G. Obedenaru et publiés après sa mort par M. J. Bianu; ils sont accompagnés d'un glossaire, d'un tableau des verbes et d'une double traduction en roumain littéraire et en français. C'est une intéressante contribution à l'étude de la population et de la langue macédoroumaine, qu'on commence à étudier de divers côtés avec l'attention qu'elles méritent.

Olto ballate amorose di Giovanni Quirini, Veneziano. Padova, nozze RasiSaccardo, 3 février 1896. Ces ballades, précédées de très jolis vers de M. Guido Mazzoni, sont publiées par M. S. Morpurgo. « Il Quirino, fervido ammiratore e imitatore di Dante, fu tra i primi a coltivare in Venezia, e con mano abbastanza felice, il dolce stil novo, da cui queste ballate, cone parecchi suoi sonetti d' amore, ritraggono schiettamente imagini e parole. » Barlaam and Joasaph. English Lives of Buddha, edited and induced by Joseph JACOBS. Londres, Nutt, 1896, in-12, CXXXII-56 p. L'élégante « Bibliothèque de Carabas », que publie la librairie Nutt, vient de s'enrichir d'un très joli volume, dû à M. Joseph Jacobs, dont nos lecteurs connaissent déjà le savant et quelque peu paradoxal ouvrage sur les fables ésopiques (Rom., XX, 289). Il comprend la traduction de la Vie latine des saints Barlaam et Joasaph, imprimée par Caxton, avec un petit poème anglais du XVIIIe siècle sur le même sujet, et surtout une longue introduction où

[ocr errors]

M. Jacobs expose l'histoire de la célèbre légende depuis son origine indienne jusqu'en Europe; le spirituel érudit suit naturellement le beau travail de M. Kuhn (Rom., XXIII, 312), mais il présente sur plus d'un point des vues originales qui méritent d'être examinées par la critique. Son livre offre, sous une forme très attrayante, le dernier état des recherches scientifiques sur la célèbre légende. Un appendice contient la bibliographie de chacune des paraboles insérées dans les diverses versions.

Le Dict des Jardiniers, épithalame pour le mariage d'Antoine de Disimieu et de Pernette de Montvuagnard. Farce morale du xvie siècle, publiée et annotée par François MUGNIER. Paris, Champion, 1896, in-8°, 78 p. Ce dialogue — auquel l'éditeur a donné son titre, manquant dans le manuscrit, fut composé vers 1430 par un certain François de M..... (le reste du nom a été gratté), pour le mariage des personnages en question. Trois jardiniers, Cœur Valeureux, Loyal Désir et Franc Vouloir, aspirent à la <«< rose » de Montvuagnard, et Nature l'adjuge à Cœur Valeureux, celui qui a le mieux plaidé sa cause : « Il n'y a nul qui dise mieux, » remarquet-elle après chacun de ses discours, et c'est la devise même qu'avait prise, par un jeu de mots, la famille de Disimieu. Les jardiniers vantent leurs qualités dans des vers remplis d'équivoques faciles à deviner et qui étaient reçues en pareille circonstance; la pièce n'en est pas moins soi-disant << morale »>; elle ne manque pas d'ailleurs, malgré la faiblesse du style, d'un certain agrément. M. Mugnier l'a accompagnée de très bons éclaircissements historiques et l'a publiée avec soin; on souhaiterait une ponctuation un peu plus réfléchie et plus de conséquence dans l'emploi des apostrophes, des u ou v, i et j, des lettres majuscules, des accents, etc. V. 77, 1. Par sus les monts des Oreades. V. 119, 1. il conduyt comme aux v. 130 et 145 (ce même refrain doit être suppléé après le v. 140). Dans la didascalis qui suit le v. 201, il faut sans doute lire commençant au lieu de comme avant et trialogue au lieu de teralogue. V. 206 que jour, 1. que j'oys. V. 207 dessins, 1. dessus. V. 270 Na par grant mont,'l. N'a pas grandment. V. 425 acteteyne, 1. acerteyne. V. 432 pieux, 1. preux. V. 435 assie, 1. affie. V. 482 A vous, 1. Avons. V. 490 en, 1. ou. V. 650 quavons, 1. qu'av’ous (qu'avez-vous). V. 679, 1. Plus noble(ment) ne pour(re)rions trouver. V. 758 sacrifiee, 1. sacrifice, V. 893, 1. sans doute Encor le veiz fouir jardin hier. Le «< prince >> dont il est question à la p. 37 n'est ni Apollon, ni le duc de Savoie, ni François I, mais Dieu. Les mots luiton (v. 74), sehu (v. 80), mon (v. 778), qui embarrassent l'éditeur, sont bien connus et se trouvent dans tous les dictionnaires de l'ancienne langue.

Le Propriétaire-Gérant, Ve E. BOUILLON.

Mâcon, Protat frères, imprimeurs.

LA TOMBE DE ROLAND A BLAYE

L'historien doit prêter attention aux moindres détails d'une légende. S'agit-il d'une tradition populaire, formée insensiblement dans la pensée des hommes ? les peuples ne sèment rien au hasard. Si les chrétiens du xe siècle envoyèrent Charlemagne, après ses victoires, prier à Jérusalem sur le tombeau du Christ, c'est que pour eux la visite aux Lieux-Saints était l'ornement de toute sagesse et le couronnement de toute grandeur. S'agit-il d'une fable savante, habilement combinée par des érudits de cloître? il importe que chaque fait y serve de preuve. Lorsqu'au XIe siècle les prêtres limousins arrêtèrent les lignes de la vie de saint Martial, l'apôtre de l'Aquitaine, ils veillèrent avec soin à ce qu'il ne sortît point des limites. de leur duché on le fit séjourner longtemps à Mortagne-surGironde, la dernière bourgade aquitaine vers le sud-ouest; de là, il convertit Bordeaux : mais il n'alla pas dans cette ville, qui était cité gasconne. Toutes ces traditions, savantes ou vulgaires, sont fausses, et ne contiennent cependant rien qui n'ait sa raison d'être.

On voudrait montrer par un exemple comment ont procédé les peuples ou les poètes pour fixer les traits les plus précis de la légende de Roland.

Les obsèques de Roland sont le dernier fait qui concerne directement le héros. Charlemagne a conduit le corps à Blayesur-Gironde; il l'y dépose dans la basilique de Saint-Romain. Pourquoi la légende a-t-elle fait de cette église la dernière demeure du mort de Roncevaux1?

1. On dit la légende et non pas l'histoire. Nous n'avons aucune preuve, aucun soupçon même que Charlemagne ait réellement enterré Roland à Blaye. L'eût-il fait, qu'il faudrait expliquer le choix de cette ville; or les motifs qui auraient pu le dicter sont pour la plupart ceux qui s'appliquent à la légende.

Romania, XXV.

II

161

Pour expliquer le rôle de Blaye dans cette légende, il faut chercher celui qu'elle joue dans l'histoire. Or, du rau xre siècle, l'histoire de Blaye offre trois détails caractéristiques :

1o Blaye était située sur la route la plus occidentale de la Gaule romaine, celle qui menait le plus directement des bords du Rhin en Espagne1. Ce grand chemin était l'une des cinq ou six artères vitales de l'ancienne France. Du nord-est il venait de Tours, Poitiers, Saintes, les trois chefs-lieux des plus importantes cités de la Gaule de l'ouest. Depuis Saintes, il descendait droit vers le sud, par Pons2, Saint-Genis, Mirambeau3, SaintCiers-la-Lande+. Il débouchait dans Blaye au pied de la colline qui porte aujourd'hui la citadelle, à l'endroit où s'élève l'église de Saint-Romain. De cette ville, il gagnait Bordeaux par la rive droite de la Dordogne et de la Garonne; et au delà de Bordeaux il filait vers l'Espagne, traversait la Leyre non loin de Belin', l'Adour à Dax, et se divisait enfin en deux rameaux, dont l'un gagnait le Somport et l'autre le col de Roncevaux7.

Cette route est l'oeuvre incontestable des Romains. L'existence en est prouvée dès le temps de Trajan, et elle doit être antérieure. Le moyen âge la conserva et, sans la réparer, l'utilisa sans cesse. Au milieu du xvIIe siècle encore, il n'y avait que de

1. Itinéraire Antonin, édit. Parthey et Pinder, p. 219; Table de Peutinger (Desjardins, Gaule Romaine, t. IV, pl. ix et x).

2. Deux bornes milliaires, l'une de Gordien III (Espérandieu, Épigraphie romaine du Poitou et de la Saintonge, p. 34); l'autre non datée, mais de Septime Sévère au plus tard (MED XIII, d'après ma copie).

3. Stations non prouvées.

4. Borne milliaire de Trajan au Musée de Bordeaux.

5. Cf. le plan de Blaye au xvire siècle, à la suite de l'Histoire de Blaye de l'abbé Bellemer (Bordeaux et Blaye, 1886).

6. Et peut-être à Belin même, sinon à l'époque romaine, du moins à partir du XIIe siècle. Voyez le Codex de Saint-Jacques, édit. Fita et Vinson (Paris, 1882), p. 43 Item in Landis Burdegalensis, villa quae dicitur Belinus. 7. Itinéraire Antonin, p. 452 et 455. Cf. Longnon, Atlas historique de la France, pl. II.

8. Borne de Saint-Ciers-la-Lande.

9. Les preuves sont innombrables. En voici deux tirées des chansons de geste. Dans Raoul de Cambrai, édit. P. Meyer et A. Longnon, p. 283:

Droit vers Poitiers aqueullent lor chemin
Dusques a Blaives sejornent molt petit;

légères variantes entre son parcours et la grande route royale de Paris en Espagne 1.

Sur cette route, Blaye est une station de premier ordre. D'une part, elle est bâtie sur une colline assez élevée, la dernière que baigne la Gironde en aval de son cours. D'autre part, elle est le point où la grande voie atteint le fleuve. Elle est à la fois la clef de la Gironde et la clef de la route de Paris 2.

Aussi fut-elle, à peu près toujours, traitée en place de guerre. Quand les Romains, vers l'an 300, hérissèrent de forteresses la Gaule entière, ils firent de Blaye un castrum 3; ils y installèrent une garnison, pour la défense commune du fleuve et de la route. C'était, en allant vers la mer, la dernière cité militaire de l'Aquitaine girondine. Aux conquérants venant du Nord, elle s'opposait comme une barrière protégeant Bordeaux. Charles Martel dut la prendre avant de songer à l'attaque de la grande ville 5.

Puis si en vinrent droit a Bordiax la cit;
Parmi la lande aqueullent lor chemin.
Tant chevauchierent et par nuis et par dis,
Que a Saint Jaque vinrent a un mardi.

Et voici dans Amis et Amiles (2e édit. Hofmann, 1882, p. 54) la première partie de la route :

Li cuens Amis entra en son chemin,
Celui qui va de Blaivies a Paris,
Passa Torainne et Poitiers autressi,
A Saint Jehan sont venu d'Angeli,

Un mardi vindrent a Blaivies la fort cit.

Sur le passage des pèlerins par cette route, voyez en particulier le Codex de Saint-Jacques (x11e siècle), qui en indique très ponctuellement les stations, p. 33 et suiv., p. 3, p. 11 et 12 : ce Codex est un véritable guide à l'usage des pèlerins. D'autres textes chez Francisque Michel, Histoire du commerce à Bordeaux, t. I, ch. XXV; et Adrien Lavergne, Les chemins de Saint-Jacques en Gascogne (1887, extrait de la Revue de Gascogne), p. 31 et suiv..

1. Voyez les chansons des pèlerins chez Lavergne, et les cartes de la Guyenne, de Masse (vers 1700), et de Belleyme (sous Louis XVI).

2. Cela est très bien marqué dans le célèbre mémoire de Vauban sur Blaye (1685, cf. Bellemer, p. 325).

3. Ausone, Epistolae, vers 16: Militarem ad Blaviam.

4. Notitia dignitatum, Occident, ch. 37, éd. Seeck.

5. En 735. Continuation de Frédégaire, II, 109, etc. C'est le cas de toutes les expéditions françaises contre la Gascogne anglaise à partir du XIIIe siècle. Cf. Vauban : « Cette place assurera la còte et le pays et sera une lunette à Bordeaux. >>

« PrethodnaNastavi »