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I

faire porter le serpent par le vieillard à sa maison, de le faire étendre le long de son feu 2, etc. : ces détails ont pu lui venir d'eux-mêmes, comme beaucoup d'autres qu'il ajoute pour rendre le récit plus long et plus agréable. Plusieurs de ces additions ne sont que du remplissage, mais d'autres sont intéressantes, notamment toutes les allusions aux formalités de la procédure, qui nous montrent dans notre poète un plaideieor expérimenté : le serpent se refuse à quitter la position avantageuse qu'il occupe (dans le sein de son bienfaiteur) et déclare vouloir plaider en seisine, ce qui est un avantage considérable; le renard veut entendre les deux parties avant de prononcer son esgart; puis quand les paroles sont dites, il demande à voir le fet. Tout

ce récit est animé et vivant.

C'est encore à la Disciplina clericalis que notre auteur doit le second des contes insérés dans son poème que nous a conservés le manuscrit. Ce conte (v. 929-1160), comme je l'ai déjà dit, est celui de l'Homme et l'oiseau, qui fait le fonds du célèbre et charmant Lai de l'oiselet. J'ai étudié jadis et on a étudié depuis moi les diverses formes qu'a prises ce joli récit indien dans la littérature du moyen âge. Il faut maintenant ajouter aux versions déjà connues celle de notre poème. Elle dérive directement du récit latin de Pierre Alphonse 6, et quelques rencontres avec

1. Il est curieux que le yépwv tis yewprés d'Ésope reparaisse ici; ce n'est évidemment qu'un hasard.

2. A plus forte raison la coïncidence est-elle fortuite avec La Fontaine, mais il faut avouer qu'elle est frappante; cf. Si l'a cuchee lez le fu et Il l'étend le long du foyer.

3. Comme on l'a vu plus haut, le poème devait en contenir d'autres, à coup sûr celui de l'ivrogne qui se croyait chien, bien probablement celui de l'homme qui avait un demi-ami, et peut-être celui de l'homme qui, détaché du gibet, s'offrit à pendre celui qui l'avait délivré.

4. Le Lai de l'oiselet, poème français du XIIe siècle, publié d'après les cinq manuscrits de la Bibliothèque nationale et accompagné d'une introduction. Paris, 1884, in-12 (imprimé pour les noces Depret-Bixio et non mis dans le commerce).

5. E. Kuhn, Barlaam und Joasaph, eine bibliographisch-literarischer Studie. Munich, 1893, in-4 (cf. Rom., XXIII, 312). — J. Jacobs, Barlaam and Josaphat. London, 1896, in-12 (p. CXXI).

6. Il suffit de rapprocher les v. 1019-20: Ne prendrez tant a vos estaus Pur vendre les chars de treis veals de: quas majoris pretii facies quam trium vitulorum

d'autres versions françaises de ce récit doivent être considérées comme purement fortuites 1. Notre poète, suivant son usage, a beaucoup amplifié son modèle; il l'a fait avec agrément, et s'il n'a pas introduit, comme l'auteur du Lai de l'oiselet, des éléments tout nouveaux, il ne s'est pas astreint non plus à la servilité d'une des deux traductions françaises de la Disciplina 2, et il a procédé plus librement que la seconde elle-même3, qui n'a que 156 vers, tandis que la sienne en compte 232.

On voit que le Donnei des amanz présente de l'intérêt à divers points de vue, et qu'il méritait assurément d'être tiré de l'unique manuscrit où il était enfermé depuis six siècles.

Gaston PARIS.

carnes (cf. Cast. : Que tu priseras, dans vassaus, Plus que la char de trois veaus ; dans Chast. on lit: treis gras oisels, mais il faut peut-être corriger veels).

1. Ainsi notre poème (v. 976) parle de la cage que le vilain destine à l'oiseau et que P. Alphonse ne mentionne pas expressément; cette cage se retrouve dans le Cast. (v. 52) et, sous la forme jaiole, dans le Lait de l'oiselet (v. 226), mais elle était bien naturellement suggérée.

2. Le Castoiement d'un père à son fils, publié par Barbazan, nouvelle édition par Méon (Paris, 1808, in-8), p. 130.

3. Le Chastoiement d'un père à son fils, traduction en vers français de l'ouvrage de Pierre Alphonse (seconde partie de la Disciplina clericalis, Discipline de Clergie, Paris, 1824, Soc. des bibliophiles français), p. 130.

NOTICE

SUR UN MANUSCRIT FRANÇAIS

APPARTENANT AU MUSÉE FITZWILLIAM (CAMBRIDGE)

Ce manuscrit était au siècle dernier la propriété de Dom Carpentier, qui le cite à mainte reprise dans son supplément au glossaire latin de Du Cange et qui le mentionne en ces termes dans la table des ouvrages cités :

Le Bestiaire, écrit en 1323. Ex Museo meo.

Généalogie de la Vierge, écrite en 1323. Ex Museo meo.

Vie de Jésus-Christ, écrite en 1323. Ex Museo meo1.

Le Glossarium novum de D. Carpentier est daté de 1766, et l'auteur mourut en 1767. Depuis lors on avait perdu la trace du livre, écrit en 1323, qui renfermait les trois ouvrages ci-dessus mentionnés. Peut-être aussi ne s'était-on guère mis en peine de la retrouver. Toutefois il n'était pas complètement oublié. Il y a dix ans, M. Chabaneau 2, publiant, d'après un ms. de Montpellier, le roman de saint Fanuel et de sainte Anne, constata que le livre possédé et cité par Carpentier devait contenir la légende en vers du prétendu saint Fanuel, mais ne pouvait être identifié avec aucun des exemplaires connus de ce poème, sinon peutêtre avec un ms. Hamilton récemment acquis par le Musée de Berlin et qui lui était connu par une courte citation de M. Suchier 3.

1. Glossarium novum ad scriptores medii ævi, t. IV (1766), p. LXXXIV; édit. Henschel, VII, 449-50.

2. Revue des langues romanes, ze série, XIV (1885), 120.

3. Dans la Zeitschr. f. rom. Phil., VIII, 429. M. Chabaneau a pris la peine de reproduire, dans un appendice à son édition de Fanuel, toutes les citations empruntées par Carpentier à son manuscrit (Revue des langues romanes, 4e série, II, 394 et suiv.).

La conjecture de M. Chabaneau était fondée. Le ms. de D. Carpentier et le ms. Hamilton ne font qu'un. Seulement ce livre n'est plus au Musée de Berlin; il ne lui a même, en réalité, jamais appartenu. L'histoire est assez curieuse. La Bibliothèque Hamilton a été formée par Alexander DouglasHamilton († 1852), et par son fils William Alexander Anthony Archibald Douglas-Hamilton († 1863)1. Le fils de celui-ci, qui était fort connu à Paris dans les dernières années du second empire, mais non pas par ses goûts littéraires, vendit en 1882 et années suivantes, les livres, imprimés et manuscrits, les tableaux, les objets d'art dont il avait hérité. Pour les manuscrits, voici ce qui se passa. Un catalogue en fut rédigé et imprimé par les soins de la maison Sotheby, de Londres, en 1882. Mais, avant que les exemplaires en fussent distribués, le gouvernement prussien entra en arrangement avec le propriétaire pour l'acquisition en bloc de tous les manuscrits, moyennant une somme de 70 000 livres 2. Les manuscrits et les exemplaires du catalogue imprimé furent envoyés à Berlin. Ces derniers seuls devaient y rester en totalité 3. Soit qu'on se fût engagé un peu légèrement,

1. Le premier, qui eut la part principale dans la formation de cette bibliothèque si précieuse, avait épousé en 1810 la fille de William Beckford, et était, par ce mariage, entré en possession d'une très riche collection. On peut voir, sur la bibliothèque de W. Beckford, l'ouvrage intitulé: Repertorium bibliographicum, or some account of the most celebrated libraries (London, Clarke, 1819, in-8), p. 203 à 230. Cet ouvrage nous renseigne assez bien sur d'importantes collections du temps qui ont fourni à la Bibliothèque Hamilton quelques-uns de ses livres les plus précieux. On y verra par ex., p. 260, où se trouvait, avant d'entrer chez Hamilton, le célèbre Dante illustré par Botticelli, qui est maintenant à Berlin.

2. Des articles ont été publiés en divers recueils périodiques à l'occasion de cette vente. On peut voir notamment, The Bibliographer, no de décembre 1882; The Athenæum, no du 11 novembre 1882; Le Cabinet historique, 1882, p. 597. Nous avons mentionné sommairement, d'après l'Athenæum, l'acquisition faite (et que nous supposions définitive) par le Musée de Berlin, dans notre t. XI, p. 628-9.

3. Je ne crois pas qu'il soit possible actuellement de se procurer en Angleterre le catalogue de 1882. Je ne le connais que par un exemplaire d'épreuves qu'on a bien voulu me communiquer au Musée britannique, mais qui ne fait pas partie des collections mises à la disposition du public. Ce catalogue est à d'autres égards encore une grande curiosité. On y voit, par

soit que les intentions du gouvernement prussien aient changé, le prix convenu ne put être payé, et par suite le Musée et la Bibliothèque de Berlin durent revendre une très notable partie de la collection. Des offres furent faites, par l'intermédiaire de libraires, à divers établissements. Certains articles, par exemple le n° 594, consistant en douze volumes de pièces relatives à l'Écosse (1542-1544), furent achetés à l'amiable par le Musée britannique. Finalement, en 1889, il fallut remettre en vente une notable partie de la collection. Un catalogue, extrait de celui de 1882, fut alors publié par la maison Sotheby. Le ms. de Carpentier est décrit tant bien que mal, plutôt mal que bien 2, sous le n° 20. C'était le n° 273 du catalogue de 1882. Il fut acheté par l'administration du Fitzwilliam Museum, à Cambridge, où se forme peu à peu une collection, déjà intéressante, de manuscrits à miniatures, et il est longuement décrit dans le catalogue de ces manuscrits, qui a récemment été publié par le directeur du Musée, M. Montague Rhodes James 3. Cette description a particulièrement en vue l'ornementation et ne rend point superflue une notice ayant pour objet

exemple, mentionné (no 20) un exemplaire de l'Alexandreis de Gautier de Châtillon, avec cette remarque étonnante: «< This metrical Romance is apparently unknown »>!!! On rencontre souvent des remarques de cette valeur dans les catalogues de la maison Sotheby.

Pour la partie italienne du moins, cet introuvable catalogue est absolument annulé par la série de notices publiées en 1887 par M. L. Biadene, dans le Giornale storico della Letteratura italiana (X, 313 et suiv.), sous ce titre : I manoscritti italiani della collezione Hamilton nel R. Museo e nella R. Biblioteca di Berlino.

1. Catalogue of ninety-one manuscripts on vellum, illuminated by English (Anglosaxon), Byzantine, French, Flemish, Dutch, Burgundian, German, Italian and Spanish artists, of the VIIth to the XVIIth century, chiefly from the famous Hamilton collection, and till lately in the possession of the Royal Museum of Berlin, which will be sold by auction by Messrs. Sotheby, Wilkinson and Hodge... on Thursday, the 23d day of May 1889. - Ce catalogue est orné d'un certain nombre de phototypies.

2. Deux seulement des ouvrages qu'il contient sont signalés, et de la façon la plus inexacte.

3. A descriptive catalogue of the manuscripts in the Fitzwilliam Museum, with introduction and indices, by Montague Rhodes JAMES. Cambridge, University Press 1895. Gr. in-8, avec vingt planches en héliogravure.

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