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sont en général d'accord pour établir que le poète du XIe siècle connaissait les personnages épiques de Guillaume, Bernard, Ernaud, Aïmer et Bertram'. D'autre part, dans le fragment de La Haie, texte plus ancien que le Pèlerinage,' on voit figurer déjà Bernard, Ernaud et Bertram. Le même fragment mentionne en outre Guibert, qui manque dans le Pèlerinage. Ce qui est précieux pour l'histoire de l'épopée française, c'est que dans le texte du xe siècle Aïmer ne figure pas encore 2, et que Guillaume n'est pas associé aux autres personnages, comme c'est le cas dans le poème du xre siècle. Un autre fait important, c'est l'absence de Garin d'Anséune et de Bovon de Comarcis dans le fragment de La Haie aussi bien que dans le Pèlerinage. Nous ne sommes pas porté à croire que ces personnages aient été introduits dans l'épopée avant le xIIe siècle 3.

Le seul fait assuré, pour l'histoire du cycle de Guillaume, qui résulte de tout ce que nous avons dit précédemment, c'est que Guillaume, Bernard, Aïmer, Ernaud, Guibert et Bertram étaient connus par les poètes du xre siècle. Rien ne nous permet d'aller plus loin et d'admettre qu'Aymeri, Bovon et Garin étaient déjà introduits dans l'épopée à une époque aussi reculée.

Il reste à dire quelques mots d'une question qui se rattache intimement aux faits que nous avons étudiés plus haut. Si, comme nous l'avons déjà dit, l'auteur du Pèlerinage ne connaissait pas encore un cycle de Guillaume, on se demande quels étaient pour lui les rapports qui rattachaient Guillaume à Bernard et aux autres. Le fait que le poète groupe ensemble ces

1. Quelques divergences insignifiantes, qu'on constate par-ci par-là, ne prouvent rien ici. Dans a, par exemple, au lieu d'Ernald, v. 565, on trouve Berard (Unger, 1. c., p. 475); pour le même vers, A donne Gerin (ib.) et D Rymer (Storm, 1. c., p. 236). Ce dernier texte porte, en outre, Gerard au lieu de Bernard du v. 494 (ib., p. 235), qui, comme nous l'avons vu, correspond au Turpin de la famille x. La même version remplace Aïmer du v. 579 par Engeler (ib., p. 236). Si les versions françaises qui remontent à y s'écartent beaucoup, sur ce point, des autres rédactions, c'est parce que le remanieur de y connaissait d'autres personnages épiques, qu'il a introduits arbitrairement dans son texte.

2. Nous hésitons beaucoup à croire que ce personnage se soit trouvé dans la partie du fragment qui ne nous a pas été conservée, comme M. G. Paris semble l'admettre (La litt. fr. au moyen âge, p. 64).

3. M. G. Paris semble l'admettre (La litt. fr., p. 64).

différents personnages (vv. 553, 565, 579, 591, cf. aussi 327) et, d'autre part, la circonstance que Bertram donne à Ernaud le titre d'oncle (v. 565) nous montrent clairement que pour l'auteur du Pèlerinage la réunion en une famille de ces héros épiques était déjà un fait accompli . C'était le premier pas vers le travail cyclique des xie et xe siècles.

OV. DENSUSIANU 2.

1. Il est bien douteux que le même état de choses nous soit représenté dans le fragment de La Haie. Cf. G. Paris, 1. c.

2. [L'intéressante discussion qu'on vient de lire mérite assurément d'être prise en sérieuse considération. On ne peut dire toutefois qu'elle force l'adhésion. Quoi qu'en dise M. D., il paraît invraisemblable qu'un interpolateur ait introduit, au v. 739, fil le conte Aimeri à l'assonance; et s'il l'a fait, quel était donc l'hémistiche original, contenant évidemment un renseignement sur Guillaume? L'idée m'est bien venue (car j'ai aussi cherché à éliminer Aimeri de notre poème) de lire fil le conte Tieḍri (on sait que le père de Guillaume de Toulouse s'appelait en réalité Tieḍri); mais cela semble bien téméraire, et d'autre part, dans le système de M. D., on devrait retrouver ce nom dans h et dans y, ou au moins dans l'une de ces deux familles. La présence d'Aimeri dans Aa ne laisse pas non plus d'être embarrassante. Enfin tout l'édifice repose sur l'idée que la répartition des gabes de Turpin et de Bernard telle que la donne y contre Ch (x) est originale; or, les arguments ingénieux de M. D. n'ont à coup sûr rien de décisif, et il est assez difficile de comprendre comment un remanieur se serait donné la peine de changer à quatre endroits des vers et des assonances pour faire une interversion aussi peu justifiée. Il aurait dû refaire toute la laisse XLVII, qui cependant, sauf le changement de Bernard en Turpin, est identique dans y à ce qu'elle est dans Ch (et dont la forme est en outre appuyée par celle de xxx11). La difficulté, dira-t-on, n'est pas moindre si on admet que c'est y qui a fait l'interversion : c'est vrai, et la question reste très douteuse, mais il me semble que le motif de l'interversion dans y est plus compréhensible qu'il ne le serait dans l'x supposé. — Pour le v. 352, la leçon des enfanz, proposée par M. Suchier et adoptée par M. D., est tout à fait inacceptable, de en ce sens n'étant pas à beaucoup près si ancien en français. J'admets plutôt qu'il faut lire un enfant; comme il manque un vers avant celui-là, on peut suppléer quelque chose qui explique ce singulier en le rapportant à chacune des colonnes (ou à chacun des piliers). Les remarques de M. D. sur les vv. 117 bis, 151, 172-4 sont justes; elles prouvent (comme le v. 332) que C a quelques fautes, mais non qu'il en a de communes avec h. Quant à la question de l'antiquité du personnage épique d'Aimeri de Narbonne en elle-même, je ne la discute pas présentement, le prochain travail annoncé par M. D. devant me donner l'occasion d'y revenir. G. P.]

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LE DONNEI DES AMANTS

Le ms. 3713 de la Bibliothèque Phillipps, à Cheltenham, se compose de 24 feuillets de parchemin mesurant 236 mill. en hauteur sur 160 en largeur. Il y a deux colonnes par page, chaque colonne renfermant 38 ou 39 vers. L'écriture est une lettre de forme assez peu régulière, comme on la rencontre souvent dans les mss. exécutés en Angleterre à la fin du XIIe siècle et au commencement du XIV. Si l'origine anglaise du ms. n'est pas douteuse, étant attestée par la forme des caractères comme par la langue, on serait bien en peine de dire de quelle partie de l'Angleterre il provient. Le livre dans son état présent ne contient aucune marque de provenance. Sir Thomas Phillips l'indique dans son catalogue comme lui étant venu « de dono R. B. esq. » D'après un renseignement fourni à Madden par Phillipps (p. LIV), il aurait appartenu au monastère de Wilton (Wiltshire), qui était une abbaye de religieuses bénédictines.

Dans son état actuel ce ms. contient les ouvrages ci-après indiqués :

I. (Fol. 1.) « Le lai de Avelot. » Inc. :

Volunters devereit hom oïr

E recunter e retenir

Les nobles faiz as anciëns

E les pruesses e les bens...

Il existe de cette rédaction de l'histoire de Havelok un autre ms., Londres, College of arms, no 14', d'après lequel le poème a été publié d'abord par Sir Fr. Madden, The ancient English

1. Sur ce ms. voy. Fr. Michel, Rapports au ministre, p. 74.

Romania, XXV.

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romance of Havelok the Dane (London, Roxburghe Club, 1828), puis par Fr. Michel, Lai d'Havelok le danois (Paris, 1833). II. (Fol. 7 c). « Le lai del Desiré. » Inc. :

[M']entente i mettrai e ma cure

A recunter un[e] aventure...

Publié d'après ce ms. par F. Michel, Lais inédits des XII et XIIIe siècles (Paris, 1836), pp. 5 et suiv. Cf. Hist. littér., XXIII, 62 et 833.

III. (Fol. 12 c). « Le lai de Nabarez. »>

Publié d'après ce ms. par F. Michel, Charlemagne, an Anglo norman poem of the twelfth century (London, 1836), p. 90-1. Cf. Hist. littér., XXIII, 68 et 833.

IV. (Fol. 13.) « Le romanz des Eles ». Inc.:

Tant me sui de dire teüs

Ke jo me sui aparceüs,

Ki trop se test, que de trop tere

Ne put nul a grant chatel trere...

C'est le poème de Raoul de Houdenc que Scheler a publié, en 1868, dans les Annales de l'Académie d'archéologie de Bruxelles, d'après les mss. de la Bibl. nat. fr. 837 et 19152.

V. (Fol. 17 a). « Le Donnez des amanz, » qui sera imprimé ci-après en entier. Fr. Michel en a déjà publié dans son Tristan (Londres, 1835) les vers 1-10, 153-6, 173-184, 391-406, 12391244 (t. I, p. lxiv-lxvj), 453--536, 589-674 (t. II, p. 149-157.)

Tel est l'état présent du manuscrit. Mais il y a lieu de croire que, par suite d'une transposition qui a dû se produire lorsque sir Thomas a fait relier le volume, les douze premiers feuillets ont été déplacés. Ils devaient jadis prendre place après le fol. 24, et le ms. devait commencer avec le fol. 13. En effet, le catalogue imprimé à Middlehill avant cette transposition donne l'ordre suivant: 1o les Eles; 2° le Donnez; 3° Haveloc; 4° le Desiré; 5° le Nabaret.

Le ms. de sir Thomas Phillipps a été signalé pour la première fois, semble-t-il, par Madden, en 1828, dans l'édition précitée des poèmes relatifs à Havelok '. Il a été décrit sommai

1. Pages v, liv, 208. Sir Frederic a donné, d'après une copie partielle fournie par Sir Thomas Phillipps, quelques variantes tirées de ce ms., mais il n'avait

rement par Fr. Michel, dans son recueil des poèmes sur Tristan. I, lxiii-lxvj '.

La façon dont j'ai résolu les abréviations demande à être justifiée; je ne mentionne naturellement que celles qui laissent place au doute. Un k traversé d'un trait recourbé signifierait, d'après la paléographie habituelle, ker; mais ce mot est écrit deux fois en toutes lettres kar (v. 1140, 1166): j'ai donc toujours lu kar cette abréviation qui se présente très souvent. Pur pro est toujours écrit ainsi (par ex. 383, 408, 420, 425); il n'y a donc pas de doute qu'il faille lire pur l'abréviation qui pourrait ailleurs désigner por. Le copiste écrit très souvent, pour multum, mut (134, 137, 332, 348, 429,654, 843, 899, 944); il faut donc résoudre ainsi l'abréviation ml't, qui a passé, comme on sait, de l'écriture latine à la française, où elle est susceptible de diverses interprétations. - VI't (452, 544) est encore une abréviation héritée du latin, et qui en latin signifie vult; mais le scribe ayant écrit une fois volt (488), c'est ainsi qu'il faut la lire. Le fr. puis est rendu soit par p', soit par pus en toutes lettres (128, 791, 798, 802, 881, 901, 919) j'écris toujours pus. Nous et vous sont presque toujours notés no et v9; cependant on trouve nus 168, 301, 337, 375, et vus 264, mais vos 865. On pourrait donc hésiter; mais vu le caractère général de la notation j'ai toujours imprimé nus, vus, d'ailleurs plus conformes aux règles paléographiques. Il faut noter au v. 997 vus pour la 2o pers. du prés. ind. de voleir; j'ai également imprimé vus. - On sait qu'un trait sur une voyelle peut représenter également ʼn ou m: j'ai écrit m devant une labiale, le manuscrit, quand il porte en toutes lettres les mots où elle se trouve, écrivant presque toujours m compaignun 458, 723, chambre 562, champ 957 (mais enbrace 234). J'ai écrit de même femme pour fême. La question est

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pas vu le ms., qui s'était trouvé égaré (« mislaid », p. 208) au moment de la publication, comme du reste l'étaient en général les mss. dont on demandait communication à sir Thomas.

1. Tout ce qu'on vient de lire sur le manuscrit de Cheltenham m'a été communiqué par P. Meyer.

2. A plusieurs endroits où l'abréviation en question commence le vers (ce qui est d'ailleurs toujours le cas), on pourrait être tenté de la lire ke; mais un examen attentif du ms. m'a prouvé que le scribe n'emploie jamais d'abréviation pour ke.

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